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convenue, et quand vous descendez pour vous mettre en selle, il ne manque plus que les chevaux. Après deux ou trois messages expédiés vers le khan où ils ont passé la nuit, vous poussez un soupir de soulagement, les entendant arriver à la file, d'un pas encore quelque peu endormi.... Mais patience, il faut les seller, les harnacher, les habiller. En effet, la veille au soir, on a dû les laisser partir tout nus pour leur gîte, à moins qu'on ne tienne nullement à sa selle, car une seule nuit dans un khan fait subir à une selle européenne une métamorphose affligeante. Tout ce qui était courroie est devenu ficelle; les boucles se sont changées en nœuds. Vient ensuite l'article des bagages: un homme seul ne peut pas charger une mule et lui équilibrer son double fardeau. Le moucre se met donc en quête d'un coadjuteur, qu'il faut trouver, réveiller, secouer, pousser, entraîner, à moins que la caravane ne compte plusieurs moucres, et alors c'est bien pis : dès que l'un s'éveille, l'autre se rendort, comme dans les farces de l'ancien théâtre, et les charges restent à terre,

et les voyageurs se morfondent, et le temps. passe.

Je m'étais éveillé à trois heures du matin, il en était cinq lorsque nous quittions le couvent.

Au bord de la grande piscine carrée que l'on aperçoit à main droite en sortant de Ramleh, je rejoignis mes compagnons de la veille. Hadji-Moustapha, plus vigoureux qu'un jeune homme, avait déjà fait gaillardement son bout de chemin pour venir de Lydda, et s'était trouvé le premier au rendez-vous. Il en était à son troisième tchibouq. Les enfants d'Israël l'avaient rejoint ensuite; ils avaient été prêts avant moi pour un motif bien simple, c'est qu'ils n'avaient pas de moucre qui s'occupât d'eux.

Notre groupe, reformé au complet, se met à arpenter activement la fertile plaine de Ramleh, voulant gagner la montagne avant que le soleil devienne trop ardent.

Le petit ruisseau, dont la verdure sombre des joncs dessine les méandres, à droite de la route, et qui se perd dans les dunes à

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quelques lieues au sud de Jaffa, est appelé torrent de Nephtoa par Mercator 1. Il me semble que Mercator se trompe; le Nephtoa de l'Écriture est cet autre bras qui, arrivant à la Méditerranée par un chemin indirect, va rejoindre le fleuve de Sorek, ce torrent dont les bords peu fleuris réfléchirent si souvent autrefois l'image de la belle Dalila 3. Toute cette plaine légèrement ondulée, qui s'étend à notre droite et devant nous jusqu'au pied des montagnes encore bleuies par la brume transparente du matin, était, à l'époque des Juges, un théâtre de discorde entre les Hébreux et les Philistins. Il s'y livrait des escarmouches continuelles entre les hautes terres et le bas pays. C'est l'arène où Samson s'illustra par ses entreprises personnelles, par ses exploits plus brillants qu'utiles à son pays.

A une heure et demie de Ramleh, nous laissons, à quelque cent mètres sur le côté droit de la route, au delà du ruisseau, le village

1. Page 650. 2. Josué, XV et XVIII.

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de Berriè (le désert), village tout moderne qui n'éveille aucun souvenir; puis, une heure plus loin, nous atteignons un pli de terrain entouré de cactus en haies, sur la pente duquel, à gauche, s'étend un village assez important, mais d'un aspect rebutant de saleté. Aussitôt je pose à Hadji-Moustapha mon point d'interrogation pour noter le nom de cette gracieuse résidence.

On l'appelle Kebab ( le rôti ) depuis une époque fort reculée.

Le prophète Salomon, sur qui soit le salut! avait à se plaindre des gens du pays, qui, malgré le nombre immense de leurs troupeaux, refusaient depuis plusieurs années de payer la dîme aumônière ( zékiat) de leurs bœufs, de leurs moutons et de leurs chèvres. Le prophète ayant décidé que tout propriétaire de quarante moutons et de trente bœufs serait soumis au zėkiat, ces fils du péché firent un accord secret pour éluder la loi, partageant leurs troupeaux entre eux et faisant passer pour propriétaires les femmes, les filles, les enfants, de sorte que pas un ne pos

sédait plus de vingt-neuf bœufs et de trenteneuf moutons ou chèvres. Qui fut bien irrité de cette malice? ce fut le grand Salomon lorsqu'il se vit, lui le dominateur des esprits. (djinn), trompé par l'astuce de grossiers paysans. Il résolut de les punir. A son ordre, les djinn descendirent dans la plaine, sous forme de grands loups fauves jetant par la gueule des flammes ardentes, et se mirent à courir en cercle tout autour du pays cultivé. Les moissons étaient mûres, et l'incendie se propagea rapidement, chassant vers le centre tous les troupeaux disséminés dans la campagne. Ces pauvres bêtes, éperdues de terreur, se réunirent toutes à l'endroit où est Kébab aujourd'hui, et y furent détruites par le feu. Les débris de leurs corps ont formé cette colline, et le nom de Kébab reste comme un vestige éternel de la vengeance du prophète. Voilà ce que j'ai toujours entendu raconter, et Dieu seul connaît la vérité.

Il est superflu d'ajouter que j'avais reconnu sur-le-champ, dans le récit du vieillard, l'histoire des trois cents renards que Samson

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