Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

menter; et u n'est aucun de nos plaisirs qui n'ait ses bornes.

217. Je ne connais qu'un seul moyen de parvenir au bonheur, qui est le bonheur lui-même, c est le bon usage de la raison.

218. Il y a généralement dans nos cœurs un sentiment commun qui a contribué à former les premières sociétés : ce sentiment est le désir pressant et continu du bonheur, et ce désir est de tous les âges, de tous les caractères, de tous les climats, de toutes les conditions de la vie.

219. Tout bonheur doit être conforme aux penchants habituels du cœur qui le poursuit il doit être durable et tellement indépendant, que rien, si nous ne le voulons, ne puisse nous l'arracher.

220. Autant d'espèces de bonheur, autant de transports qui nous agitent. Rarement un bonheur isolé peut nous satisfaire; nous voudrions les avoir tous à la fois, et les posséder sans altération, ni partage.

221. Le vrai bonheur est fait pour les cœurs vertueux.

222. Rien n'est grand que par comparaison c'est toujours le malheur d'une portion des hommes qui rehausse et fait éclater le bonheur de l'autre. Nous ne paraissons riches, puissants, respectables que par l'indigence, la faiblesse, l'avilissement du peuple. Nous lui devons, pour ainsi dire, toute notre grandeur, et nous ne serions presque rien, s'il n'était au-dessous de ce que nous

sommes.

223. On peut dire des anciens philosophes, que s'ils étaient assez sages et assez éclairés pour douter qu'on pût trouver sur la terre le véritable bonheur, ils l'étaient bien peu de se rendre malheureux sans mérite et sans espoir de récompense.

224. Si nous ne considérons que les apparences, nos idées confuses, incertaines et flottantes, distingueront à peine le bonheur d'avec le malheur. Souvent on croit trèsheureux ceux qui, au fond, ne méritent que de la compassion. Par exemple celui qui ne connaît de contentement qu'à assouvir des goûts dépravés qui abrégent ses jours, n'estil pas à plaindre? Un furieux qui ne trouve de satisfaction qu'à exercer sa rage; un tyran qui aime le sang, un scélérat qui se plaît dans le crime, un insensé qui cherche le bonheur dans son désespoir même, tous ceux enfin qui espèrent le trouver dans la passion dominante de leur caractère, sontils heureux en effet?

225. Rien n'est plus ordinaire que d'entendre dire qu'il n'y a point de plus grand bonheur dans la vie que l'amitié, cette sensibilité réciproque, l'aimant et le lien des cœurs bien faits. Mais aujourd'hui un simple vernis de politesse rend amis presque tous les hommes; souvent il suffit pour le devenir, qu'on se soit vu quelquefois. Mais qu'il est rare de trouver dans ce grand nombre un seul ami qui en mérite le nom!

226. On dit avec raison que le bonheur est un excellent breuvage, plus souvent

versé dans des verres de fougère, que dans des coupes d'or.

227. Le bonheur n'est agréable qu'autaut qu'on a le sentiment et la connaissance du malheur.

228. Nous ne pensons pendant toute notre vie, qu'à ce que nous avons été, qu'à ce que nous sommes, et qu'à ce que nous voudrions être.

229. Connaître et sentir son bonheur, c'est en doubler la jouissance.

230. Celui qui possède beaucoup, n'est pas le plus heureux, c'est celui qui désire peu, et qui sait jouir de ce qu'il a.

231. A bien examiner les choses, être heureux, si je ne me trompe, est seulement savoir qu'il est des malheureux, et que l'on n'est pas du nombre de ces infortunés.

232. Quoique souvent malheureux dans ses projets, l'homme s'y attache avec ardeur, et le malheur même d'y avoir échoué lui sert presque toujours de nouveaux motifs pour les poursuivre.

233. Ce n'est qu'à ceux qui ont mérité leur infortune ou qui n'ont pu la soutenir avec courage, qu'il est permis de se la rappeler avec douleur.

234. Quand même nos malheurs ne viendraient point de notre peu d'attention à la perversité des goûts et des penchants qui nous en garantir, ni de l'inconstance et de nous dominent; il est toujours certain qu'il n'est point d'état ou de condition dans la vie, qui n'ait plus ou moins de peines à supporter.

235. Une méfiance trop marquée attire souvent elle seule les malheurs dont on cherche à se garantir.

236. Ce doit nous être une vraie consolation et non un sujet de chagrin et d'envie, de voir des places occupées par des gens qui valent moins que nous. Ce serait autre chose, si l'usage était de ne les donner qu'à ceux qui en sont dignes: le bonheur de ceux-là devrait faire alors notre désespoir, parce qu'il serait une preuve de notre peu de mérite.

237. Un homme plus grand que ses malheurs, fait voir qu'il n'en était pas digne.

238. Pourquoi fuir les malheureux? Leur état fait mieux sentir le prix du bonheur que l'on possède.

239. Il est aussi naturel de craindre que d'espérer quand on est malheureux.

240. Il est rare qu'un malheureux ait des amis, plus rare encore qu'il ait des pa

[blocks in formation]

244. Il est vraisemblable que nous n'imputons nos malheurs à la fortune, que pour nous épargner la honte de nous les être attirés. 245. C'est particulièrement dans un temps d'affliction, qu'on sent plus vivement les malheurs des autres.

246. Ce n'est presque jamais que le malheur qu'on évalue; il n'est que le plaisir qui ne se calcule pas.

247. Voulez-vous bien connaître le caractère d'un homme? attendez qu'il lui arrive quelque disgrâce; vous verrez bientôt alors ou toute sa grandeur ou toute sa faiblesse.

248. Il se rencontre dans toutes sortes d'affaires des moments heureux qui ne reviennent point, et l'on se repent trop tard de n'avoir pas fait, lorsqu'il en était temps, ce qu'il n'est jamais deux fois temps de faire.

249. S'il est des dangers inévitables, il en est beaucoup où l'on donne, par imprudence, beaucoup plus encore qu'on pourrait éviter avec un peu de précaution.

250. Les plus malheureux sont ceux qui osent le moins se plaindre.

251. Je crois volontiers qu'il est plus louable de souffrir de grands maux, que de faire de grandes choses.

252. La mort est un asile toujours assuré contre les travaux et les peines de ce monde. Un pilote, sûr de rentrer dans le port, ne redoute point les tempêtes.

253. Au bout d'une génération, tout sera égal entre les plus heureux et les plus misérables.

254. Les soins qu'on se donne pour ne pas souffrir, causent plus de tourments qu'on n'en aurait à supporter les souffrances.

255. Je ne sais s'il serait possible de vivre sans désirs. L'agitation est aussi nécessaire à l'âme que le mouvement dans les êtres physiques engourdie dans le repos, elle y serait comme anéantie. Il n'est pas jusqu'à l'air, qui, pour se purifier, n'ait besoin d'orages.

Il est des désirs qui viennent de nos penchants naturels, il en est qui viennent des sentiments on des passions du cœur, il en est d'autres plus communs, plus ordinaires, dans lesquels on reconnaît plus de saillies que de suite, et quelquefois plus de chimères que de vues.

'De tous les désirs, les plus dangereux, ce sont ceux que forment en nous les penchants naturels qui nous dominent le désir des richesses dans un avare, la passion des plaisirs chez un voluptueux, le désir des honneurs dans une âme ambitieuse.

256. La plupart de nos désirs sont ou trop aveugles, ou trop vifs, ou trop ambitieux, ou trop imprudents, ou trop frivoles. Aveugles, ils ne nous donnent pas le temps de connaître ce qu'il nous importe d'éviter. Trop vifs, nous restons au milieu de la carrière, honteux de notre faiblesse. Trop ambitieux, ils nous portent où nos talents, notre état, notre naissance ne sauraient atteindre. Trop imprudents, .il est rare qu'ils prennent les vrais moyens de nous satis

faire. Trop frivoles enfin, ils se proposont moins ce qui intéresse que ce qui plaît.

257. Heureux le mortel qui, craignant de s'égarer avec ses désirs, les réprime, les retient, les règle du moins, et les modère! Plus heureux encore celui qui, dégagé de tout ce qui les fait naître, ne cherche sa satisfaction qu'en lui-même, qui regarde avec indifférence les biens et les maux, confond dans ses idées les sceptres et les houlettes, brave les honneurs sans les craindre, les richesses sans les mépriser, l'estime des hommes sans la dédaigner, les hommes eux-mêmes sans prétendre les blâmer, ni refuser de leur être utile!

258. Que de désirs retranchés, s'ils venaient tous d'une âme qui sût mesurer, calculer, apprécier!

259. Il n'est que le désir d'être aimé qui puisse garantir un prince des malheureux piéges qui l'assiégent de toutes parts.

260. Nos désirs sont notre destinée. Qu'estce en effet que le désir? C'est un mouvement de l'âme qui l'occupe, la remue, l'échauffe, l'anime, qui montre sa grandeur, ou sa petitesse, et fait son bonheur ou son malheur, selon la nature des choses qu'elle ambitionne, ou selon le bon ou le mauvais succès qu'elle éprouve en les recherchant.

261. Jamais plaisir ne fut pleinement accompli; l'un est toujours le germe d'un autre; un nouveau désir remplace celui qui s'éteint; et ne s'éteint lui-même que pour faire place à mille autres, qui ramènent l'âme sans succès et sans plaisirs au même point d'inquiétude et d'ennui d'où elle était partie.

262. Il est heureux pour l'humanité qu'il y ait des désirs qu'on ne peut satisfaire : sans cela, le dernier des hommes serait maltre de tout l'univers.

263. On avilit le désir de bien faire par le désir de paraître avoir bien fait.

264. Un désir satisfait suspend l'activité d'une âme qui veut toujours être émue, et le dernier qui l'occupe la rend très-indifférente à tous ceux qui l'ont précédée.

265. Il n'est pas possible à l'homme de vivre sans rien désirer. S'il en était qui osassent se vanter d'une si heureuse apathie, je soutiens qu'il leur resterait encore un désir, celui de pouvoir persévérer dans un état si tranquille.

266. Condamner les désirs en général, ce serait condamner la nature même. Ils tiennent si fort à notre être, qu'ils préviennent la raison, et il en est peu qu'elle n'adopte; le plus frivole devient presque aussitôt un sentiment.

267. Il n'est point de désirs qui ne nous flattent. Il en est peu qui ne nous trompent. 268. Les désirs sont nécessaires à l'humanité : ils lui donnent du mouvement et de la vie.

269. Les jeux et les divertissements des gens de la campagne seraient de rudes exercices pour les grands seigneurs d'à présent; mais les jeux sédentaires de ceux-ci et leurs tranquilles débauches ne sont-ils pas plus

pénibles et plus dangereux a la santé, que ceux des gens de la campagne?

270. Quels peuvent être des plaisirs que l'on n'a pas la peine de souhaiter, que l'excès rend languissants, d'où naît sans cesse

le besoin d'autres plaisirs, et de plus grands plaisirs encore, et qui usés par l'habitude, ressemblent aux parfums qui perdent de leur vertu par un trop fréquent usage?

271. Usez des plaisirs de votre état, mais souvenez-vous toujours qu'ils ne sont faits que pour vous amuser et vous distraire, et non pour vous occuper. Ils peuvent flatter vos sens, mais ils ne peuvent remplir votre cœur. Celui qui l'a créé peut seul le satis

faire.

272. Lorsque les sens sont satisfaits, les hommes ne tardent pas à reconnaître le vide et le néant des biens qu'ils avaient osé se promettre.

273. Le plaisir est toujours plaisir, tant qu'il est senti: en est-il aucun qui ne soit un songe? Tout n'est que rêve ici-bas.

274. Ce n'est pas dans le temps qui passe qu'on peut goûter des plaisirs qui passent avec le temps. Ce n'est qu'à la fin de la vie que la plupart des hommes reconnaissent la frivolité de ce qu'ils croyaient les flatter le plus.

275. Pour juger sainement des plaisirs, il faudrait n'en aimer aucun, ou les connaître tous par l'usage. Dans le premier cas, on en parlerait avec indifférence et sans prévention; dans le second, on saurait positivement ce qu'ils sont et ce qu'on en peut attendre !

276. De tous les plaisirs des sens, il n'en est point qui ne soit trop cher au prix même d'un simple désir. On ne s'ennuie jamais plus qu'au moment de les goûter; et ce qui est étonnant et plus triste encore, c'est que de cet ennui naît le besoin d'autres plaisirs qui ennuient de même.

277. Les plaisirs de l'âme sont ceux que l'on trouve dans l'amitié, dans la compassion, dans l'humanité, dans la reconnaissance, dans la fuite même des autres plaisirs, dans la probité, dans la pratique des vertus morales.

278. Je ne prétends pas qu'on doive renoncer à tous les plaisirs des sens. Il en est d'aussi nécessaires que les aliments: besoin humiliant, mais qui ranime la nature. Ne les dédaignons point; mais sachons en user avec modération, avec économie.

279. Les plaisirs imprévus sont les plus agréables. Ils ne sont pas précédés d'une espérance qui se dément presque toujours. 280. L'amour est une espèce de tribut que chacun doit à l'humanité la jeunesse n'attend pas qu'on le lui demande, et la vieillesse épuisée le paye du moins par ses désirs.

281. L'amour ne peut s'éteindre que de lui-même : il n'est jamais plus opiniâtre que lorsqu'il s'aperçoit que l'on conspire contre lui.

282. Il est rare que l'amour ne soit fou dans une âme folle; il peut être sage dans un cœur bien fait.

283. Les premiers soupirs d'un fol amour sont les derniers de la sagesse.

284. Croyons- en l'expérience de tant de siècles, l'amour dont on a vainement

un dé de faire une vertu, n'est qu'un faible, un délire, une fièvre de la raison, une passion, et, de toutes les passions, celle qui cause plus de ravage dans la société; elle déchiré autant de cœurs qu'elle en unit, et malheureusement encore son seul remède est son inconstance. Elle change d'objet sans s'affaiblir, et ne meurt presque jamais dans un lieu, que pour renaître dans un autre. 285. Plus l'amour vieillit, plus il est faible. L'amitié devient plus forte en vieillissant.

286. Le fond de notre être est l'amour du plaisir: c'est un feu central qui vivifie tout; sans lui, nous croupirions sans énergie dans l'indolence. Cet amour est plus absolu que la raison. Il la prévient dans notre enfance; il la maîtrise dans la jeunesse, et si, dans l'âge qui refroidit les passions, il ne nous porte pas aussi violemment vers ce qui plait, il sert du moins à nous éloigner de tout ce qui incommode.

287. Dans les chagrins qui proviennent de la tendresse, l'affliction est d'autant plus opiniâtre, qu'elle se croit autorisée par un motif de vertu. Tout ce qui rappelle les pertes que l'on a faites, rouvre de nouveau ces plaies, en y enfonçant le poignard de la mélancolie, guidé des mains de la constance et de la fidélité; les distractions et le temps ont seuls le droit de les guérir.

288. La plupart des amours ne sont point durables; il en est comme du bois, qui, à force de nous échauffer, se consume luimême.

289. L'imprudence laisse échapper les secrets, l'amitié les confie, l'amour, le véritable amour les livre, et ne s'en aperçoit pas.

290. L'amour-propre du genre humain serait trop humilié, si la fragilité des demidieux ne nous apprenait qu'ils sont hommes

commes nous.

291. Soyez incessamment en garde contre votre amour-propre. Il n'est que lui capable de donner à la flatterie de l'ascendant sur votre cœur. Aimez la gloire, j'y consens, je Vous y exhorte même, mais fuyez la vanité celle-ci recherche uniquement l'approbation des hommes, celle-là le seul témoignage secret d'une conscience tranquille. Quiconque méprise la gloire n'est pas loin de mépriser la vertu, mais quiconque a de la vanité peut tout au plus contrefaire la gloire, et ne peut jamais acquérir la vertu.

292. L'amour-propre nous fait sentir ce que les objets doivent avoir pour nous de dégoût ou d'attrait, de vrai ou de faux, de bon ou de nuisible. Les passions ont moins de prise sur lui que sur la raison; et si, comme elle, il s'endort quelquefois, le moindre murmure l'éveille.

393. On n'a jamais cessé de déclamer contre l'amour-propre; on le prétend la source de tous les vices. Je crois l'amour-propre moins dommageable qu'utile; toujours agissant, il n'est occupé qu'à nous procurer lo

bonheur que nous souhaitons et à nous faire éviter les malheurs qui nous menacent. S'il n'était ainsi, il cesserait d'être ce qu'il est, et ce qu'annonce le nom même qu'il porte. 294. Il est un amour-propre insolent, qui nous porte à n'aimer que nous, à désirer que tous les biens, tous les plaisirs, tous les honneurs ne soient que pour nous. C'est lui qui nous rend violents, inquiets, envieux, cruels, insupportables aux autres et à nous-mêmes; il est un autre amour-propre, semblable encore à la raison, qu'il est toujours prêt à suppléer; celui-là nous éclaire sans nous échauffer; il n'a d'autre vue que notre contentement, et sans cesse il est comme la sentinelle de nos cœurs, toujours prêt à donner l'alarme, pour que rien n'en puisse troubler le calme et la sécurité.

295. Tous les objets qui excitent l'amourpropre ne lui plaisent point parce qu'ils sont beaux, mais parce qu'ils lui font plaisir.

296. Une propriété de notre amour-propre, c'est que nous aimons ceux qui nous admirent et non ceux que nous admirons.

297. Pour se défier de l'amour-propre, ne suffit-il pas de le voir toujours inconstant et variable? incertain dans ses goûts, ses désirs changent sans cesse; il oscille continuelle ment pour ainsi dire, entre trois objets également dangereux : l'ambition, l'intérêt, les plaisirs. Egalement attiré par chacun, il s'y livre et les rebute tour à tour; tantôt il sacrifie l'intérêt à l'ambition, tantôt l'ambition à l'intérêt, et tour à tour l'un et l'autre aux plaisirs.

298. Les bienfaits sont le seul trésor qui s'accroît à mesure qu'on le partage. En semant les biens on les recueille, et le seul désir de les répandre est presque déjà le temps de la

moisson.

299. Les bienfaits intéressés sont si communs, qu'il ne faut pas s'étonner si l'ingratitude n'est pas rare.

300. Combien de gens croient avoir de l'expérience par cela seul qu'ils ont vieilli ! 301. L'expérience qui ne s'acquiert que par des fautes est un maître qui coûte trop cher.

302. Le plus mauvais des personnages, c'est d'être vieux et de n'avoir ni jugement, ni expérience.

303. Il y a des gens qui se croient capables de tout, parce qu'ils n'ont d'expérience de rien.

304. Un cœur sensible fait bien souffrir. On a meilleur marché de son esprit : il est peu d'objets qui l'intéressent:

305. Presque toujours les plus indigents sont les plus généreux.

306. Il est étonnant que la faiblesse ne sache employer que la superstition et la force. On a toujours remarqué que les cœurs les plus faibles sont ordinairement les plus cruels.

307. Nos premières faiblesses nous donnent des remords, les secondes les supportent, les dernières les méprisent.

308. La nature donne les traits du visage, la fourberie les démonte à son gré.

309. La nature ne nous laisse manquer de rien mais par notre luxe nous nous sommes fait plus de besoins et conséquemment plus de misères qu'elle ne nous a fait de présents.

310. La nature crie aux plus puissants comme aux plus abjects des hommes qu'ils sont tous membres d'un même corps.

311. Il est plus glorieux qu'on ne pense à avouer qu'on s'est trompé, c'est-à-dire qu'on a acquis plus de lumière et de sagesse qu'on n'en avait auparavant.

312. Il est étonnant que les gens les plus occupés d'eux-mêmes, soient précisément ceux qui cherchent le plus à s'éviter.

313. Ne cherchons nos ennemis que dans les personnes avec qui nous vivons; celles avec qui nous n'avons aucune habitude ne pensent point à nous faire du mal.

314. La plus cruelle de toutes les folies, c'est celle qui gémit quelquefois d'entrevoir la raison.

315. Il faut souvent plus de force à certaines gens pour ne pas passer le but, qu'il ne leur en a fallu pour y atteindre.

316. Deux sortes de gens sont également incapables de toute affaire l'un agit avant de réfléchir, c'est l'étourdi; l'autre réfléchit lorsqu'il faudrait agir, c'est le pusillanime.

317. A force de trop promettre on décèle, sans le vouloir, le dessein qu'on a de ne rien tenir.

318. Quiconque a besoin d'indulgence peut-il s'attendre à beaucoup de marques de considération.

319. Combien d'honnêtes gens ressemblent à Ulysse chez Eumée : ce sont des héros couverts de baillons.

320. Se mettre en colère, c'est punir sur soi les fautes et les impertinences d'autrui.

321. Il ne manque point de flatteurs dans les cours, non plus que dans les campagnes de ces insectes qui prennent la couleur de l'herbe à laquelle ils s'attachent.

322. Il est une suprême dignité qui par elle-même ne donne point de rang; c'est celle qui résulte de la qualité d'honnête homme.

323. On devrait avoir honte d'être méchant, par cela seul que l'on ne l'est que par impuissance et par faiblesse, tout homme qui pourrait tout ce qu'il veut, ne ferait du mal à personne.

324. On ne sent la mort qu'une fois : celui qui la craint meurt à chaque fois qu'il y pense.

325. Qui ne tient pas par ses avantages à sa promesse, n'est guère plus lié que s'il n'avait rien promis. Toute promesse d'intérêt s'évanouit, dès que l'intérêt cesse.

326. Il sembe que tout ce qu'on fait n'est qu'une ébauche et qu'il reste toujours quelque chose à faire pour rendre l'ouvrage accompli.

327. Le pouvoir ne répond pas toujours à la volonté. Il faudrait consulter l'un avant l'autre, mais la plupart des hommes com

mencent par vouloir : ils agissent ensuite comme ils peuvent.

328. L'affection découvre plutôt ce qu'on est qu'elle ne fait voir ce qu'on voudrait paraître.

329. On peut oublier les offenses, mais on perd rarement le souvenir d'avoir été offensé.

330. Les ressorts de notre âme ne doivent point être si liants qu'ils en soient faibles.

331. En laissant trop voir de crainte qu'on ne nous trompe, nous découvrons souvent la manière dont on peut nous tromper.

332. On ne prend d'ordinaire un confident que pour avoir un approbateur.

333. Quiconque met de l'importance aux petites choses, est sujet à traiter légèrement les plus essentielles.

334. Il n'est guère possible de soupçonner autrui qu'on n'ait en soi le germe des bassesses dont on l'accuse.

335. Tous nos Achilles ne sont pas invulnérables, et il est toujours quelque partie d'eux-mêmes où l'on peut les blesser.

336. Moins on exige des autres, plus on en obtient. Vouloir trop user de ses droits, c'est le moyen de les perdre.

337. Combien de gens se font des affaires de tout, parce qu'ils ne savent s'occuper de rien?

338. N'avoir pour principe de conduite que la nécessité du devoir, c'est se le rendre bien cruel et s'exposer à tout moment à l'enfreindre.

339. Pour nuire plus sûrement, on impute aux personnes qu'on n'aime pas, ou un excès de vertu, ou les défauts les plus proches des vertus, qui font leur mérite.

340. On ne se compare guère qu'on ne se préfère.

341. Le plus lent à promettre est d'ordinaire le plus fidèle à tenir.

342. Dans le conflit des opinions i ne manque à la plus simple, pour réunir tous les esprits, que d'être proposée la dernière.

343. Nous devrions ne compter le temps que par nos bonnes actions, et le reste pour n'avoir pas vécu.

344. Les préjugés de la jeunesse passent avec elle. Ceux de la vieillesse ne durent que parce qu'elle n'a pas d'autre âge à espérer.

345. Si nous ne pouvons empêcher les jeunes gens d'être étourdis, souvenonsnous qu'ils n'ont que peu de temps à l'être.

346. Des âmes froides et légères ne tiennent à rien et deviennent tout ce qu'elles veulent.

347. Combien de prodigues qui, en mourant, ne payent à la nature que ce qu'ils doivent.

348. Le patriotisme n'est plus que le sentiment de son bien-être et la crainte de le voir troubler.

349. Nulle part on n'a tant besoin de gaieté que dans les cours, et c'est là précisément qu'on en trouve moins.

350. Il y a une telle liaison entre toutes

les affaires du monde, qu'une seule dépend de plusieurs autres et qu'on n'est maître de

351. Combien de gens rêvent en veillant et dont les songes sont plus funestes que ceux qu'ils font dans un profond sommeil?

352. On se rend à la moindre persuasion dans les choses même où l'on devrait ne se rendre qu'à l'évidence.

353. Ce n'est pas celui qui fait semblant de se laisser tromper qui est le moins habile, c'est celui qui se flatte d'avoir eu l'adresse de tromper.

354. On mérite en effet de perdre ce que l'on possède en voulant injustement acquérir ce que l'on n'a pas.

355. On ne veut point de mal à ceux que l'on méprise, on n'en veut qu'à ceux qui ont droit de nous mépriser.

356. Il est plus honorable de confesser ses fautes que de vanter ses mérites.

357. On vit dans autrui, rarement dans soi-même.

358. L'âme veut jouir de son être, l'esprit veut savoir, le cœur veut sentir; l'un et l'autre ont leurs besoins comme le corps.

359. La gaieté est la santé de l'âme, la tristesse en est le poison.

360. Il en coûte peu pour plaire, mais il en coûte beaucoup pour plaire longtemps.

361. Un simple soupçon a souvent fait des traîtres, et plus souvent une apparence de confiance a étouffé des desseins de trahison.

362. Une bagatelle est quelquefois capable de faire échouer les plus grands projets.

363. Un secret ne pèse jamais tant que lorsqu'on est le plus prêt à s'en décharger. 364. Les remords inutiles ne sont que plus importuns et plus cruels.

365. Qui ne sait obéir ne saura jamais commander.

366. Ce n'est point par effort qu'on se distrait de ses peines; les yeux ne voient rien quand le cœur ne voit point avec eux.

367. Le plus doux repos est toujours celui qui s'achète par la fatigue et la peine, tout autre anéantit l'âme et la tient douloureusement suspendue entre l'inertie qui l'abrutit et le néant dont elle est à peine échappée.

368. Si la beauté connaissait les avantages de la pudeur qui ìa relève, elle ne l'exposerait pas tous les jours à tant de dangers.

369. Deux sortes d'hommes ne réfléchissent point: l'homme effrayé et le téméraire.

370. On doit respecter la religion sans l'approfondir: ignorer les disputes qu'une vaine spéculation, qu'une licencieuse curiosité y élèvent, ne donner dans aucun des partis qui la défigurent, ou l'anéantissent sans le vouloir. Doit-il y en avoir d'autre, pour la foule des chrétiens, pour les plus grands génies même, que le catéchisme et la foi.

371. La religion est la vie de l'âme, et

« ZurückWeiter »