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18. L'esprit d'un bon général devrait ressembler, pour la clarté, au verre d'un télescope, verre qui, ayant passé sur la meule, ne présente point de tableau à l'œil.

19. Un général qui voit par les yeux des autres, ne commandera jamais une armée comme elle doit l'être.

20. Pour avoir de bons soldats, il faut qu'une nation soit toujours en guerre.

21. Quand un soldat a été avili et déshonoré par le fouet, il se soucie fort peu de la gloire et de l'honneur de son pays.

22. Le militaire n'est jamais chez l'étranger lorsqu'il est sous le drapeau : où est le drapeau, là est la patrie.

23. Il n'est pas de grandes actions suiries qui soient l'œuvre du hasard et de la fortune elles dérivent toujours de la combinaison et du génie.

24. La guerre est comme le gouvernement, c'est une affaire de tact.

(NAPOLÉON I".)

1 J'ai trois manières de traiter l'ennemi : celui qui arrive au-devant de moi et m'accueille, devient mon ami, mon frère; celui qui m'attend et capitule, est mon prisonnier; celui qui croise l'épée est mort. Par ce moyen, la terreur de mes armes diminue le nombre de mes ennemis : un combat meurtrier en prévient plusieurs autres qui le seraient davantage.

2. Ne demandez jamais combien sont-ils, mais où sont-ils ?

3. Retenir un otage est un crime: on ne doit point trahir la confiance de l'ennemi qui vient négocier sur la foi de l'armistice.

4. Je ne fais point de plans partiels; je ne vois les choses qu'en grand, parce qu'un tourbillon d'événements change toujours les plans qu'on a concertés. (SOUWAROW.) Je ne crains l'ennemi que quand je ne le vois pas. (NEY.)

On ne peut obtenir de succès éclatants qu'avec de braves soldats, et l'on ne peut rendre les soldats braves qu'en excitant leurs passions. (Le général RoGNAT.)

On ne décourage pas l'ennemi avec des retraites, ni les masses tumultueuses avec des concessions. (Le maréchal BUGEAUD.)

Le soldat qui rend ses armes se déshonore, et déshonore l'uniforme de ses camarades. (Le colonel AMBERT.) 1. A la guerre, dans la plupart des cas,

BABOUIN (Prov.). On raconte qu'une fille de Corinthe était prosternée au pied d'une statue de Vénus qui tenait Cupidon par la main, et lui demandait de lui faire obtenir pour époux un beau jeune homme qu'elle aimait. Derrière la statue se trouvait caché, en ce moment, un espiégle qui répondit à la suppliante, d'une voix très-douce : « Ce n'est pas pour vous. » La jeune fille s'imagina alors que c'était Cupidon qui lui par

c'est un avantage immense que d'attaquer: on vous suppose alors des ressources supérieures à celles que vous possédez.

2. La guerre doit être une méditation, et la paix un exercice.

3. La guerre doit nourrir la guerre.

4. Un soldat s'avance volontiers au feu, mais il n'aime pas voir trop en arrière celui qui le commande.

5. Le temps est tout cinq minutes font la différence entre la défaite et la victoire.

6. L'armée la plus invincible est celle où les pères pensent le plus souvent à leurs enfants, les fils à leurs pères et les frères à leurs frères.

7. Les lauriers doivent se partager entre le hasard, les soldats et le général.

8. Après le combat, il n'y a plus d'ennemis sur le champ de bataille.

9. Une ville rebelle doit être ruinée.

10. Les volontaires dans le service demandent trop d'égards et de ménagements. Les exemptions des devoirs de la discipline qu'ils usurpent ou qu'on ne peut se dispenser de leur accorder sont d'un pernicieux exemple et gâtent les autres.

11. La gloire et l'amour du bien public ne campent jamais où l'intérêt commande. 12. Si le lendemain d'une bataille les rois visitaient les hôpitaux, ils ne feraient jamais la guerre.

13. Livrer bataille, c'est battre en brèche l'armée qu'on a devant soi.

14. Une armée ne doit jamais approcher les bois et les montagnes, sans les occuper entièrement.

15. On ne doit jamais exécuter devant l'ennemi, aucun mouvement de conversion, à moins que ce ne soit pour former la ligne sur un flanc attaqué.

16. La meilleure évolution est celle qui peut être exécutée par un certain nombre d'hommes, dans le moindre espace de temps et de terrain.

17. Il n'y a point de science plus difficile que celle de la guerre, et cependant, par une étrange contradiction de l'esprit humain, ceux qui embrassent cette profession ne donnent généralement que peu ou point d'application à son étude. Ils semblent croire que la connaissance de quelques vaines et puériles manœuvres constitue le grand homme de guerre (X.)

B

lait de la sorte, et elle lui répliqua, non sans dépit Taisez-vous, petit Babouin, laissez parler votre mère qui est plus sage que vous. On a fait un proverbe de cette réponse.

BADAUD (Dicton). Quelques-uns pensent que ce mot a pour origine ce mauvais latin badaldus, provenant de badare, qui signifie avoir la bouche béante. Le sobriquet de badaud a été donné aux Parisiens par les provinciaux; mais Voltaire, qui était de la

vieille Lutèce, semble vouloir se regimber contre cette qualification dans les lignes suivantes : « Si on a donné ce nom, dit-il, au peuple de Paris, plus volontiers qu'à un autre, c'est uniquement parce qu'il y a plus de monde à Paris qu'ailleurs, et par conséquent plus de gens inutiles qui s'attroupent pour voir le premier objet auquel ils ne sont pas accoutumés, pour contempler un charlatan ou un charretier dont la charrette sera renversée et qu'ils ne relèveront pas. Il y a des badauds partout, mais on a donné la préférence à ceux de Paris. >>

Corneille diffère en cela d'opinion avec Voltaire, et, dans sa comédie du Menteur, il caractérise ainsi le Parisien:

Paris est un grand lieu plein de marchands n êlés;
L'effet n'y répond pas toujours à l'apparence;
On s'y laisse duper, autant qu'en lieu de France;
Et parmi tant d'esprits plus polis et meilleurs,
Hy croft des badauds autant et plus qu'ailleurs.

A son tour, M. Audiffret définit ainsi l'habitant de la grand'ville: « Le Parisien n'est ni une bête, ni un niais, ni un nigaud, ni un imbécille, ni un sot: c'est un homme simple et crédule, qui, n'ayant jamais rien vu, croit tout, admire tout et s'étonne de tout. »

BAGUENAUDEK (Dicton). On entend par cette expression, s'amuser de bagatelles. Elle vient de l'habitude qu'ont les enfants de presser les gousses du baguenaudier, pour produire une sorte d'explosion.

BAISE-MAINS (Prov.). Pour exprimer qu'on accueille une chose avec reconnaissance ou avec soumission, on dit proverbialement qu'on la reçoit à belles baise-mains, c'est-à-dire, soit en baisant la main du bienfaiteur, soit en baisant la sienne propre. Cet usage, qui monte à une très-haute antiquité, s'est répandu dans tous les pays. Les païens saluaient le soleil, la lune et les étoiles, en portant la main à la bouche. Je me suis réservé, dit le Seigneur, sept mille hommes, qui n'ont pas fléchi les genonx devant Baal et qui ne l'ont point adoré en baisant la main. (III Reg. xix, 18.) Job déclare qu'il ne s'est jamais rendu coupable de cette superstition: Si vidi solem cum fulgeret aut lunam incedentem clare, et osculatus sum тапит meam ore meo. (Job xxx1, 26.) Les Romains adoraient aussi les dieux en portant la main à la bouche: In adorando, dit Pline, dexteram ad osculum referimus.

BAMBOCHE (Dicton). Ce mot, qui exprime rigoureusement une personne petite et disgraciée de la nature, fut appliqué, comme sobriquet, à un peintre hollandais, nommé Pierre de Laco, très-contrefait, et qui avait le goût singulier de peindre des figures grotesques qui faisaient pour ainsi dire pendant à la sienne. Ses tableaux eurent une sorte de célébrité; son genre reçut le nom de bambochade; et cette qualification; passant plus tard de la peinture aux actes de la vie, on appela bamboches, les facéties de mauvais ton et les plaisirs grossiers.

BAPTISTE (Prov.). On donnait ce nom, dans les anciennes comédies, à un person

nage, sorte de niais, dont aucun événement ne pouvait troubler la sérénité. On s'accoutuma alors à dire: Tranquille comme Baptiste, pour désigner quelqu'un indifférent aux plus graves catastrophes.

brillante qui s'évanouit en peu de temps: BARADAS (Dicton). On dit d'une situation c'est la fortune de Baradas. Ce Baradas était un favori de Louis XIII, mais sa faveur n'eut qu'une durée de deux mois environ, et il la perdit fort singulièrement. Se trouvant un jour à la chasse avec le roi, le chapeau du prince vint à tomber sous le cheval du favori, et au moment où on allait le relever, l'animal peu courtois pissa dans le couvre-chef du souverain. Celui-ci s'en prit à Baradas de l'incongruité de sa monture, et depuis lors lui retira ses bonnes grâces.

BARAGOUINER (Dicton). Cette expression désigne un langage qui n'est pas ou est peu intelligible. Suivant Ménage, elle vient de deux autres mots bara et guin qui, en breton, signifient pain et vin. Du mot baraguin on aurait fait le verbe baraguiner ou baragouiner, qui est comme si l'on disait ne savoir autre chose d'une langue que les mots pain et vin. Mais Grovonius assure de son côté que baragouiner veut dire proprement chicaner dans une vente ou dans un achat.

BARBE (Prov.). Les anciens Romains n'avaient qu'une médiocre idée de la franchise d'un homme à cheveux noirs et à barbe rousse, d'où sont venus le proverbe français: A barbe rousse et noirs cheveux, Ne te fie si tu veux;

et le proverbe espagnol: Faux de nature, les cheveux noirs, la barberousse.

BARDOT (Dicton). On appelle ainsi un petit mulet; et, dans le monde, on donne quelquefois ce nom à celui sur qui le plus grand nombre se décharge du poids des tra

vaux.

BARILLET (Prov.). On appelle ainsi un petit baril. Brantômé cite ce proverbe: Jaloux de sa femme comme un ladre de son ba

rillet.

BASSESSE. La bassesse est une médaille dont le revers est l'insolence.

(LA ROCHEFOUCAULD.) On n'est jamais sûr de ceux qui se vendent. (DUCLOS.) Il est difficile d'écraser ce qui s'aplatit sous les pieds. (CHATEAUBRIAND.) BASSIN (Prov.). Autrefois les quêtes n'avaient pas lieu, comme aujourd'hui, en faisant usage d'une bourse, et c'était d'un bassin en métal qu'on se servait toujours. De là vint e proverbe très-trivial: Cracher au bassin.

BAT (Prov.). On dit de ceux qui quittent une condition qu'ils croient mauvaise, pour s'exposer à tomber dans une pire: Quine veut selle, Dieu lui donne un bât.

BATON (Dicton). On emploie fréquemment cette locution: Tour du bâton, pour exprimer un moyen subtil par lequel on s'approprie ce qu'on ne pourrait obtenir légalement. Ce dicton vient de ce que les joueurs de gobelets escamotent une foule de

choses par la vertu, disent-ils, d'un petit bâton dont ils font usage.

BATON BLANC (Dicton.) On dit de quelqu'un qui n'a conservé aucune propriété, qu'il est réduit au bâton blanc.

BATTRE LES BUISSONS (Prov.). Durant le siége d'Orléans, sous Charles VII, les habitants, qui ne voulaient point se rendre aux Anglais, firent appel au duc de Bourgogue, Philippe le Bon, qui servait alors l'Angleterre contre la France, qu'il serait digne de lui de protéger les domaines de son parent pendant qu'il était prisonnier, et offrirent de lui livrer leur ville, s'il voulait la conserver à leur duc. Philippe en référa immédiatement au duc de Bedford, régent du royaume, qui lui répondit qu'il n'était pas homme à battre les buissons pour laisser prendre aux autres les oiseaux. Cette réponse indisposa Philippe, qui rappela alors les troupes qu'il avait dans l'armée anglaise, et laissa celle-ci aux prises avec Charles VII et Jeanne d'Arc. La réplique du régent devint proverbiale, et l'on s'est accoutumé à dire de celui qui a travaillé au profit d'autrui: Il a battu les buissons, l'autre a pris les

cisillons.

BAVARDAGE. Ceulx qui ont le corps graile, le grossissent d'embourure, ceux qui ont la matière exile l'enflent de paroles. (MONTAIGNE.)

1. Ne consultez jamais les orateurs pour l'histoire : ils se font un mérite de défigurer la vérité, sous prétexte de l'embellir.

2. Les longues harangues avancent les affaires, comme une robe traînante aide à la course. (BACON.)

Les grands parleurs sont comme les vases vides qui sonnent plus que ceux qui sont pleins. (OXENSTIERN.)

O Français, nation parlière, que vous donnez de force aux mots et que vous en donnez peu aux choses!

(J.-J. ROUSSEAU.) Quand on n'a rien à dire, on parle pour parler. (PETIT JEAN.) 1. Les paroles qui ont tant de force d'agitation, n'en ont aucune d'apaisement: elles lancent les nations, les bayonnettes seules les arrêtent.

2. Les tribuns, voilà les vrais ennemis du peuple: ils les flattent pour l'enchaîner; ils sément les soupçons sur la vertu qui ne veut pas s'avilir. (DE LAMARTINE.)

Les plus vains des hommes sont les comédiens de tribune. Ils ont deux sortes d'illusions: celle de croire qu'ils représentent l'opinion, et celle de croire trop à la puissance de leur art. Il est rare que ces grands orateurs soient de grands politiques.

(DE CORMENIN.) 1. Le propre d'un Lavard est d'attaquer ce qu'on ne défend pas, et de défendre ce qu'on n'attaque pas.

2. Les grands conteurs sont de petits esprits. (A. DE CHESNEL.) BEAUCOUP (Prov.). Lorsqu'il arrive à une personne en colère de s'écrier qu'elle ne retournera jamais en tel lieu, dût-elle vivre

DICTIONN. DE LA SAGESSE populaire.

cent ans, on lui répond quelquefois par ce proverbe Cent ans ce n'est guère, mais jamais c'est beaucoup.

BEAUTÉ. La beauté et la chasteté sont toujours en procès. (OVIDE.)

La beauté est une pièce de grande recommandation au commerce des hommes. Elle se présente au devant, séduit et préoccupe notre jugement avec grande autorité et merveilleuse impression. C'est le premier moyen de conciliation des uns aux autres; et n'est homme si barbare et si rechigné, qui ne se sente aucunement frappé de sa douceur. La beauté de la taille est la seule beauté des hommes les autres beautés sont pour les femmes. (MONTAIGNE.)

La beauté du corps est un grand don de la nature, et sert à l'homme d'une sorte de recommandation de l'homme: elle a, comme l'aimant, une certaine vertu qui attire l'admiration des mortels. Au reste, la beauté du corps est, dans le fond, un rien, et ne ressemble pas mal à un vernis dont la nature se sert pour lustrer ses ouvrages de terre qui sont sujets à de fréquents et imprévus changements, et dont le sort est d'être réduits en poussière. (OXENSTIERN.)

Il y a de belles choses qui ont plus d'éclat quand elles demeurent imparfaites, que quand elles sont trop achevées.

(LA ROCHEFOUCAULD.)

Le beau doit avoir d'ineffables attraits; il doit exciter l'admiration de tous et impressionner profondément; il doit rappeler son origine céleste. Tout ce qui est sorti des mains du Créateur a dû s'en échapper dans des formes belles et pures. C'est à cette source du beau qu'il faudrait remonter pour retrouver les belles races qui ont dû paraître sur la terre à l'origine du monde.

(DE MÉRICLET.)

BEC (Prov.). Dans les études des praticiens, comme les huissiers et les procureurs, les clercs s'amusent quelquefois, vis-à-vis d'un nouveau venu, à tirer la plume qu'il tient à la bouche, de manière à lui barbouiller les lèvres d'encre. De cette espiéglerie on a fait le proverbe Tirer la plume par le bec, ce qui signifie déniaiser quelqu'un.

BEGUIN (Prov.). Sorte de bonnet que portaient autrefois les enfants, garçons et filles, les premiers jusqu'à huit ou neuf ans, les autres jusqu'à onze et douze. On dit alors d'un adolescent sans expérience: Il a encore son premier béguin.

BĖJAUNE (Prov.). Ce mot qui vient, par ellipse, de bec-jaune, est employé pour désigner un oiseau qui n'est pas encore en âge de nicher, ce que l'on reconnaît à la couleur jaune d'une portion de la membrane de son bec. Le nom béjaune était aussi donné à une sorte de contribution que les nouveaux venus payaient dans les colléges de Paris; on dit même encore aujourd'hui, dans certains ateliers, qu'on paie son béjaune ou sa bien-venue; et enfin, faire voir à quelqu'un son béjaune, est une phrase proverbiale qui exprime qu'on lui démontre son inexpérience.

BELAC (Prov.). Petite ville du Limousin. On disait autrefois du vin de son cru: Vin de Belac, vin à teindre les nappes; et l'on attribue ce proverbe à Louis XIII, qui avait été très-peu satisfait d'en avoir goûté.

BEL ESPRIT. C'est un caractère ridicule que celui de bel esprit, dit le P. Bouhours, et je ne sais si je n'aimerais point mieux être un peu bête, que de passer pour ce qu'on appelle communément un bel esprit. BEL ESPRIT (DU). Il n'y a rien de si utile dont on ne puisse abuser, ne fût-ce que par l'excès. Il ne s'agit donc pas d'examiner jusqu'à quel point les lettres peuvent être utiles à un Etat florissant, et contribuer à sa gloire; mais de savoir 1° si le goût du bel esprit n'est pas trop répandu, peut-être même plus qu'il ne faudrait pour sa perfection !

2o D'où vient la vanité qu'on en tire, et conséquemment l'extrême sensibilité qu'on a sur cet article? L'examen et la solution de ces deux questions s'appuieront nécessairement sur les mêmes raisons.

Il est sûr que ceux qui cultivent les lettres par état, en retireraient peu d'avantages, si les autres hommes n'en avaient pas du mcins le goût. C'est l'unique moyen de procurer aux lettres les récompenses et la considération dont elles ont besoin pour se soutenir avec éclat. Mais lorsque la partie de la littérature que l'on comprend d'ordinaire sous le nom de bel esprit, devient une mode, une espèce de manie publique, les gens de lettres n'y gagnent pas, et les autres professions y perdent. Cette foule de prétendants au bel esprit fait qu'on distingue moins ceux qui ont des droits d'avec ceux qui n'ont que des prétentions.

A l'égard des hommes qui sont comptables à la société de diverses professions graves, utiles, ou même de première nécessité, qui exigent presque toute l'application de ceux qui s'y destinent, telles que la guerre, la inagistrature, les arts; c'est sans doute une grande ressource pour eux que la connaissance et le goût modéré des lettres. Ils y trouvent un délassement, un plaisir, et un certain exercice d'esprit qui n'est pas inutile à leurs autres fonctions. Mais si ce goût devient trop vif et dégénère en passion, il est impossible que les devoirs réels n'en souffrent. Les premiers de tous sont ceux de sa profession, parce que la première obligation est d'être citoyen.

Les lettres ont par elles-mêmes un attrait qui séduit l'esprit, lui rend les autres occupations rebutantes, et fait négliger celles qui sont les plus indispensables. On ne voit guère d'homme passionné pour le bel esprit, s'acquitter bien d'une profession différente. Je ne doute point qu'il n'y ait des hommes engagés dans des professions très-opposées aux lettres pour lesquelles ils avaient des talents marqués. Il serait à désirer, pour le bien de la société, qu'ils s'y fussent totalement livrés, parce que leur génie et leur état étant restés en contradiction, ils ne sont bons à rien.

Ces talents décidés, ces vocations marquées sont très-rares; la plupart des talents dépendent communément des circonstances, de l'exercice et de l'application qu'on en a fait. Mettons un peu ces prétendus talents naturels et non cultivés à l'épreuve.

Nous voyons des hommes dont l'oisiveté forme pour ainsi dire l'état; ils se font amateurs de bel esprit, ils s'annoncent pour le goût, c'est leur affiche; ils recherchent les lectures, ils s'empressent, ils conseillent, et croient naïvement, ou tâchent de faire croire qu'ils ont part aux ouvrages et aux succès de ceux qu'ils ont incommodé de leurs conseils.

Cependant ils se font par là une sorte d'existence, une réputation de société. Pour peu qu'ils montrent d'esprit, s'ils restent dans l'inaction, et se bornent prudemment au droit de juger décisivement; ils usurpent dans l'opinion une espèce de supériorité sur les talents mêmes. On les croit capables de faire tout ce qu'ils n'ont pas fait, et uniquement parce qu'ils n'ont rien fait. On leur reproche leur paresse, ils cèdent aux instances, et se hasardent à entrer dans la carrière dont ils étaient les arbitres. Leurs premiers essais profitent du préjugé favorable de la société. On loue, on admire, on se récrie que le public ne doit pas être privé d'un chef-d'œuvre. La modestie complaisante de l'auteur se laisse violer, et consent à se produire au grand jour.

C'est alors que l'illusion s'évanouit; le public condamne, ou s'occupe peu de l'ouvrage; les admirateurs se rétractent, et l'auteur déplacé apprend par son expérience qu'il n'y a point de profession qui n'exigent un homme tout entier. En effet, on citerait peu d'ouvrages distingués, je dis même d'ouvrages de goût, qui ne soient partis d'auteurs de profession.

Les mauvais succès ne détrompent pas ceux qu'ils humilient. Il n'y a point d'amour-propre plus sensible et moins corrigible que celui qui naît du bel esprit ; et il est infiniment plus ombrageux dans ceux dont ce n'est pas la profession, que dans les vrais auteurs, parce qu'on est plus humilié d'être au-dessous de ses prétentions que de ses devoirs. C'est en vain qu'ils affichent l'indifférence; ils ne trompent personne, l'indifférence est la seule disposition de l'âme qui doive être ignorée de celui qui l'éprouve; elle n'existe plus dès qu'on l'an

nonce.

Il n'y a point d'ouvrages qui ne demandent du travail; les plus mauvais ont souvent le plus coûté; et l'on ne se donne point de peine sans objet. On n'en a point, dit-on, d'autre que son amusement: dans ce cas-là il ne faut point faire imprimer; il ne faut pas même lire à ses amis, puisque c'est vouloir les consulter ou les amuser. On ne consulte point sur des choses qui n'intéressent pas, et l'on ne prétend pas amuser avec celles qu'on n'estime point. Cette prétendue indifférence est donc toujours fausse; il n'y a qu'un intérêt très-sensible qui fasse jouer

l'indifférence. C'est une précaution en cas de mauvais succès, ou l'ostentation d'un droit qu'on voudrait établir pour décidé.

On n'a jamais tant donné de ridicule au bel esprit, que depuis qu'on en est infatué. Cependant la faiblesse sur ce sujet est telle que ceux qui pourraient tirer leur gloire d'ailleurs, se repaissent, sur le bel esprit, d'éloges dont ils reconnaissent eux-mêmes la mauvaise foi. Votre sincérité vous en ferait des ennemis irréconciliables, eux qui s'élèvent contre l'amour-propre des auteurs de profession.

Examinons quelles sont les causes de cet amour-propre excessif: voici celles qui m'ont frappé.

Chez les peuples sauvages la force a toujours fait la noblesse et la distinction entre les hommes; mais parmi les nations policées, où la force est soumise à des lois qui en préviennent ou en répriment la violence, la distinction réelle et personnelle la plus reconnue vient de l'esprit.

La force ne saurait être parmi nous une distinction, ni un moyen de fortune; c'est tout au plus un avantage pour des travaux pénibles, qui sont le partage de la plus malheureuse classe des citoyens. Mais malgré la subordination que les lois, la politique, la sagesse ou l'orgueil ont pu établir, reste toujours à l'esprit, dans les classes les plus obscures, des moyens de fortune et d'élévation qu'il peut saisir, et que des exemples lui indiquent. Au défaut des avantages réels que l'esprit peut procurer suivant T'application qu'on en fait, le plus stérile pour la fortune donne encore une sorte de cersidération.

Mais comment arrive-t-il que de toutes les sortes d'esprit dont on peut faire usage, le bel esprit soit celui qui inspire le plus d'amour-propre ? Sur quoi fonde-t-on sa supériorité et qu'est-ce qui en favorise si fort la prétention? Voici d'où vient l'illusion.

Premièrement, les hommes ne sont jamais plus jaloux de leurs avantages, que lorsqu'ils les regardent comme leur étant personnels; qu'ils s'imaginent ne les devoir qu'à eux-mêmes; et comme ils jugent moins de l'esprit par des effets éloignés, et dont ils n'aperçoivent pas toujours la liaison, que sur des signes immédiats ou prochains, les hommes qui ne sont pas faits à la réflexion, croient voir cette prérogative dans le bel esprit plus que dans tout autre. Ils jugent qu'il appartient en propre à celui qui en est doué. Ils voient, où croient voir qu'il produit de lui-même, et sans secours étrangers: car ils ne distinguent pas ces secours qui sont cependant très-réels. Ils ne font pas attention qu'à talents égaux, les écrivains les plus distingués sont toujours ceux qui se sont nourris de la lecture réfléchie des Ouvrages de ceux qui ont paru avec éclat dans la même carrière. On ne voit pas, disJe, assez que l'homme le plus fécond s'il elait réduit à ses propres idées, en aurait eu; que c'est par la connaissance et la

comparaison des idées étrangeres, qu'on parvient à en produire une quantité d'autres qu'on ne doit qu'à soi.

Secondement, ce qui favorise encore l'opinion avantageuse qu'on a du bel esprit, vient d'un parallèle qu'on est souvent à portée de faire.

On remarque que le fils d'un homme d'esprit et de talent fait souvent des efforts inutiles pour marcher sur les traces de son père; il n'y a rien de moins héréditaire; au lien que le fils d'un savant devient, s'il le vent, un savant lui-même. En géométrie et dans toutes les vraies sciences qui ont des principes, des règles et une méthode, on peut parvenir, et l'on parvient ordinairement, sinon à la gloire, du moins aux connaissances de ses prédécesseurs.

Peut-être dira-t-on à l'avantage de certaines sciences, que l'utilité en est plus réelle ou plus reconnue que celle du bel esprit; mais cette objection est plus favorable à ces sciences mêmes qu'à ceux qui les professent.

Il est vrai que celui qui s'annonce pour les sciences, est obligé d'en être instruit jusqu'à un certain point; sans quoi il ne peut pas s'en imposer grossièrement à luimême, et difficilement aux autres, s'ils ont intérêt de s'en éclaircir. Quoique les sciences ne soient pas exemptes de charlatanerie, elle y est plus difficile que sur ce qui n'a rapport qu'à l'esprit. On se trompe de bonne foi à cet égard, et l'on en impose facilement aux autres, surtout si l'on ne se commet pas en donnant des ouvrages, et qu'on se borne au simple titre d'homme d'esprit et de goût. Voilà ce qui rend le bel esprit si commun, qu'il ne devrait pas inspirer tant de vanité..

Mais laissant à part ce peuple de gens d'esprit, sur quoi les auteurs de mérite, et dont les preuves sont incontestables, fondent-ils leur supériorité à l'égard de plusieurs professions?

En supposant que l'esprit dût être la seule mesure de l'estime, en ne comptant pour rien les différents degrés d'utilité, et ne jugeant les professions que sur la portion d'esprit qu'elles exigent; combien y en at-il qui supposent autant et peut-être plus de pénétration, de sagacité, de prestesse, de discussion, de comparaison, et en un mot d'étendue de lumières, que les ouvrages de goût et d'agréments les plus célèbres?

Je ne citerai pas ce qui regarde le gouver nement ou la conduite des armées; on pourrait croire que l'éclat qui accompagne certaines places, peut influer sur l'estime qu'on fait de ceux qui les remplissent avec succès, et j'aurais trop d'avantage. Je n'entrerai pas non plus dans le détail de tous les différents emplois; il y en aurait plus qu'on ne croit qui auraient des titres solides à produire. Portons du moins la vue sur quelques occupations de la société.

Le magistrat qui est digne de sa place ne doit-il pas avoir l'esprit juste, exact, pénétrant, exercé, pour percer jusqu'à la vérité

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