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préjuger la question. Et d'abord, quant au fait allégué par le préopinant, je réponds qu'il n'existe pas,et que l'assemblée n'ayant

rien statué encore sur l'inviolabilité du régent, sur l'identité des fonctions, des droits et des devoirs attribués à la régence et à la royauté, on ne peut pas dire que l'identité de la régence et de la royanté force à rendre celle-là héréditaire comme celle-ci. Pour ce qui est de la crise dont on vous a fait un effrayant tableau en cas d'élection, je réponds qu'elle existe pour toutes les régences, pour toutes les minorités : c'est toujours une grande crise politique, que la vacance du trône, que la minorité d'un prince; mais on ne peut l'éviter, et elle est peu redoutable dans un gouverne

ment bien constitué. >>

« J'arrive à la troisième objection, et je déclare qu'elle me paroît mériter d'être scrutée dans tous ses détails, parce qu'elle est raisonnable, et même forte sous certains rapports. Sans doute un régent électif obtiendroit plus de faveur qu'un régent héréditaire, parce que le choix de la réflexion et de la confiance donne et doit donner plus de crédit que celui du hasard. Cette

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objection doit donc être examinée; mais elle ne tire nulle force des exemples récens qu'a cités le préopinant. Dans les secousses morales et politiques que nous avons éprouvées depuis deux ans, deux, trois ou dix hommes, s'ils avoient formé les projets qu'on suppose, en cas de succès n'en auroient été qu'un peu plus vîte, un peu plus sûrement à la potence. Puisqu'on a cité Cromwel, je rappellerai un mot de cet homme qui connoissoit si bien les choses et les hommes, puisqu'il en avoit tiré un si grand parti, et qu'il leur avoit imprimé une direction si puissante. Il passoit avec Lambel son fidèle compagnon, les applaudissemens, les cris de joie, les bravo retentissoient autour d'eux. Lambel étoit enthousiasmé de ces acclamations. Cromwel, ce grand scrutateur du cœur humain pour dégriser son ami, lui dit : on nous applaudiroit bien davantage si nous allions à l'échafaut. »

{ << Eh! Messieurs,ne croyez pas que quand une constitution est faite on puisse tirer un grand et sur-tout un durable parti d'une crise momentannée ; et soyez sûrs qu'en ce genre comme en tout autre, on ne recueille

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pas autre chose que ce qu'on a semé. Pen dant que je parlois et que j'exprimois mes premières idées sur la régence, j'ai entendu dire avec cette indubitabilité charmante à laquelle je suis dès long-temps apprivoisé cela est absurde, cela est extravagant, cela n'est pas proposable. Eh bien! je déclare que dans cette assemblée je connois de très-bon citoyens, des esprits très-éclairés qui ont de grands doutes sur la question, et qui s'apprêtent à soutenir l'élection de la régence. J'en conclus que la question doit être posée ainsi, qu'elle a besoin d'être discutée; et que quand on propose une chose quelconque, avant de dire c'est absurde, c'est extravagant, c'est improposa ble, il faut y avoir bien réfléchi, ce qui en tout état de cause ne gâte rien. »

La discussion sur la question de savoir si la régence seroit élective ou héréditaire, prit dès-lors un caractère plus déterminé. Nous regrettons de ne pouvoir analyser les discours des orateurs qui ont développé des principes dans les opinions opposées.

M. Péthion combattit le projet du comité en ce qui concernoit la régence héritaire.

Mirabeau exposa son avis dans le dis

cours qu'on va lire.

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« J'ai dit hier dans cette assemblée que mon avis n'étoit pas formé sur la question qui vous occupe, cependant les feuilles du soir ont répété à l'envi que j'avois prêché la régence élective; mais qu'impor tent les feuilles du soir marchons à la question. >>>

« La régence sera-t-elle héréditaire ou élective, ou plutôt, car un régent ne succède à rien, ainsi l'expression régence héréditaire est impropre : la régence sera-t-elle "fixée d'une manière invariable, ou déterminera-t-on seulement le mode qui doit former la régence? Telle est la véritable question dans laquelle je me suis apperçu, ainsi qu'en maintes occasions, que beau'coup d'hommes prenoient leur horison pour Jes bornes du monde. Je vais chercher s'il n'est pas quelques aspects nouveaux sous lesquels on la peut considérer, s'il est vrai que dans toutes les hypothèses elle intéresse la sûreté de la monarchie, et peut altérer la régularité du gouvernement; si un bon constitutionnaire ne doit pas voir que cette question n'a qu'une importance factice éma

née de nos vieilles idées de l'ancien régime; qu'enfin il est assez indifférent qu'un régent soit bon ou mauvais, ce qui simplifieroit beaucoup la question. (Il s'élève des murmures). Il y a d'abord un grand aspect sous lequel la question n'a été ni vue ni présentée. Plusieurs philosophes, méditant sur la royauté, ont considéré la monarchie héréditaire, comme l'oblation d'une famille à la liberté publique ; tout doit être libre dans l'état, excepté cette famille. Le gouffre de l'anarchie est creusé par l'ambition et les factieux; Décius s'y précipite, le gouffre se referme : voilà l'emblême de la royauté dans cette théorie. »

« Le systême de l'indivisibilité du privilége auquel tous sont appelés, et qui sépare la famille entière de la nation, conduiroit à soutenir que c'est à la famille à nommer le régent. Le droit du plus proche parent n'a lieu qu'à la mort du roi ; roi;

alors il s'agit de le remplacer, au lieu que, dans le cas de la régence, il ne s'agit pas de remplacer le roi qui existe, quoiqu'enfant, mais de remplacer la royauté; et ce cas est bien différent de l'autre. La royauté est à la famille, c'est à la famille à la faire

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