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du Nouveau Testament, reconnus pour canoniques par l'Eglise catholique. Des hommes les ont écrits; mais ils étaient inspirés et assistés de l'Esprit-Saint; à l'abri par conséquent de toute erreur, Spiritu Sancto inspirati locuti sunt sancti Dei homines. (II Petr. 1, 21.)

113. La tradition est la parole de Dieu, émanée même de la bouche de Jésus-Christ, ou des apôtres inspirés du Saint-Esprit, mais communiquée de vive voix par les apotres à leurs successeurs, consignée dans les conciles, dans les écrits des Pères, et dans l'uniformité de la croyance de toutes ies Eglises.

114. Tout dogme qui se déduit évidemment de l'Ecriture, mérite la même croyance que ce qui s'y trouve en termes exprès, parce que la vérité d'un principe emporte nécessairement celle de ses conséquences, comme la fausseté de celles-ci monire celle du principe dont elles sont tirées.

115. Tout ce qui, dans le sens littéral, ne peut se rapporter dans les divines Ecritures à la pureté des mœurs ou à la vérité de la foi, doit être pris dans un sens figuré. Cette règle, qui est de saint Augustin, nous avertit de ne pas prendre littéralement les textes qui paraissent donner à Dieu des passions, comme la colère, la fureur, la haine, la vengeance, ou autoriser quelque vice. Le Seigneur est le Dieu de toute sainteté.

116. Quand vous lisez les Ecritures sacrées, dit encore saint Augustin, pensez que c'est Dieu lui-même qui vous parle, comine vous lui parlez lorsque vous le priez: Quando legis, Deus tibi loquitur; quando oras, Deo loqueris.

117. « Il ne nous est pas permis, en matière de doctrine, de rien introduire de notre fond, ni même d'embrasser des opinions que quelqu'un aurait avancées de lui-même. Nous avons pour auteurs les apôtres du Seigneur, qui n'ont rien inventé d'eux-mêmes, mais qui ont annoncé fidèlement aux peuples la doctrine qu'ils avaient reçue du Christ. Quand donc un ange même descendu du ciel nous prêcherait une autre doctrine, nous lui dirions anathème.. » Ainsi parlait Tertullien, ainsi devons-nous penser.

118. O Thimothée! écrivait saint Paul à son disciple, gardez le dépôt de la foi qui vous a été confié, fuyant les profanes nouveautés de paroles, et tout ce qu'oppose une doctrine qui porte faussement le nom de science O Timothee ! depositum custodi, devitans profanas vocum novitates, et oppositiones falsi nominis scientiæ. » (1 Tim. VJ, 20.) Il est permis aux philosophes de bâtir de nouveaux systèmes; chacun y peut abonder dans son sens; mais dans la religion, tout ce qui est marqué au coin de la nouveauté, porte l'anathème sur le front.

vs,

119. Dans les choses naturelles, il est permis d'être téméraire; la témérité y est quelquefois heureuse,

Audaces fortuna juvat, tímidosque repellit ; mais en matière de religion, la moindre té

mérité est la plus grande imprudence; la peine de la folie y est éternelle; il faut y marcher le compas à la main. C'est ce que dit Lactance: Nullus hic temeritati locus; in æternum stultitiæ pœna subeunda est, si aut persona inanis, aut opinio falsa deceperit.

120. L'orateur chrétien ne doit pas appréhender la censure des grammairiens et des puristes, en proportionnant son discours à la portée de son auditoire. Il parle pour instruire si on l'entend, peu importe que son expression soit pure. C'est là ce que pensait saint Augustin. Un mot suranné doit être préféré à un terme nouveau, s'il donne plus de clarté au discours. C'est le peuple qui forme communément les auditoires; c'est pour lui qu'il faut prêcher, et duquel il faut se faire entendre.

121. Le vrai prédicateur de la sagesse, dit saint Grégoire le Grand, se croit, avec l'Apôtre des nations, redevable aux insensés comme aux sages, aux ignorants comme aux savants Verus sapientiæ prædicator dicit: Sapientibus et insipientibus debitor sum.

122. Le grand moyen de persuader la vérité aux autres, dit saint Jérôme, est d'en être convaincu soi-même et de le paraître.

123. C'est peu pour les fidèles d'assister aux instructions publiques; le point capital est de s'en faire l'application à soi-même : « La parole du prédicateur,» dit encore saint Grégoire le Grand, est une semence jetée dans le cœur de celui qui écoute. Le devoir de l'auditeur est de la faire produire son fruit. >>

124. Tous les ouvrages du Créateur sont marqués au coin de l'incompréhensibilité : ils ont un côté lumineux qui nous répond de leur existence, et un côté ténébreux dont la raison la plus perçante ne peut pénétrer la profondeur. Nous voyons les jeux de la nature, nous en ignorons les ressorts. Nous pouvons dire aux philosophes avec Racine : Des systèmes savants épargnez-vous les frais, Et ces brillants discours qui n'éclairent jamais. Avouez-nous plutôt votre ignorance extreme; Hélas! tout est mystère en vous-même, à vous¡même,

Et nous voulons encor qu'à d'indignes sujets
Le Souverain du monde explique ses projets !

125. Combien peu de choses connaissonsnous dans le globe du monde ! Celui qui a fondé l'univers, qui en gouverne les parties, s'y est enveloppé; il nous en montre les dehors, parce que nos besoins le demandent; mais il nous en cache le fond sous un voile que l'esprit le plus pénétrant ne percera jamais. « Il a livré, » dit l'Ecclésiaste, c. ш, 11, << le monde aux disputes des hommes, sans qu'ils puissent connaître les ouvrages que Dieu a créés dès le commencement, et qu'il conserve jusqu'à la fin. » Et mundum iradidit disputationi eorum, ut non inveniat homo opus quod operatus est Deus ab initio usque ad finem.

126. Díeu est éternel, il n'a point eu de commencement, il n'aura point de fin. Immense, il remplit par sa présence le ciel et

la terre. Tout-puissant, vouloir et faire sont pour lui la même chose. Créateur, il a parlé, et le monde à sa parole est sorti des abîmes du néant. Il connaît tout, le passé, le présent et l'avenir. Les plis les plus secrets de nos cœurs ne lui sont point cachés: il gouverne tout. Mais qu'est-ce que l'éternité, l'immensité, la toute-puissance, la toutescience, la création qui réalise le néant? L'esprit se perd dans toutes ces questions. 127. Les mystères de la religion, dit la secte des philosophes modernes, révoltent la raison. Oui, ils révoltent l'orgueil de la raison, la raison de Jean-Jacques Rousseau, la raison de Voltaire, la raison de Bayle; mais non la raison considérée en elle-même.

128. Non, les mystères de la foi ne révoltent pas la raison; mais bien les passions du cœur. Si la religion se bornait à captiver l'entendement, sans vouloir assujettir la volonté à l'austérité de ses préceptes, et sans enseigner l'éternité des peines pour ceux qui ne les pratiquent pas, les hommes ne s'élèveraient pas tant contre ses mystères. On a moins de peine à soumettre son esprit qu'à changer son cœur le sacrifice des passions nous coûte plus que celui de nos lumières.

129. Nous demandons de la clarté dans les mystères pour flatter notre orgueil, et de l'obscurité dans les préceptes pour excuser notre obéissance. C'est ainsi que la tortueuse cupidité, cet amour désordonné de nousmêmes, produit en nous des effets opposés, selon les différents intérêts.

130 L'obscurité des mystères de la religion ne peut former d'obstacle contre leur certitude: la certitude d'un dogme vient de ses démonstrations, et non de sa clarté ni du consentement de notre raison. Toute vérité, incompréhensible ou non, qui a une démonstration, a autant de certitude qu'elle en peut avoir. Or, tout dogme révélé est démontré; sa révélation fait sa démonstration; il est donc certain, indépendamment du silence de la raison.

131. « O vous ! qui êtes ferme dans la foi, prenez garde de vous élever, mais soyez dans la crainte.» Tu fide stas: noli altum sapere, sed time. (Rom. x1, 20.) L'orgueil a fait tomber vos pères : que l'humilité vous préserve de ce malheur.

132. L'hérésie proprement dite, est une erreur opposée à la révélation, et soutenue avec opiniâtreté contre l'enseignement public de l'Eglise. L'erreur commence l'hérésie, l'entêtement la consomme. Un homine grossier, soumis d'ailleurs à l'Eglise, qui avance, dans un interrogatoire ou dans une conversation, des erreurs contre la foi, n'est pas un hérétique, mais un ignorant qui a besoin d'instruction.

133. Tous les hérétiques errent donc dans la foi; mais tous ceux qui errent dans la foi ne sont pas hérétiques. On ne mérite cette note odieuse que par l'opiniâtreté avec laquelle on soutient l'erreur.

134. Qui doute d'un point de doctrine après l'enseignement ou la décision publi

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135. Un artifice commun à tous les hérétiques est d'attaquer la religion par la religion même, en attachant leur sens particulier aux paroles de l'Ecriture, pour mieux insinuer leur perfidie. Mais que ces faux docteurs ne vous en imposent point: tous ceux qui citent l'Ecriture n'en suivent pas la doctrine. Saint Ambroise dit: Hæretici hi sunt qui per verba legis legem impugnant; proprium enim sensum verbis astruunt legis, ut pravitatem mentis suæ legis auctoritate commendent

136. Ne vouloir pas professer publiquement ce que l'on croit, c'est n'être fidèle qu'à demi. La foi imparfaite est timide et n'ose se produire; mais la foi parfaite marche tête levée : elle parle comme elle pense, et ne tergiverse pas.

137. «Soyez unis d'esprit et de cœur,» disait saint Paul aux Corinthiens, «vivez dans la paix, et le Dieu d'amour et de paix sera avec vous.» (1 Cor. xi, 11.) Leçon salutaire que chacun doit prendre pour soi-même et avoir présente à l'esprit, pour en faire la règle de sa conduite. Unité, concorde, charité qui n'entre point dans ces dispositions, ne connaît pas les premiers principes du christianisme. Le Dieu des Chrétiens n'est pas le Dieu de la discorde, mais de la paix.

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138. Distinguons dans la théologie les dogmes décidés, d'avec les opinions de l'école unité dans les premiers, liberté dans les autres, mais la charité partout sans elle la science des écoles, la foi même, ne servent de rien. Cette vérité devrait être gravée, non sur le bronze, mais dans le cœur de tous les théologiens.

139. N'appelons point dogme ce qui n'est qu'opinion, ni opinion ce qui est dogme: l'un et l'autre sont un crime contre la foi, qu'il n'est permis d'augmenter ni de diminuer. Eriger en dogme une opinion libre, c'est vouloir sans autorité, imposer un joug à ses égaux; c'est mettre de niveau la parole de l'homme avec celle de Dieu; c'est usurper les droits de Dieu même, qui seul peut faire un dogme de foi. Réduire au contraire en opinion ce qui est dogme, c'est dégrader la révélation, c'est soumettre la foi aux caprices de la raison; c'est enfin l'anéantir.

140. Eloignons de nos disputes toutes ces personnalités odieuses qui écartent l'état de la question. «Combien des nôtres,» dit saint Jérôme, « ont écrit contre les impies Celse et Porphyre? Dans quelle apologie du christianisme a-t-on quitté l'objet de la dispute, pour raconter les déréglements et les crimes de ses ennemis? Les preuves de ces excès doivent se trouver non en des ouvrages dogmatiques, mais dans les procédures des ju

ges. Telle était la modération des anciens Pères. En combattant pour la foi contre ses ennemis, prenons-la pour modèle. C'est déshonorer la vérité, que de recourir aux injures pour la défendre la douceur doit caractériser le controversiste chrétien. 141. Point de précipitation dans le jugement que nous portons de notre adversaire. Jugez sur ce que vous voyez; laissez au jugement de Dieu ce que vous ne voyez point. Quand vous prononcez sur votre frère, aimez sa personne, haïssez son vice. Cette règle de justice est de saint Augustin: Quod videris judica, quod non vides Deo dimitte: quando autem judicas, dilige hominem, oderis

vitium.

142. La défense de la foi contre le sectaire décidé, doit être måle et nerveuse. Dire que le raisonnement de son adversaire est ridicule, qu'il n'y a pas de sens dans une réponse, qu'une opinion est une impiété ou un blasphème, et avoir raison de le dire, ce n'est pas emportement, mais prudence chrétienne. Il est permis de caractériser les maladies de l'esprit humain, comme celles du corps, pour en connaître le danger quand elles sont contagieuses et qu'elles conduisent à la mort spirituelle de l'âme.

143. Quand la foi des fidèles est en danger, il n'y a point de ménagement à garder à l'égard de l'erreur. La politique humaine peut en connaître; mais le vrai zèle veut qu'on appelle les choses par leur nom, qu'on expose l'erreur avec toute sa difformité sous les yeux des peuple. Que le sectaire s'offense, qu'il murmure, qu'il tonne, qu'il tempête, peu importe pourvu que le fidèle ne soit point séduit.

144. Ce n'est pas même passer les bornes de la modération, que de démasquer aux yeux des fidèles, les séducteurs qui se couvrent de la peau de la brebis pour séduire les âmes par les dehors trompeurs d'une piété feinte. Ce serait au contraire se rendre coupable du sang de ses frères, que de ne les pas avertir du piége qu'on tend à leur foi, principalement quand on y est obligé par état. La charité s'intéresse au salut de tous, elle ne voit périr personne sans douleur.

145. Ayons du zèle pour la religion, puisqu'elle doit être pour nous la chose la plus chère et la plus précieuse; mais prenons garde de suivre le fantôme pour la réalité, l'apparence du zèle pour le zèle même. Saint Paul, avant sa conversion, par un zèle indiscret pour la loi, combattait la loi même; et par un amour apparent pour le service de Dieu, offensait Dieu véritablement. Le vrai zèle est ardent, circonspect et courageux; la charité s'enflamme et en éloigne l'amertume; la science le gouverne et en empêche les écarts; la fermeté le rassure contre les faiblesses attachées à la condition de l'homme. C'est ainsi que pensait saint Bernard: Zelum tuum inflammet charitas, informet scientia, firmet constantia. Sit fervidus, sit circumspectus, sit invictus.

146. Il est glorieux d'écrire en faveur de la

religion; mais il faut le faire avec la dignité que demande l'importance du sujet. Håtezvous lentement, festina lente; « étudiez longtemps ce que vous vous proposez d'écrire pour l'instruction des autres; n'écoutez point vos flatteurs. » C'est là le conseil que donnait saint Jérôme à un ami. Conformezvous y. Un ignorant écrivain déshonore plus la religion qu'il ne la sert; les impies et les sectaires en profitent pour l'insulter. On transfère la faiblesse de l'auteur à la cause qu'il défend, comme si la meilleure cause ne pouvait pas être le plus mal défendue.

147. La probité ne permet pas dans la dispute de prêter à son adversaire ce qu'il n'a point dit, afin d'avoir le plaisir de le combattre avec plus d'avantage. C'est se former des fantômes pour en triompher; mais un pareil triomphe ne fut jamais glorieux.

148. Toutes les disputes scolastiques, supposent la vérité de la religion chrétienne démontrée la religion suppose à son tour des prophéties accomplies et des miracles opérés, comme les fondements sur lesquels elle s'est élevée.

149. La prophétie en général, est, du côté de Dieu, une révélation expresse de choses libres et contingentes qu'on ne peut connaître naturellement; du côté du prophète, c'est une manifestation publique faite aux hommes de cette révélation.

150. La révélation, ou, ce qui est la même chose, l'inspiration surnaturelle est possible. Qu'est-elle autre chose en effet, qu'une action de Dieu, par laquelle, en conséquence d'une volonté particulière, il communique immédiatement à sa créature les vérités qu'il lui plaît de révéler, et qu'elle ne pourrait connaître par les seules lumières de la raison? or, cette action de Dieu est possible; elle n'enferme rien d'absurde, rien de contradictoire. L'être suprême est le Dieu des esprits comme des corps, du monde spirituel coinme du matériel; il exerce sur l'un et sur l'autre un pouvoir sans bornes: la révélation est donc possible.

151. La prophétie proprement dite est, selon saint Thomas, une révélation et une manifestation d'événements futurs: Ad prophetiam propriissime pertinet revelatio eventuum futurorum, unde et nomen prophetiæ sumi videtur. La prédiction de l'avenir est donc le caractère distinctif de la prophétie.

152. Les prophètes prédisaient de deux manières: 1° Par paroles, comme Jacob quand il dit: Le sceptre ne sortira point de Juda (Gen. XLIX, 10); 2° Par actions figuratives, ainsi que Jérémie alla cacher sa ceinture sur le bord de l'Euphrate, pour figurer ce qui devait arriver au peuple Juif.

153. Il est aussi deux espèces de prophéties l'une parfaite, l'autre imparfaite. La prophétie parfaite a lieu lorsque le prophète counaît, par une révélation expresse, qu'il est mu par l'Esprit-Saint pour déclarer ou figurer tel événement. La prophétie, au contraire, n'est qu'imparfaite quand l'EspritSaint inspire quelqu'un pour annoncer ou figurer un événement, sans que celui qui

est inspiré sache que c'est l'Esprit-Saint qui l'inspire, ni ce que ce même Esprit a en vue par telles paroles et telles actions. C'est ainsi que le grand prêtre Caïphe, en parlant du Sauveur, prophétisait, sans le savoir, qu'il était expédient qu'un seul homme mourut pour le salut de toute la nation. (Joan. XVIII, 14.)

134. Le véritable prophète est un homme inspiré de Dieu, qui, maître de lui-même, de sa raison et de ses sens, déclare d'un ton affirmatif, avec connaissance et tranquillité, que tels et tels événements arriveront certainement dans le temps, dans le lieu et avec les circonstances qu'il marque. L'Ecriture l'appelle le voyant, parce qu'il voit l'avenir comme s'il lui était présent. C'est ainsi que le patriarche Jacob, étant prêt de mourir, prédit à Juda, son quatrième fils, que le sceptre ne sortirait point de sa maison, jusqu'à l'arrivée du Messie, le désiré des nations.

155. Le miracle, considéré dans un sens étendu, est un prodige supérieur à toutes les forces humaines. Les anges, les démons mêmes peuvent opérer des miracles dans ce genre, parce que leur vertu est beaucoup supérieure à la puissance des hommes. Or, il paraît que le nom de miracles est pris quelquefois dans ce sens par nos écrivains ecclésiastiques. Saint Thomas dit: Dicitur tamen quandoque miraculum large quod excedit humanam facultatem et considerationem; et sic dæmones possunt facere miracula.

156. Le miracle, proprement dit, est un effet rare, supérieur ou contraire à l'ordre ordinaire de la nature, produit par une intelligence suprême et une puissance à laquelle tout obéit, et pour une fin digne de ce premier être. Le miracle est donc un changement sensible dans les lois de la nature, ou, si l'on veut, une exception réelle et visible à ces lois. Tout miracle est prodige, mais tout prodige n'est pas miracle.

157. Le miracle, proprement dit, ne peut être attribué à la nature, parce qu'il est contraire à ses lois; ni à l'industrie des hommes, parce qu'il excède leur pouvoir; ni à l'opération du démon, parce qu'il surpasse ses forces et porte des caractères opposés à sa malice; ni aux bons anges mêmes, par le défaut de puissance. Marqué au coin du Tout-Puissant, il ne peut avoir des causes créées Dieu seul peut opérer des miracles.

158. Les miracles surpassent la puissance de l'intelligence créée, mais en deux manières les uns par leur substance, les autres par la manière dont ils sont produits. La résurrection d'un mort est du premier genre; la guérison d'une maladie au seul commandement est du second. Il n'appartient qu'au Tout-Puissant de guérir les corps par sa seule volonté, comme de les ranimer après la mort. Quel autre peut déranger les lois de la nature, que celui qui les a posées ?

159. Les miracles sont revêtus de caractères nobles. La grandeur de l'œuvre, supérieure, par sa substance ou la manière dont

elle est produite, à toutes les forces des créatures, des anges mêmes; la gravité des circonstances; l'utilité de sa fin, qui est toujours la gloire du souverain Etre et l'avantage de la créature, tout y annonce, tout y caractérise un Dieu grand, un Dieu puissant, un Dieu bienfaisant.

160. Les miracles sont possibles. En combattre la possibilité, c'est nier l'existence d'un Dieu Créateur, parce que, s'il est un Dieu Créateur, il a dû établir des lois générales pour régler la nature, et, par une conséquence nécessaire, avoir la liberté d'y déroger à sa volonté. Rien n'est impossible à Dieu, dit Tertullien, que ce qu'il ne veut pas Deo nihil impossibile, nisi quod non vult.

161. Il y a, dans le merveilleux, deux écueils également à craindre le premier est l'incredulité insensée des esprits forts, qui nient tout dans la crainte d'être obligés de reconnaître une religion qui les condamne; le second est la crédulité superstitieuse de beaucoup de personnes, qui, par un zèle qui n'est point selon la science, croient tout sans examen, pour peu qu'il leur paraisse favoriser la religion: comme si on lui manquait en rejetant les faux miracles. Gardons un juste milieu.

162. Nier tous les événements merveilleux avec les impies, c'est heurter la raison, qui nous apprend que, dans les faits, il faut s'en rapporter aux témoins dignes de foi, si on ne veut établir sur l'histoire un pyrrhonisme général, aussi absurde que dangereux. Les admettre tous, sans rien examiner, c'est également abandonner la raison, qui nous dit qu'il ne faut pas croire à tout esprit, de peur de confondre la fable avec l'histoire.

163. Chaque science a sa méthode pour prouver ses vérités et réfuter les erreurs qui lui sont opposées : la philosophie prend la raison pour guide, l'histoire marche à la lumière du témoignage. On ne raisonne point contre les faits; mais on considère la qualité des témoins, on pèse leur témoignage: on prend ensuite son parti. Or, les miracles sont des faits qui appartiennent à l'histoire c'est donc par la voie du témoignage qu'il faut les examiner. En vain disputerait-on contre leur possibilité : des vers de terre ne sauraient apprécier la puissance du Créateur.

164. Un fait qui contient du merveilleux est susceptible de certitude, comme l'effet le plus ordinaire : c'est donc un délire de l'esprit de rejeter des faits, précisément parce qu'ils sont merveilleux, comme font les ignorants on les esprits forts de nos jours. Il faut examiner les preuves avant de se décider. Ce n'est pas une force, mais bien une faiblesse d'esprit, de nier des faits sans raison.

165. Prétendre que les preuves morales, capables de constater un fait dans l'ordre naturel, ne sont pas suffisantes pour en constaler un dans l'ordre surnaturel, c'est une absurdité révoltante. Tout fait sensible,

de quelque ordre qu'il soit, est capable de certitude, et cette certitude ne peut être produite que par le témoignage, qui est la seule voie de prouver tous les faits.

166. Le miracle des miracles, dit Bossuet, c'est qu'avec la foi les vertus les plus éminentes et les pratiques les plus pénibles se sont répandues par toute la terre. Les innocents mêmes ont puni en eux, avec une vigueur incroyable, cette pente prodigieuse que nous avons au péché. Les déserts ont été peuplés; et il y a eu tant de solitaires, que des solitaires plus parfaits ont été contraints de chercher des solitudes plus profondes.

167. Qu'un zèle superstitieux ait porté quelques-uns à supposer de faux miracles en faveur de la piété, c'est une licence que l'Eglise a toujours condamnée comme injurieuse à la foi, et préjudiciable aux vrais miracles qu'elle expose au mépris et à la critique des incrédules. Appuyée sur la promesse du Tout-Puissant, la religion n'a pas besoin du mensonge pour se soutenir. La vérité se prouve par la vérité: il n'appartient qu'à l'erreur de chercher son appui dans la fraude et l'imposture.

168. Le miracle est le langage et le sceau de la Divinité, puisqu'il ne peut avoir que Dieu pour cause. Les miracles nous démontrent l'origine divine de la révélation et de l'autorité visible de l'Eglise catholique, comme le sceau du roi atteste aux citoyens la sincérité des actes qui partent de son autorité. Saint Grégoire le Grand a écrit: Interrogemus miracula, quid nobis loquantur de Christo; habent enim, si intelligantur, linguam suam. Nam quia ipse Christus Verbum Dei est, etiam factum verbi Verbum nobis

est.

109 Emanés de celui qui est la vérité même, les miracles sont toujours des témoignages certains des choses pour lesquelles ils sont opérés. Les prodiges des patriarches et des prophètes ont montré la vérité de la religion de Moïse; ceux de JésusChrist, ont prouvé également la divinité de sa mission et la vérité de sa doctrine, indépendamment des prophéties qui les avaient annoncées, de sa résurrection qui les avait suivies, et de la conversion des nations qui a succédé. Penser autrement, c'est les dégrader.

170. Le miracle montre la doctrine qu'il faut croire, quand il est opéré pour ccnsacrer un dogme. Le Dieu de vérité ne saurait accréditer l'erreur par des prodiges. Pénétré de cette importante maxime, Nicodème disait à Jésus-Christ: « Maître, nous savons que vous êtes un docteur venu de la part de Dieu; car personne ne peut faire les miracles que vous faites, si Dieu n'est avec lui. » Scimus quia a Deo venisti, magister; nemo enim potest hæc signa facere que tu facis, nisi fuerit Deus cum eo. (Joan. i, 2.)

171. La foi est une lumière surnaturelle répandue dans nos âmes, par laquelle nous croyons fermement tout ce que Dieu a révélé, quelque incompréhensible qu'il puisse

être pour nous. Elle est le fondement des choses que nous devons espérer, et une conviction de celles que nous ne voyons point. C'est une espèce de télescope spirituel, s'il est permis de parler ainsi, qui nous fait apercevoir des objets jusqu'auxquels notre raison n'aurait jamais pu parvenir.

172. Les vérités révélées sont l'objet de la foi; la véracité de Dieu en est le motif, ou la raison qui détermine à les croire. Je crois par la foi, non à la parole de l'homme qui pourrait me tromper, mais à la parole de Dieu qui, étant la vérité même, ne peut m'induire dans l'erreur. La foi des chrétiens n'est donc pas une croyance légère, comme osent l'avancer des calomniateurs impies; mais bien une croyance fondée sur des principes incontestables.

173. La foi, dit saint Augustin, a des yeux, mais de grands yeux, des yeux puissants, des yeux forts: ces yeux n'ont jamais trompé personne, c'est par eux que nous voyons la vérité des choses que nous ne voyons point. Ces yeux sont les oracles divins consignés dans les écritures canoniques et dans la tradition universelle de l'Eglise. Le témoignage des hommes est sujet à tromper; le témoignage des sens n'est pas toujours à l'abri de l'erreur; la raison humaine est capable de donner dans les plus grands écarts; mais le témoignage divin est la vérité même: la foi est donc une croyance qui ne déshonore pas la raison.

174. Il est bon de distinguer trois choses. dans la foi le principe fondamental de la foi, le discernement de la foi et la conclusion de la foi. Le principe de la foi est cette vérité de lumière naturelle: Tout ce que Dieu a révélé est véritable. J'appelle le discernement de la foi, cet acte de notre esprit par lequel nous jugeons que Dieu a révélé une doctrine plutôt qu'une autre. J'entends par la conclusion de la foi, l'acquiescement que nous donnons en conséquence à cette doctrine. La foi renferme donc d'une manière implicite ce raisonnement: Tout ce que Dieu a révélé est véritable: or, Dieu a révélé telle chose; donc elle est véritable, donc je dois la croire. La première proposition est incontestable, parce que Dieu ne peut tromper ni être trompé, nec fallere, nec falli. La seconde n'est pas moins certaine, parce qu'elle est appuyée sur la parole de Dieu et que la parole de Dieu elle-même est expliquée par une autorité infaillible, dont l'existence se démontre par les mêmes preuves qui établissent la divinité de la religion. La troisième suit nécessairement des deux autres. Les Chrétiens ne sont donc pas des gens qu'on puisse accuser d'une crédulité superstitieuse.

175. La foi est nécessaire de nécessité de précepte. « Celui qui croira et qui sera baptisé, dit Jésus-Christ, « sera sauvé; et celui qui ne croira point sera condamné: » Qui crediderit et baptizatus fuerit, salvus erit; qui vero non crediderit, condemnabitur. (Marc. XVI, 16.) Ce précepte est affirmatif, en ce qu'il oblige de croire tout ce que Dieu a révélé;

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