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noms de Celui qui est. Mais les fils de Chanaan, laissés par leurs prêtres dans une ignorance profane, croyaient que chaque nom spécial indiquait une essence divine distincte et personnelle c'est ainsi que les gens de la plaine, dont la culture des céréales était la grande occupation, adoraient Dagon, le Dieu froment. Les pêcheurs de la côte adressaient leurs vœux à Derkéto, la fécondité des poissons. Astaroth ou Ástarté (les richesses) avait pour adorateurs les marchands opulents et corrompus des grandes villes. Chamos (la chaleur) était l'idole des peuples de Moab, étouffant dans l'atmosphère embrasée du Ghôr, au sud de la mer Morte. Les forces créatrices étaient représentées par Belzebuth (dominus-phallorum), sorte de Priape, et Belphegor (dominus rima), Vénus impudique; tous deux recevaient les sacrifices de ces villes maudites qui, depuis plusieurs milliers d'années, se purifient au fond de la mer Morte de leurs vieilles souillures. Toutes ces spécifications des différents attributs de Dieu, rendues sensibles et matérielles par la pierre et le bois, par l'or et l'ar

gent, devenaient aux yeux du vulgaire de véritables idoles, et les Hébreux, garantis de cette erreur par la sagesse de Moïse, qui proscrivait toute image, voyaient avec horreur chez leurs ennemis un Olympe peuplé de dieux imaginaires et impuissants; ils les flétrissaient donc du nom de Fils de Bélial, gens sans joug et sans Dieu. Tel est le résumé de ce mémorable monologue.

A main droite, à une portée de fusil, s'élève un misérable village relié à la route par un aqueduc grossier qui est censé apporter l'eau à une fontaine arabe placée sur le bord du chemin, malheureuse fontaine bien déshéritée, car elle n'est mouillée que quand il pleut. C'est la fontaine de Sarfand. On prétend que Sarfand est l'ancienne Geth ou Gath, patrie du géant Goliath. Je crois plutôt que le pays des géants de la race d'Arapha est Djathou ou Gathou, petit village situé à une heure d'ici, vers le midi et le couchant. Le martyrologe romain1 dit que le prophète Jonas fut en

1. Au 21 septembre.

terré à Gath dans la terre de Saar; mais saint

1

Jérôme en place le tombeau à Diocœsarea

ou Diospolis. Or Diospolis est Lydda, que nous verrons ce soir 2.

La tour carrée qui s'élève à droite du chemin est connue sous le nom de Tour des quarante martyrs. Elle date seulement du temps des croisades; c'était le clocher d'une église de templiers, dans laquelle avaient été transportées les reliques de quarante soldats martyrisés en Arménie. Mais avant d'entrer à Ramleh, prenons ce chemin à gauche pour visiter Lydda, la Diospolis des Grecs, dont le nom antique revit aujourd'hui chez les Arabes sous la forme de Lud. Si nous arrivons un peu plus tard à notre gîte, du moins nous aurons gagné quelque chose sur la rude journée de demain.

Nos compagnons juifs, moins curieux que moi, se privèrent de ce petit détour et allèrent

1. Ad Chromatium in proœmio.

2. A Mossoul, l'ancienne Ninive, existe une mosquée connue sous le nom de Nebi-Younnès, qui, d'après les musulmans, renferme le tombeau du prophète Jonas.

tout droit à Ramleh avec le moucre et les bagages. Le vieux Hadji-Moustapha, au contraire, m'accompagna, déclarant qu'il allait passer la nuit à Lud et qu'il nous rejoindrait le lendemain. Je suis un questionneur infatigable. Hadji-Moustapha ne put donc éviter de me dire pourquoi il allait à Lud, au lieu de suivre l'itinéraire obligé des gens qui se rendent à Jérusalem.

་་

Nous autres fils d'Arabes, dit-il, nous conservons les traditions de notre vie bédouine. Parce que nos tentes, aujourd'hui, sont de pierre, que nos campements ne quittent plus les endroits choisis par nous, avons-nous cessé d'être les enfants du désert, et devons-nous renier nos ancêtres? Lorsqu'ils arrivèrent dans ces pays bénis de Dieu et chers à tous les prophètes, ils étaient depuis longtemps divisés en deux grandes fractions, les Kayssi, fils de Kays-ibn-Ghaylan, et les Yéméni, venus de l'Yémen. Nous, leurs descendants, habitants des villes et des villages, nous sommes encore Kayssi ou Yéméni, selon que la chaîne de nos aïeux ou les liens de nos

alliances nous rattachent à l'un ou à l'autre

des deux partis. Les jeunes gens ont beau mépriser les vieilles idées, il y aura toujours des Kayssi et des Yéméni: en vain les lèvres d'une ancienne blessure se rapprochent, la cicatrice ne disparaît jamais. Moi Kayssi, j'aime mieux descendre chez les miens à Lud, que de recevoir l'hospitalité des gens de Ramleh, qui sont Yéméni.

- C'est donc une haine implacable qui divise les deux branches de la famille arabe? lui demandai-je.

Non, ce n'est pas de la haine, et devant l'étranger nous n'oublions pas que nous sommes frères. Mais dans toutes nos querelles intérieures, de canton à canton, de village à village, il y a toujours, au fond, la trace de la séparation originelle. C'est l'ordre de Dieu, il veut qu'elle se conserve éternellement puisqu'il en a marqué nos usages même les plus pacifiques. Quand une fille de Lud, qui est Kayssi, épouse un homme de Ramleh, un Yéméni, elle est conduite par ses parents, jusqu'à la limite du territoire, couverte d'un

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