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tion a pour bourreau la réalité qui la détrompe.

383. Loin de se gonfler de ses connaissances, il s'humilie dans son ignorance, parce qu'il reconnaît que quelque grande que soit la multitude des choses qu'il sait, le nombre de celles qu'il ignore est encore infiniment plus grand.

384. Il se croit toujours moins prudent, moins sensé que les autres; et quoiqu'il sache, il croit tout le monde capable de l'instruire, parce qu'il est vide de vanité et de présomption.

385. Que les hommes du monde tirent vanité de leur savoir, et fassent briller leurs lumières pour être applaudis et admirés; quant à lui, avec toute sa science, il aime à demeurer inconnu, dédaigné, et ne se soucie de rien moins que des applaudissements et des louanges des hommes.

386. I craint de paraître dans le grand monde, il en évite l'occasion, il se renferme et voudrait se cacher à lui-même, parce qu'il est humble et mène une vie retirée. Mais comme l'attention commune se réveille par l'indifférence généreuse de celui qui ne se soucie pas de faire connaître son mérite, tout le monde ouvre les yeux pour le regarder et admirer en lui des perfections qu'il cache, mais qu'il ne peut soustraire; et chacun à l'envi donne à son mérite les louanges qu'il refuse à ses propres vertus.

587. Il méprise le monde et le fuit. Jamais on ne le voit dans ces jeux publics où les méchants s'assemblent pour tendre des piéges à la vertu et concerter la perte de

388. Il n'est jamais moins seul que lorsqu'il est seul, parce qu'alors il est avec sa raison qui lui tient lieu des plus agréables compagnies.

389. Il la consulte avec confiance, comme un disciple de son maître; il l'écoute avec une attention respectueuse, comme un enfant son père; et profite de ses réponses et de ses avis, comme un ami fait de ceux de son meilleur ami.

390. Il est moins content partout ailleurs que dans cette agréable solitude, parce que partout ailleurs il n'a pas de plus bel entretien ni de plus grand plaisir que ceux qu'il a et qu'il goûte avec elle.

391. Il est toujours capable de faire tout pour soi, parce qu'il est toujours à soi et qu'il ne se passionne jamais.

392. Il conçoit et pense bien. Il raisonne toujours juste, et ne se soucie pas de passer pour subtil, pourvu qu'il ait le don de convaincre par ses raisons, et qu'effectivement il soit solide dans sa simplicité.

393. Contraire à ces grands du monde qui ne se font des favoris et des confidents que pour se décharger sur eux de la haine publique, en cas que par leurs violences ou par leurs injustices ils obligent le peuple à se récrier, il se fait des amis pour les aimer et pour en être aimé, et non pas pour en faire le but des railleries et des reproches

qu'il pourrait mériter, ni pour leur faire porter le fardeau de ses méfaits.

394. Dans le choix qu'il en fait, il regarde moins ceux qui sauront donner dans ses inclinations par complaisance, que ceux qui sauront l'empêcher lui-même d'y donner par leurs avis et par leurs remontrances, parce qu'il sait que pour devenir homme de bien, il faut avoir, ou de fidèles amis qui remontrent et qui reprennent, ou de rudes ennemis qui ne flattent et qui ne biaisent point.

395. Il scrute les caractères du cœur et s'étudie à distinguer celui qui rit toujours sans raison, de celui qui ne rit jamais qu'à propos, parce qu'il sait que l'un est aussi sot que l'autre est retenu.

396. Ceux qui rient toujours et ceux qui ne rient jamais lui paraissent également insupportables.

397. Il sait connaître les qualités de ceux qu'il pratique; mais il sait encore mieux les estimer en lui-même et en faire l'éloge en public, quand il en a besoin.

398. Toujours muni de prudence et de résolution contre les attaques des manants, pertinents, il n'est jamais vaincu par leur des présomptueux et de tous les autres imaudace, leur folie et leur jactance.

399. Quand il s'explique, c'est avec tant d'esprit, qu'il en donne toujours plus à penser qu'il n'en dit. Jamais la conversation n'est trop libre avec lui, mais elle ne languit point.

400. Toutes ses paroles sont édifiantes, bonnes, sages, pesées, instructives. Toutes ses actions sont prudentes, exemplaires et bien réglées, parce que les unes et les autres sont le fruit de la réflexion.

401. Il n'ignore de rien, mais il ne fait pas voir qu'il sait tout. Il se contente de reprendre quand il est à propos; et si le devoir ou la petitesse l'engage à s'étendre sur un sujet, non-seulement il captive l'attention de tous ceux qui l'écoutent, en y développant des connaissances profondes; mais il fournit encore matière à l'imitation, en leur proposant mille belles maximes à suivre et mille vertus à pratiquer..

402. Il n'est pas comme ces âmes doubles, ces hommes fourbes et flatteurs, qui ajustent toujours leurs sentiments au lieu où ils se trouvent; qui blâment et qui méprisent les personnes en leur absence, qu'ils respectent et qu'ils louent quand ils leur parlent toujours le même partout, il est ailleurs tel qu'il est ici, et ne sera point demain ce qu'il n'est pas aujourd'hui.

403. Mais surtout, il ne prend jamais occasion de l'absence d'une personne pour la décrier; non plus que de sa présence pour lui faire des compliments outrés.

404. Il est digne de considération, parce qu'il considère, dans toutes ses actions, qu'on le regarde ou qu'on le regardera.

405. Il prend garde à ce qu'il dit et de la manière dont il le dit. Il sait que les parois ecoutent, que les pierres parlent, et que les

paroles donnent souvent pius de matière à inédisance que les actions.

406. Lors même qu'il est seul, il fait comme s'il était en la présence de tout le monde, parce qu'il sait que tout le saura. Il regarde comme témoins présents, ceux qui, par leurs découvertes et leur pénétration, le seront après.

407. Il ne se cache point dans des lieux retirés pour se dérober aux yeux de la médisance. Il ne craint pas que les voisins tiennent registre de tout ce qu'il fait dans sa maison. Il désire même que tout le monde l'y voie faire ce qu'il y fait; car ils n'en, seraient que plus confus en faisant des retours et des applications sur eux-mêmes, et plus édifiés en faisant des réflexions sur lui. 408. Les honneurs qu'on lui fait peuvent souvent le rendre honteux et confus; mais les mépris qu'on a pour lui ne sont jamais capables de le rendre ni plus triste ni plus chagrin.

409. Que le monde et ses sectateurs parlent de lui tant qu'ils voudront, il se met au-dessus de tout ce qu'ils en disent. Il ne s'inquiète même pas de tout ce qu'ils en peuvent dire, parce que celui qui le justifie est au dedans de lui même; que le témoin de sa conscience ne l'accuse et ne lui reproche rien; et que son innocence et sa vertu l'excusent auprès de tout ce qu'il y a d'honnêtes gens.

410. Cette innocence qu'il n'a point souillée le rassure si fort, qu'il fait son juge du premier témoin de ses actions, hors cependant que la discrétion, la prudence et le temps ne lui conseillent de ne se justifier que par le silence. Alors il cherche tout son repos dans la retraite, et toute sa gloire dans le mépris des impostures de ses rivaux et de ses ennemis; trouvant toute sa consolation dans le calme et dans la tranquillité de son âme, laquelle lui permet d'attendre sa récompense de sa patience et de sa vertu.

411. Il se fait de la haine de ses envieux un miroir où il se regarde, et voit bien mieux ce qu'il est que dans celui de la bienveillance.

412. Le seul soin qui l'occupe toujours et partout, c'est de se comporter si bien en public et dans son particulier, que la malignité de l'envie ne trouve rien à reprendre dans sa conduite.

413. Il n'est point comme ceux qui se croient piqués de tout, parce que, coupables au dedans d'eux-mêmes, ils supposent qu'on les connaît, qu'on dit pour eux tout ce qu'on dit, et sont les premiers à se faire de tout ce qu'ils entendent des applications odieuses et incommodes. Pour lui, il ne se choque jamais et ne s'ébranle de rien, parce que rien n'offense sa pureté, et que les insultes même ne peuvent altérer sa patience.

414. S'il est repris, bien ou mal, de quelque faute, il écoute toujours avec beaucoup die docilité les remontrances qu'on lui fait, et profite des avis qu'on lui donne.

415, Il s'avoue coupable quand il l'est, et

s'accuse poliment; mais jamais il ne cherche dans les fautes d'autrui la justification des siennes, parce qu'il sait qu'il y a de la malignité à faire remarquer les imperfections des autres gratuitement, et qu'au lieu de se laver on se noircit encore davantage.

416. Quand il est innocent, il le dit. Si l'on ne veut pas l'en croire sur sa simple parole, et que l'on exige d'amples raisons de lui pour sa justification; il laisse parler ceux qui l'accusent, les écoute tranquillement et sans répliquer jusqu'à ce qu'ils finissent. Quand ils ont fini, il prend la parole à son tour, et d'un ton de voix doux, calme, mais ferme et assuré, il démontre son innocence et sa candeur, détruit les témoignages invoqués contre lui, tire la confirmation et la solidité des siens du temps et des circonstances des circonstances, confond les témoins qu'ils ont gagnés et corrompus; les confond eux-mêmes, et ne s'emporte jamais, ni en faisant voir qu'on lui en impose, ni après l'avoir fait remarquer. Si malgré tout ce qu'il a pu dire, cependant, on persévère à le croire coupable, il se retire dans le silence de sa raison, el, content du témoignage de sa conscience, qui le justifie, il se met au-dessus de l'injustice et de la calomnie.

417. Il ne se glorifie point de ses perfections, parce qu'il y a de l'impertinence à cela. La connaissance qu'il en a ne le flatte point d'ailleurs jusqu'à lui faire croire qu'il est meilleur qu'un autre, et cette présomption n'est pas en lui. Jamais il ne cherche à montrer qu'il est persuadé de son mérite parce qu'il sait qu'on ne peut pas même y songer sans folie ni sans vanité, et que la trop bonne opinion qu'on a de soi-même fait perdre en un instant tout ce qu'on s'est acquis de vertu durant plusieurs années, et tout ce qu'on tient de l'estime des autres. C'est pour cela que plus il est parfait, plus il affecte de ne l'être pas.

418. Il n'est pas comme l'ambitieux que sa passion jette dans les dignités par toutes sortes de moyens, sans consulter s'ils sont permis ou défendus. S'il aspire aux grandes. charges, c'est par le chemin de la vertu qu'il s'y fait un passage; et, quand une fois il y est arrivé, modéré dans ses actions, judicieux dans ses pensées, ferme sur le bord des précipices, et presque insensible à la calomnie, il ne s'attache qu'au bien, ne regarde que l'intérêt public, et n'a jamais ni d'excuses ni d'affaires, quand il s'agit de défendre le pays.

419. Il ne s'attache, autant qu'il peut, qu'aux choses grandes et relevées; mais son action n'est pas trop impatiente, et son espérance n'entre jamais sur les terres de la présomption, ni n'avance jusqu'au quartier de l'extravagance.

420. La justice et la prudence modèrent. toutes ses passions. Jamais l'ardeur ni la saillie n'en précipite aucune. Tous ses mouvements sont réglés par sa raison souveraine.

421. Tout ce qu'il fait emporte une ad

miration secrète, qui surprend les plus difficiles et qui ramène les plus opiniâtres.

422. Juge intègre et bon magistrat, le droit a toujours été protégé par lui.

423. Il ne connaît ni amis, ni parents, ni intérêts propres, quand il s'agit de rendre justice i là rendrait contre lui-même, si la raison le voulait.

424. Il s'est formé une telle habitude de la garder en tout, qu'il n'a pas moins de facilité que de plaisir à rendre à chacun ce qui lui appartient de droit.

425. I observe la justice distributive avec tant de règle et de proportion, que le mérite et la dignité des personnes, leurs vertus et leurs crimes, ne reçoivent que selon la distinction qui leur est due, la récompense ou le châtiment.

426. Il pratique de même la justice commutative; et par l'une et l'autre il donne à tous ses jugements une parfaite égalité.

427. L'usage qu'il sait faire de la prudence dans la vie civile et politique, est le premier mobile de cette grande et singulière vertu qui lui est si naturelle, et qui lui a enseigné si parfaitement ce qu'il faut et ce qu'il ne faut pas faire. C'est de cette source très-pure de la prudence que découle la sagesse de ses conseils; de sorte qu'il est toujours un très-grand conseiller pour lui et pour les autres.

428. Comme il sait que les grands emplois demandent un grand pouvoir, et que pour en exercer dignement les fonctions, il faut avoir une autorité proportiounée à leurs exercices, il se conserve toute celle qui lui est nécessaire pour remplir l'essentiel de ses obligations, mais pas plus. Il s'en sert quelquefois dans le monde pour calmer les esprits que la querelle irrite et remue; pour porter la paix dans des familles que la dissension trouble; mais il ne la fait valoir que par ce qu'elle vaut chez sa raison, et n'en abuse jamais.

429. Quand il siége il est sévère sans rigueur, inviolable dans l'intégrité, inflexible dans la justice, et toujours appliqué à tout entendre.

430. Il est grave, mais il n'affecte point de l'être la gravité affectée est toujours un sujet de moquerie et de mépris.

431. Sa gravité, qui n'est donc ni une sotte contenance, ni une affectation de gestes précieux, se fait remarquer dans son extérieur châtié et bien composé; mais elle éclate encore davantage dans la sainteté de ses mœurs, et dans le juste scrupule de sa conscience sagement timorée.

432. Il n'a point de fierté, et quel que soit Je poste où il est, il se montre encore plus grand par sa retenue, par sa modération, par son désintéressement, par son indifférence, par sa familiarité, par son humilité et par ses vertus.

433. 11 remplit bien les obligations de son emploi, parce qu'il s'en fait véritablement un devoir, soutient sa réputation, l'augmente même; et va toujours en se signa

lant davantage par son bon cœur, par sa condescendance et par sa bénignité.

434. Il est jaloux de l'honneur et de l'autorité de sa charge, parce qu'il connaît que sans cela elle serait une pure ombre et un titre sans honneur; mais il n'en fait point parade, parce qu'il a horreur de la vanité, et qu'il sait que l'ostentation de la dignité choque plus encore que l'ostentation de la personne.

435. Il maintient ses droits parce que la raison le veut, mais il ne les étend point, parce que la justice le lui défend.

436. 11 parle par sentence et agit toujours à propos. Il n'est point déréglé dans ses mouvements, trop libre dans ses manières, ni vain dans son extérieur : il sait que dans le monde on juge du dedans de l'homme par le dehors, et qu'en effet l'extérieur de l'homme est la façade de l'âme.

437. Il ne donne pas tout d'un coup dans ce qu'on lui dit, surtout quand on lui fait des récits de ouï-dire. Il sait que le mensonge est toujours le premier, et qu'il a coutume d'entraîner les sots par un on dit qui va de bouche en bouche.

438. Il réfléchit sur tout, examine le pour et le contre, pèse toutes les raisons alléguées de part et d'autre, surseoit son jugement, demande du temps quand l'affaire est délicate, et corrige ainsi l'entêtement des autres par son doute, quand il ne peut calmer leurs esprits par ses décisions.

439. Comme il sait que la vérité arrive toujours la dernière et fort tard, guidée qu'elle est par un boiteux qui est le temps, et qu'il n'ignore pas ce qu'il lui doit; il l'attend pour former son jugement et décider sur ce qu'il a ouï et appris, lui gardant toujours une oreille pour l'entendre quand

elle arrivera.

:

440. Son intégrité éclate dans toute sa personne il la fait remarquer dans ses paroles, et mieux sentir encore par ses effets.

441. Il ne fait jamais. céder la raison à ses passions au contraire, il sait contraindre, par sa vertu, ces rebelles à se soumeltre aux ordres de cette sage gouvernante.

442. H accorde sa protection à l'innocence, ses faveurs à la vérité, son appui aux orphelins, et tâche de les maintenir dans leurs priviléges et dans leurs droits, contre les injustices et l'usurpation.

443. Il est le protecteur et l'appui de la justice, aussi bien que l'asile et la consolation des malheureux: nul pauvre ne lui fait voir ses misères qu'il ne les soulage.

444. Tout le monde est témoin qu'il ne fait servir la vérité que pour désabuser ceux qui pensent le tromper par le mensonge

445. Doué des vertus les plus héroïques, il fait toujours le contraire de ce qu'il blâme.

446. Il ne sait ce que c'est qu'orgueil; mais quoique simple et sans vanité, il ne tient pas trop de l'homme : il sait que rien

ne décrédite davantage un homme, que de faire remarquer qu'il est homme.

447. Il est judicieux et sait faire contrepoids à la retenue de l'homme fin.

448. Il ne peut souffrir ni les traîtres ni les ingrats.

449. Dans la société, il remarque tout et fait semblant de ne rien voir.

450. Il écoute et évite de contredire avec autant de soin qu'il veille à ne pas donner sujet d'être contredit.

451. Attentif à tout ce qu'on dit pour ou contre lui, il feint de ne rien entendre et de tout ignorer.

452. Il n'est pas comme le fou qui laisse éclater sa colère et qui montre tout d'abord son ressentiment prudent et sensé, il le dissimule, le renferme et l'étouffe.

453. Il étudie son génie, son esprit, son cœur, ses défauts et ses inclinations. Il sait qu'on ne saurait être maître de soi-même qu'on ne se connaisse à fond.

454. Il n'a point de défauts, ou peu, parce qu'il sait se combattre et se vaincre.

455. Il dompte ses sens, mortifie sa chair et ne se rend jamais à ses passions : ce serait descendre de la condition de l'homme à celle de la bête.

456. Il s'applique à vaincre son amourpropre, sa cupidité, l'envie, et à détruire en jui l'empire du vice. Ce qu'il ne peut y corriger de défectueux, avec tous ses soins et toute son attention, il le cache avec tant de finesse, que tous ces lynx et ces espions de la route d'autrui s'égarent à force de chercher.

456 bis. Si ses passions, qui sont toutes soumises à sa raison, font les rebelles, il sait les contenir et les réprimer.

457. Quand on l'a offensé, il sonde jusqu'où il est nécessaire de laisser aller son ressentiment; mais il ne s'en laisse jamais emporter, parce qu'il sait que tout excès de passion dégénère du raisonnable.

458. Il prévient par de prudentes réflexions les mouvements de sa colère, et pour les dominer il ne s'écarte pas un seul instant de l'appui de sa raison.

459. S'il lui arrive de s'engager sans réflexion, il s'arrête dès qu'il s'en aperçoit, et reste ferme et sans trouble au milieu des premiers mouvements qui ont surpris son attention.

460. Jamais sa raison ne s'embarrasse, parce que la modération, qui le gouverne partout, l'empêche toujours de franchir les bornes du devoir.

tion parmi tous ses défauts, qu'il saurait d'abord la découvrir et l'en démêler.

462. Il passe bien sa vie, parce qu'il ne se nourrit que de bonnes choses et qu'il est sans malice.

463. Il ne se mêle point avec le vulgaire, parce que le vulgaire n'est composé que de sots, ne fait point d'attention à ce qu'il dit, parle en fou, ne s'arrête jamais à ce qu'il pense, et ne s'occupe que de méchancetés. Il en méprise toujours les décisions et les censures, parce qu'il ne se conduit que par passion et ne censure qu'avec imprudence et impertinence.

464. Comme il n'a point de curiosité, il ne cherche point à connaître ce qui se passe chez les autres, ne se soucie pas de tout ce qui ne lui importe point, et ne prend à cœur que ce qui le regarde.

465. Avec l'homme entendu il est bon entendeur, et sait fort bien démêler les intentions, discerner ceux qui veulent faire leurs affaires en paraissant faire les siennes, de ceux qui entrent dans ses intérêts par un vrai motif d'affection et d'amitié.

466. On ne le voit point se prévaloir de la faiblesse de ses rivaux jaloux et méchants; mais, toujours attentif sur leurs embûches, il fait en sorte qu'ils ne puissent eux-mêmes se prévaloir de sa droiture et de sa bonté.

467. Quelque alertes que soient ses envieux et ses adversaires, jamais il n'est surpris par eux ni ne donne dans leurs piéges, parce que son bon discernement est toujours le premier en connaissance, surtout lorsque Jeur intention est féconde en déguisements.

468. Bien qu'il soit permis de désirer le meilleur, il s'attend toujours au pire, et prend en patience tout ce qui arrive.

469. I estime tout le monde, parce qu'il choix va toujours au meilleur. Différent en saft ce que chacun a du bon, et que son cela de ces grands du monde qui n'estiment personne, parce que, laissant toujours aller leur choix et leur jugement au pire, ils ne veulent ni ne peuvent reconnaître ce qui est bon.

470. Soumis aux volontés de Dieu, qui jamais il ne contrevient aux ordres de la fait et défait comme et quand il lui plaît, Providence; trouve toujours bien ce qu'elle dispose, lors même que c'est à son désavanlage, et se garde bien surtout de changer l'état pour lequel elle l'a destiné, parce qu'il sait qu'il ne pourrait le faire sans s'attirer son indignation.

qu'il sait qu'il est encore plus pernicieux de l'appeler à sa confidence.

472. Il s'instruit seulement en remarquant

471. Il ne va point avec le sot, parce qu'il 461. Il n'imite point les esprits mal toursait qu'il y a du danger à le hanter; et il se nés, qui, entre mille perfections, s'arrêtent au seul défaut qui s'y trouve mêlé par hasarde bien surtout d'en faire un ami, parce sard, et qui, étant sans yeux pour voir celles là, sont tout de langue pour parler de celuici et le grossir. Semblable à l'abeille, qui, attachée à une fleur, en tire d'abord ce qu'il y a de plus doux et de plus savoureux pour en faire son miel, il s'attache tout d'un coup à ce qu'il y a de meilleur dans l'homme de bien et de bon dans le méchant. Il n'y aurait Diême dans le vicieux qu'une seule perfec

de loin les déréglements où il le voit tomber, et en se précautionnant à ses dépens.

473. Quand il aspire à la gloire, il entre dans les voies de la retenue, de la justice et de la vertu; il y marche courageusement et ne prend point de détours, parce qu'il sait

que le plus court chemin pour arriver à la réputation est celui des mérites.

474. Il ne déprise jamais les choses qu'il désire, pour les obtenir plus facilement, ou pour les avoir à meilleur compte il laisse cette maxime pour les fourbes et pour les intéressés; il se contente de n'en pas témoigner trop d'envie, parce qu'il sait que les hommes vendent bien cher à la curiosité ce qu'ils donnent pour peu de chose à l'indiffé

rence.

475. Il n'est point comme ces fous qui, après avoir fait une sottise, en font encore cinq ou six autres pour l'excuser. Quand il a eu le malheur de tomber une fois dans une faute, il se garde bien, en voulant la justifier, d'en commettre une seconde i aime mieux se taire, se repentir et être humilié, en paraissant coupable quand il l'est, que se noircir et se perdre de réputation, en voulant se faire innocent quand il ne l'est pas. L'homme sage peut faillir une fois, mais non deux.

476. Il y a des gens qui tournent tout en petite guerre. Pour lui, il ne se formalise de rien, que de ce qui offense la vertu ; il se contente de peu et approuve tout.

477. Il est sincère; mais sa sincérité ne dégénère point en simplicité. Son cœur n'a pas de meilleur ni de plus fidèle interprète que sa langue.

478. Il n'approfondit jamais trop dans les pensées de ceux qui parlent : il aime mieux être respecté comme sage que craint pour être trop pénétrant.

479. Il est civil sans intérêt; car comme il ne salue que pour avoir le plaisir d'être honnête, il ne prend pas garde si ceux qu'il salue lui rendent le salut.

480. Sa civilité s'étend à tout le monde, mais elle sait distinguer les personnes, leurs qualités et leur mérite, parce qu'il comprend que confondre les grands avec les petits et traiter tout le monde de même, ce serait couper du pain et de l'oignon avec le même couteau.

481. Quelque peu civil que l'on soit à son égard, il ne se repent pas de l'avoir trop été el jamais il ne se propose de l'être moins à l'avenir, parce qu'il sait que la civilité a cet avantage, que toute la gloire en reste à qui la fait, et que ce n'est ni en lui un vice à corriger, ni pour lui un déshonneur à éviter, que d'être plus civil qu'un autre.

482. Loin de s'offenser des incivilités qu'on lui fait, ni d'en prendre occasion de se refroidir, il se montre plus poli encore et plus respectueux à l'égard de ceux qui les luí font, pour les confondre et leur apprendre à vivre. Hé ! pourquoi cesserait-il de se mettre en frais de ce côié-là, puisque porter la main au chapeau et se rendre honnête et affable à tout le monde, est une dépense qui lui coûte peu et qu'il fait avec d'autant plus de plaisir, qu'il sait qu'elle lui est honorable?

483. Les impolitesses et les grossièretés qui le choquent et qu'il désapprouve dans les autres, lui deviennent utiles : elles l'o

bligent à se rendre attentif sur ses propres manières, à châtier son maintien, et à se défaire de celles que les autres pourraient désapprouver en lui.

484. Il ne se singularise jamais; mais naïf, ingénu et facile, il vit familièrement avec les uns et avec les autres, parce qu'il sait qu'on ne méprise pas seulement les gens qui font les singuliers tandis qu'ils sont à leur aise, mais qu'on les abandonne encore lorsqu'ils sont pressés.

485. L'affabilité qui donne aux grands l'ascendant sur les esprits, et par laquelle ils se rendent les maîtres des cœurs, n'a jamais servi à tant d'usages qu'il la sait employer. Elle opère dans sa personne le même effet que le glaive de l'oracle de Delphes qui était propre à tous les ministères des sacrifices: c'est par elle qu'il vient à bout des entreprises les plus difficiles; c'est elle qui enchaîne tous les cœurs, qui les lui rend tous dévoués, et qui fait qu'on ne trouve plus rien d'impossible pour son service.

486. Il veut connaître pour aimer, mais ceux qu'il aime, il les aime d'une amitié parfaite, intime et cordiale, parce qu'il ne les aime que quand il les connaît. On peut dire que l'amitié qu'il envisage comme une des grandes félicités de la vie, est en lui dans un caractère achevé.

486 bis. Il est fidè.e, discret et sincère. Il n'y aurait même plus de discrétion, de fidélité, ni de bonne foi dans le monde, qu'on en trouverait toujours dans son cœur.

487. Jamais il ne rompt ses amitiés, mais quelquefois il les dénoue, et c'est quand le temps lui a fait connaître que ceux avec qui il les avait liées, ne sont que des fourbes déguisés.

488. Si quelques-uns de ses amis ont rompu avec lui, il n'en prend point occasion de divulguer partout les confidences qu'ils lui ont faites pendant qu'ils se voyaient, parce qu'il croit que tout ce qui sent la trahison doit paraître odieux à un homme qui estime l'honneur, et que d'ailleurs il sait qu'il n'est pas permis de se prévaloir de la confiance passée de ses amis, pour se venger de leur rupture présente.

489. Il hait si fort la médisance, qu'avec tous les sujets qu'il a d'être fâché contre eux, il ne peut souffrir qu'on touche en sa présence à leur réputation.

490. Mais s'il est si ménager et si soigneux de la bonne réputation de ses amis, il ne l'est pas moins de la sienne. Il l'estime, parce qu'il sait qu'il lui en a coûté pour se procurer ce qu'il en a. Il en est jaloux, parce qu'il en connaît les avantages et l'utilité; et jamais il ne l'expose trop, parce qu'il sait que c'est un bien fragile, mais d'un prix inestimable; qu'il ne faut qu'un instant pour perdre tout ce qu'on s'en est acquis avec beaucoup de peines pendant le cours de plusieurs années, et que jamais on ne peut la recouvrer quand une fois on l'a perdue.

491. S'il passe dans le monde pour habile

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