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AVERTISSEMENT.

L'Ouvrage que l'on donné au public exiftoit depuis fort longtemps en manufcrit dans les Bibliotheques de plufieurs curieux; il paroît maintenant imprimé pour la premiere fois d'après une copie prife fur un manufcrit très-correct 2 provenant de l'inventaire de feu M. le Comte de Vence.

Quant à l'Auteur de ce traité, on ne fait rien de plus fur fon compte que ce qu'il en apprend lui-même, c'est-à-dire qu'il paroît avoir juivi la profeffion des armes, avoir beaucoup voyagé, enfin avoir profondément médité le fujet dont il parle. On ignore fi le Pere Malebranche a répondu aux difficultés qui lui font ici propofées; il eût été bien à defirer qu'un fi grand Philofophe les cût levées; ce qu'il eût fait, fans doute de la maniere la plus folide & la plus fatisfaisante.

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Sile public fembloit goûter le travail de cet Auteur, on pourroit par la fuite lui préJenter l'Ouvrage fur la Morale qu'il annonce à la fin de celui-ci, dans lequel l'Auteur. développe les principes établis dans fon vingtieme & dernier Chapitre.

A

DIFFICULTÉS

SUR LA

RELIGION

Propofées au Pere Malebranche.

INTRODUCTION.

MON REVEREND PERE.

JE

E n'ai ni la témérité ni l'indifcrétion de vous demander la permiffion de vous entretenir, ou de vous propofer de vive voix mes difficultés fur la Religion: ce feroit vous faire perdre des momens précieux que vous pouvez employer plus utilement pour vous-même & pour l les autres, & qu'on accorde toujours difficilement à un inconnu. Mais j'ofe au moins efpérer que vous voudrez bien jetter les yeux fur cet écrit, où j'ai rasfemblé, avec plus d'ordre & de méthode qu'on n'en peut mettre dans la conver

fation la plus fuivie, toutes mes objec tions contre le Chriftianifme; elles font le fruit & le réfultat de mes méditations; & peut-être ne font-elles pas tout-à-fait indignes de votre examen. It feroit, je crois, fuperflu de vous prévenir fur la foibleffe & l'incorrection de mon ftyle, ainfi que fur mon peu d'érudition le mêtier que je fais ne m'a pas permis de faire de grands progrès dans les lettres; mais un philofophe, tel que le Pere Ma lebranche, ne méprifera pas la vérité pour être expofée fans éloquence & fans art par un militaire franc & fincere.

A l'égard des livres qu'on a déjà publiés fur cette matiere, tels que ceux de Spinofa, de Hobbes, &c. je puis vous affurer que je n'en connois aucun. Si dans le cours de cet ouvrage il m'arrive quelquefois de me rencontrer dans que ques-unes de mes idées avec ces auteurs célebres, ce fera l'effet pur du hazard. Le peu d'études que j'ai faites en ce genre n'a pu que faire naître quelquesunes de mes réflexions; & je n'en emploierai aucunes de celles que je puis avoir acquifes par la lecture ou par la converfation. Ce n'eft pas toutefois que je prétende ne rien dire que de neufs au contraire, je fuis perfuadé que la plos

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grande partie de mon ouvrage a été dite ou pensée par d'autres: mais je n'ai rien appris d'eux. La plupart des difficultés que vous allez trouver ici fe font préfentées, pour ainfi dire, d'elles-mêmes à mon efprit; les autres font le fruit de mes réflexions férieufes fur cette matiere importante.

Au refte, quoique tout ce que je vais dire me paroiffe folide, je fouhaite de tout mon cœur d'en voir la réfutation. Je dis plus, fi vous pouvez, mon Révérend Pere, mettre feulement les chofes en équilibre, & me donner des raifons capables de balancer les miennes, quoiqu'elles ne les détruifent pas tout-àfait, la force de l'éducation, jointe à la haute opinion que j'ai de vos lumieres, me ramenera fous le joug de la Religion Chrétienne. Mais je ne me payerai pas de bruits populaires, de déclamations d'autorités, d'allégories, ni d'autres preu ves de Catéchiftes & de Miffionnaires.

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Cette déclaration, mon Révérend Pere, eft d'autant plus néceffaire, qu'en matiere de Religion on met tout en ufage pour terraffer fon adverfaire: & puifque vous avez foutenu que l'on ne pouvait s'affurer de la réalité des corps que par l'Ecriture fainte, puifque vous avez

trouvé Jésus-Chrift reffufcité glorieufement dans une fourmi devenue papillon; puifque vous avez apporté, comme une preuve de la vérité des dogmes qu'on nous enfeigne, le confentement de tant de perfonnes à ces chofes incroyables, contradictoires & inacceffibles à la raifon; de quoi ne fera point capable votre grand génie pour foutenir une telle' caufe?

Les préjugés dont on a été imbu dès l'enfance, & l'inhabitude de réfléchir fur certains objets, font qu'on fe contente d'une infinité de preuves qui ne foutiendroient pas un examen froid & impartial: ce qui a quelque fauffe apparence de folidité, fur-tout en matiere de Religion, eft une conviction pour la plupart des hommes: on trouve vraisemblable ce qui paroît ridicule à toute perfonne dégagée de prévention. Vous êtes, mon R. P. un exemple frappant de ce que j'avance; & cette foibleffe, ou cette efpece d'aveuglement volontaire fur les abfurdités de votre Religion, vous eft commune avec tant de grands hommes, bons raifonneurs fur toute autre matiere, que votre réputation ne court aucun ris. que pour cela,

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