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toujours selon la vérité et sur de bonnes preuves.

179. Il ne condamne jamais tout seul, ni légèrement ce qui plaît à plusieurs : Il faut, dit-il, qu'il y ait là quelque chose de bon, puisque tant de gens en sont contents et l'approuvent.

180. Il ne donne point dans le paradoxe pour se faire admirer il sait que comme il ne peut y avoir que des ambitieux qui se servent de la pointe de ces sortes de nouveautés pour surprendre, il n'y a aussi que les sots qui en soient épris; et que, d'ailleurs, le paradoxe est une espèce de tromperie, de charlatanerie, qui ne perd pas seulement sa vogue dès que l'on vient à reconnaître sa fausseté dans la pratique, mais qui décrédite encore celui qui veut se singulariser et faire le bel esprit, dès qu'on connaît son intention.

181. Il se garde bien de faire ostentation de tout ce qu'il sait : il a appris que la moitié en montre, et la moitié en réserve, vaut mieux qu'un tout déclaré.

182. Sa prudence, qui le fait parler et qui le fait taire, l'empêche de dire tout quand il parle, et lui apprend à garder toujours quelque chose de nouveau pour paraître le lendemain.

183. Jamais il n'est plus réservé dans ses paroles que lorsqu'il se trouve avec des gens curieux qui le contredisent ou qui le raillent, parce qu'il sait que les piéges que l'on tend à la discrétion sont de contredire pour tirer une explication plus ample de ce qu'on n'a entendu que confusément, et de jeter des mots piquants pour faire prendre feu.

184. Il se laisse connaître parce qu'il n'est point fourbe, mais il ne se laisse pas pénétrer parce qu'il est sage. Il se ménage si bien que personne ne le voit tout entier, et que chacun en voit pourtant assez pour s'édifier, pour s'instruire et pour l'admirer.

185. Il est fort retenu à offrir ses services, parce qu'il ne les offre jamais qu'il ne veuille de tout son cœur, s'intéresser et prendre part aux affaires de celui qu'il en assure; mais il est encore plus circonspect à se fier aux offres que les autres lui font des leurs, parce qu'il sait qu'il en est beaucoup qui donnent de belles paroles, mais peu qui donnent de bons effets.

186. Jamais il ne s'engage de parole qu'il ne soit assuré de pouvoir faire ce qu'on lui demande, ou qu'il n'ait envie de donner ce qu'il promet. Il prévient même, quand il le peut, les désirs de ceux avec lesquels il s'engage, et leur donne tout, quand tout dépend de lui, avant que de leur rien promettre. Il sait qu'aujourd'hui l'on ne se repait point de paroles qui ne sont que du vent; et il croit que toutes ces civilités et ces offres de services sont des fanfaronades et de viles tromperies, indignes d'un honnête homme, quand elles demeurent stériles et sans effet.

187. Quoiqu'il reconnaisse qu'il est dangereux de dire la vérité, il ne peut s'em; e

cher de la dire, ni se résoudre à la trahir, Ce qu'il fait pour ménager ceux de qui il parle, c'est qu'il la détrempe avec du sucre de charité et l'adoucit avec du miel de prudence, parce qu'il sait que lorsqu'elle touche au vif, c'est la quintessence de l'amer

tume.

188. Quand il trouve quelque chose de mal, il sait en dire sa pensée sans biaiser.

189. S'il reprend quelqu'un, il le fait avec douceur, et en peu de paroles. Jamais la passion ne s'en mêle. Encore ne prend-il cette liberté qu'avec ceux qui lui sont inférieurs ou familiers.

190. Rempli d'adresse et de discrétion, quelquefois il emprunte les noms des personnes absentes, où de celles qui sont mortes, pour dire à ceux qui l'écoutent leurs vérités, et leur faire sentir indirectement leur mauvaise vie, sans les choquer.

. 191. Il a de la prudence, et quand il a à faire un reproche à des gens d'esprit, il se contente d'un geste pour leur faire sentir sa peine, parce qu'il sait qu'à un bou entendeur il ne faut qu'un signe.

192. S'il s'aperçoit qu'ils s'en chagrinent, il n'en vient pas à des invectives, ni à des corrections ouvertes et véhémentes, car ce serait jeter de l'huile dans le feu; mais il prend le parti de se taire, et c'est le meilleur expédient pour les confondre.

193. Il est difficile à tromper, parce qu'il sait pénétrer la vérité, approfondir les secrets, reconnaître la flatterie, développer les mystères, démêler les intentions, discerner le déguisement, et voir les choses en elles-mêmes.

194. Il ne prend pas garde si ceux à qui ils parlent sont sots, pour en prendre occasion de se retirer aux ténèbres de la flatterie, en les trompant; ou s'ils sont gens d'esprit, pour passer à la lumière de la vérité, en agissant avec eux sincèrement: de quelque trempe qu'ils soient tous, il se comporte avec les uns et avec les autres de la même manière, avec la même droiture et la même simplicité.

195. Quand il s'explique à eux en particulier de leurs moeurs et leur conduite, il leur dit succinctement ce qu'il en pense sans marchander parce qu'il ne peut flatter.

196. Il prend toujours plaisir à faire voir qu'il préfère la qualité de bon maître et de cordial ami, à celle de juge austère; et qu'il n'a pas moins d'aversion pour la rigueur et pour la sévérité, que de penchant pour la clémence et pour la douceur.

197. Quelque tort qu'on lui fasse, il ne laisse jamais entrer la haine dans son cœur, pour en chasser celui qui le lui a fait il sait que quand une fois la haine s'est emparée d'un cœur, on ne l'en chasse pas quand

on le veut.

198. Il n'a point de rancune, et quelque affront qu'il ait reçu, il ne cherche pas à s'en venger. Il sait que quand on s'abandonne à la vengeance, on ne l'arrête pas toujours où l'on se l'était proposé.

199. Différent de ces esprits remuants et

inquiets qui affectent d'être mal avec tout le monde, soit par esprit de contradiction, soit par dégoût: il s'attache à ne l'être avec personne, parce qu'il sait qu'il ne faut jamais provoquer l'aversion, qu'elle vient assez sans qu'on la cherche.

199. L'ambition ne lui fait rien désirer. Content de ce que le sort lui a donné, il en fait plus de cas que de tout ce qu'il lui a refusé.

200. Il aime la vérité et ne la trahit jamais dans ce qu'il dit, non plus que dans ce qu'il pense.

201. Ayant fait son objet de l'honneur, et de son devoir sa règle, il va de bien en mieux, pratique ouvertement la vertu, et ne se soucie point si on le regarde dans le monde comme un bon homme du vieux temps, pourvu qu'il fasse ce qu'il doit, et qu'il arrive où il tend.

202. Il ne s'informe ni de la conduite des uns, ni des richesses des autres. Toujours renfermé tout entier en lui-même, il laisse le monde comme il l'a trouvé, et les hommes comme ils sont, et ne s'embarrasse de rien que de son salut.

203. Si quelquefois il ouvre les yeux, ce n'est que pour prendre garde que, dans ce siècle, la malice a passé pour une mode courante, et pour gémir en son particulier de ce qu'on y traite la vertu comme une étrangère.

204. Quand il ne peut vivre comme il voudrait, d'une manière constante, uniforme et réglée, il vit comme il peut, mais toujours selon les règles de la raison et de l'honnêteté.

205. Il a le naturel bon, l'abord facile et la parole douce, mais quand il est nécessaire, il sait se faire écouter et respecter.

206. Rien n'est plus pénétrant ní plus élevé que son esprit, toujours capable de recevoir les meilleures impressions.

207. La nature l'a doué encore d'une mémoire heureuse et fidèle, qui le fait toujours souvenir de ce qu'il a fait, afin qu'il ne manque jamais à ce qui reste à faire.

208. Sa conception est vive et facile, ses expressions sont justes et pesées, et ses réponses et ses paroles sont modérées et si sages, qu'il n'y a point d'exemple qu'elles aient jamais donné le moindre chagrin à personne et qu'il se soit jamais repenti d'avoir parlé.

209. Rien de plus affable, ni de plus charmant que son accueil. Tous ceux qui se retirent de sa présence, en sortent pénétrés de ses manières gracieuses.

210. Il se connaît parfaitement à toutes choses.

211. Il ne se casse point la tête à vouloir approfondir le bien et le mal, il a appris qu'une justice trop exacte dégénère en injustice.

212. S'il est engagé dans le commerce du monde, comme il sait qu'aujourd'hui il y a des écueils à éviter, il prend des mesures; il use de discrétion, de prudence et de patience; il emploie la réflexion, le discernement;

Dictionn. de la Sagesse pOPULAIRE,

il les envoie épier les périls, sonder les précipices et faire le guet; et à la suite de ces espions fidèles, il marche à pas comptés, il avance lentement, et passe sans rien risquer où il y a le plus à craindre..

213. Il n'est pas comme ceux qui donnent aveuglément dans les grandes entreprises, qui les embrassent quand elles se présentent, sans délibérer avec la raison et sans consulter leurs forces: il examine les choses en elles-mêmes, prévoit leurs suites et raisonne toujours.

214. Si la raison lui refuse son agrément, il arrête court et ne songe plus à marcher; si elle le lui accorde, il avance, sans que la considération ni la vue du danger puissent refroidir l'ardeur de son courage.

215. Il entreprend les choses les plus difficiles avec autant d'assurance et d'intrépidité que les choses les plus aisées; et les choses les plus faciles, avec autant d'ardeur que celles où il y a plus d'obstacles et de difficultés celles-ci pour ne point se relâcher par trop de confiance, celles-là pour ne pas perdre courage à force de trop craindre.

216. Comme toutes ses entreprises n'ont jamais pour but que la piété, la religion, la justice et la gloire de Dieu, on remarque que, soit sur la terre ou sur la mer, les orages et les tempêtes, semblent en respec ter les projets et ne les traversent jamais.

217. Sa grande vertu fait toute son adresse et toute son industrie. C'est par son moyen qu'il sait s'attirer les respects des uns, les amitiés des autres, et l'admiration de tout le monde, et qu'il fait entrer dans ses vues le ciel, la terre et tous les éléments.

218. Il ne s'intrigue point dans les choses qui ne l'importent en rien. L'homme qui est trop intrigant est l'objet du mépris, et comme il s'introduit sans honte il est repoussé avec confusion.

219. Jamais il n'est mal dans ses affaires, parce qu'il ne se mêle point de celles des autres, et qu'il ne néglige, ni ne découvre trop les siennes.

220. Il fait ce qu'il veut, parce qu'il ne veut que ce qu'il doit et ce qu'il peut.

221. Il n'est pas comme ces fous dont l'impertinence vajusqu'à préten ire que tout s'ajustera à leur manie et favorisera leurs projets.

222. Il s'accommode lui-même aux circonstances, mesure tout au temps et à la saison, et s'en saisit, parce qu'il sait que ni l'un ni l'autre n'attendent personne, que la saison donne le point de perfection aux actions, aux paroles, et que le fort de la prudence consiste à se conformer aux temps.

223. Il a beaucoup de circonspection, beaucoup de précaution et ne manque pas de pénétration.

224. Dans les négociations, dans le commerce, dans ses engagements en toutes choses, il donne toujours dans le monde des témoignages si éclatants de bonté, de grandeur d'âme et de fidélité, que ceux qui veulent apprendre à se conduire avec droituro avec leurs associés et à vivre avec tout l

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monde sans artifice, sans détours et dans la bonne foi, n'ont qu'à fixer les yeux sur lui et qu'à contempler ses exemples.

225. Il n'entreprend rien de sa tête, ni sans conseils: il consulte tous les gens d'esprit et de probité, et préfère leurs lumières, à son imagination. Il sait que celui qui s'engage de son chef se charge de toute la haine s'il échoue, et quand il réussit, on ne lui en sait point de gré.

226. Il n'est pas comme les personnes inconstantes et légères, qui ne sont bonnes que pour commencer et n'achèvent jamais rien; qui inventent et ne continuent pas; avec qui tout aboutit à demeurer court et imparfait. Son esprit ferme et constant, poursuit courageusement sa pointe, va toujours jusqu'au bout, voit la fin des opérations, persévère jusqu'à ce qu'il ait vaincu la difficulté, se contente de l'avoir vaincue, et ne profite pas de sa victoire toutes les fois qu'il le peut, mais seulement quand il

veut.

227. Il ne vante jamais ce qu'il a commencé. Tous les commencements sont défectueux et l'imagination en reste toujours frappée et prévenue.

228. Il n'en parle que quand il le montre et il ne le montre que quand tout est achevé. Ce n'est rien avant que d'être tout, et quand une chose commence d'être, elle est encore bien avant dans le rien. Ceux qui vantent leurs heureux commencements se flattent de tirer tout à fait une chose du néant, et souvent ils ont la honte de l'y lais

ser.

229. Il ne s'attache pas si fort à la contemplation des choses hautes, qu'il ne pense du tout à celles qui sont communes : il donne ses pensées aux unes et ne refuse pas son esprit aux autres.

230. Parce qu'il sait que tout ne doit pas être théorie, qu'il faut aussi de la pratique, il a soin d'apprendre du commerce de la vie ce qu'il lui en faut pour n'être ni la dupe, ni la risée des autres; mais jamais pour avoir l'occasion d'en paraître plus, où de tromper plus adroitement son compagnon, son rival ou son associé.

231. Il ne donne pas en étourdi, dans les vues de ces personnes qui affectent d'être plus civiles que les autres; qui n'ouvrent la bouche que pour faire des compliments ou donner des louanges; et qui excèdent toujours dans les uns et dans les autres; parce qu'il sait que les compliments affeciés ou excessifs viennent toujours, ou de gens qui trompent ou de gens trompés.

232. Il est toujours heureux, parce qu'il sait se régler sur le temps.

233. Loin d'imiter dans sa grandeur la vanité de ceux qui se croient fermes et assurés dans leurs bonnes fortunes et qui se tranquillisent sur le bord du précipice auquel leur élévation les expose sans cesse, il est toujours dans la défiance et ne se repose jamais sur sa puissance ni sur ses richesses; mais toujours sur ses vertus et sur le bras du Tout-Puissant, parce qu'il

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sait que celui qui ne s'appuie que sur la fortune tombe aussitôt qu'elle change.

234. Plus il est au-dessus des autres, plus il tâche de les contenter, et évite de les offenser en aucune manière. Il sait que les offenses, quoique petites, faites par les grands à leurs inférieurs, ne s'oublient jamais, et qu'il y a cette différence entre les injures qu'on reçoit des particuliers et celles qu'on reçoit des grands, que celles-là ne font que laisser quelques impressions fort légères, au lieu que les injures des grands frappent l'âme et causent souvent la mort.

235. Que les gens du monde tâchent de nuire en tout à leurs rivaux jaloux ou envieux de leur gloire, ou qu'ils travaillent continuellement à leur destruction et à leur ruine, il ne prend pas garde à ce qu'ils font pour se faire à l'égard des siens une règle de leur conduite insensée à l'égard des leurs. Comme il sait que chacun doit agir selon ce qu'il est et non point selon ce que sont les autres, il fait ce qu'il pense de mieux, mais jamais ce qu'il voit faire de pire.

236. Il n'use point, comme les autres, de souplesse avec eux pour les surprendre et leur porter préjudice, parce qu'il regarde la souplesse et la fourberie comme des armes défendues dont l'homme de bien ne se sert jamais; il se contente de joindre la courtoisie au mépris qu'il fait de leur maligne jalousie, parce qu'il s'aperçoit qu'elle produit un bien meilleur effet que leur vengeance, et qu'il la trouve plus plausible.

237. Etre fort et savoir vaincre, est un avantage qui n'est pas plus propre à l'homme qu'au lion et à l'éléphant; mais être puissant et humain, pouvoir tout et savoir pardonner, c'est être en quelque façon au-dessus de l'homme, et ressembler autant qu'il se peut à la Divinité. Tel est le caractère de mon héros. Il pardonne volontiers les outrages qu'on lui fait, et il a toujours mieux aimé dissimuler l'offense que de se résoudre à la punir, surtout quand elle ne regarde que sa personne.

238. Que ses ennemis le décrient et cherchent à le perdre de réputation dans le monde, toutes leurs calomnies ne peuvent aigrir sa douceur ni vaincre sa patience.

239. Généreux à leur égard, il leur souhaite plus de bonheur qu'ils ne lui souhaitent de maux; et souvent ceux mêmes qui les ont entendus dire du mal de lui, l'entendent dire encore plus de bien d'eux.

240. Mais s'il parle bien d'eux à tout le monde, i les sert encore mieux quand ils sont dans le besoin.

241. Il ne prend rien au pied de la lettre, ne se remplit point l'esprit de mille chimères affligeantes, et n'arrête jamais devant soi ce qui peut lui être un sujet de chagrin, parce qu'il sait que c'est faire à contre-sens que de prendre à cœur ce qu'il faut jeter derrière le dos, et de s'occuper de ce que l'on ne doit regarder une fois qu'afin de s'en détourner pour toujours.

242. Quand il sent de l'émotion dans son

cœur, sa retenue ne permet jamais que la colère avance, se produise et agisse, parce qu'il sait que tout se fait violemment quand tout se fait par emportement ou par colère, que la passion bannit la raison, et qu'un moment de furie est suivi d'ordinaire de plusieurs mois de murmures, et quelquefois de plusieurs années de repentir.

243. Il sait donc calmer et refroidir sa bile, quand le ressentiment l'excite, ou que le chagrin l'échauffe.

244. Il arrête ses passions dans leurs plus violentes fougues, les tient toujours dans la dépendance et dans le respect de sa raison, et se contente de dire à celui qui l'a aigri ou irrité : Je te battrais bien, si je n'étais en colère; mais il ne le touche point.

245. Quelques favorables que soient les occasions qu'il trouve de se venger et d'avoir raison de l'offense, il n'en use point, parce qu'il préfère la gloire de pardonner au plaisir d'une vengeance victorieuse.

246. Dans les affaires qui demandent de la délibération, il ne se détermine pas tout à coup. Il sait qu'il est bon de prendre du temps, et que l'homme avisé ne peut trop

l'être.

247. Pour donner, il ne prend pas garde s'il y a quelque temps qu'on attend : il regarde seulement s'il est à propos de donner, parce qu'il sait que, moins il entre de saillie et de passion dans la libéralité, plus elle est louable.

247 bis. Il n'a égard ni aux personnes, ni à la qualité, ni aux autres avantages de fortune il ne cherche que la justice, ne regarde que le mérite, et proportionne ses dons et ses récompenses à sa grandeur.

248. Tout ce qu'il donne, il le donne galamment et de bonne grâce. Il engage plus par sa courtoisie et par son bon cœur que par sa générosité et par ses présents.

249. Il n'est point comme ceux qui font valoir leurs bienfaits par les fréquents refus qu'ils en font, et par la difficulté qu'on a à les obtenir. Honnête et bon à l'égard de tout le monde, il rend service aux uns et aux autres, pour avoir le plaisir d'être utile à son prochain, qu'il n'aime pas moins que lui-même.

250. Il écoute paisiblement ceux qui lui font des demandes intéressées; mais, si la chose est d'une certaine importance, sans leur rien promettre ni leur rien refuser d'abord, il leur demande du temps pour prendre des mesures, et ne les rebute jamais, parce qu'il sait que, pour éviter la surprise, il faut écouter à loisir ceux qui demandent à la hâte.

251. Il ne se presse point, quelques sollicitations qu'on lui fasse, parce qu'il sait qu'il ne faut jamais se háter de donner ce que l'on ne peut plus ôter quand on l'a donné, et que les inconsidérés qui donnent à la hâte ce qu'ils donnent, se repentent toujours de leur inconsidération et de leur promptitude.

252. Jamais pourtant il ne fait attendre longtemps ce qu'il a envie de donner, parce

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qu'il croit que ce serait vendre ses faveurs plutôt que de les accorder.

253. Il n'est pas comme ceux dont le premier mot, à toute heure, est non, et avec lesquels il est besoin d'adresse, d'artifice, pour leur demander ce que l'on en veut obtenir. Il ne saurait refuser à personne; aussi ne faut-il point de crochet pour tirer de lui ce qu'on en veut.

254. Quand il demande quelque chose, de quelque qualité que soit la personne à qui il s'adresse et de quelque nature que soit la chose qu'il désire, il sait si bien prendre ses mesures et son temps qu'il n'est jamais rebuté : souvent même il dispose si bien leur esprit, qu'ils préviennent ses demandes et ses souhaits.

255. S'il a affaire à ces sortes de personnes dont je viens de parler, qui d'abord et toujours disent non à tout, pour obtenir d'eux ce qu'il prétend, il ne leur propose pas, dès la première entrevue, ce qu'il désire, car ce serait imiter l'étourneau; mais après avoir mis en point de vue la chose qu'il veut avoir, il les tête avec adresse et sonde leur intention; temporise s'il y remarque de la répugnance; prépare insensiblement leur esprit par plusieurs entretiens; les occupe de quelque chose qui a toujours du rapport avec ce qu'il veut leur demander; mais ne leur montre jamais à plein où il vise, qu'après avoir obtenu d'eux des faveurs qui l'assurent de celles qu'il désire, de peur qu'ils ne voient des raisons de ne pas les accorder.

256. Il sait discerner les esprits, et, par une adroite politique, il sait donner dans l'humeur et dans le caractère de chacun, et se faire tout à tout. Docte avec les doctes, sérieux avec les sérieux, jovial et agréable avec les enjoués, il ne se dément qu'avec les libertins, auxquels il impose toujours silence par la sévérité de son visage, et qu'il abandonne quand il ne peut les écarter de la mauvaise voie.

257. Les anciens philosophes affectaient bien plus de paraître sages que de l'être en effet. Pour lui, au milieu des grandeurs et des richesses, appuyé de puissance et d'autorité, et suivi toujours d'un grand nombre de suppliants qui l'environnent sans cesse, il est celui des hommes qui craint le plus de paraître ce qu'il n'est pas, et de n'être point ce qu'il doit être, et qui a mieux su trouver le secret de mêler les maximes de l'Evangile avec celles du monde.

258. Il met le souverain bonheur dans l'action. Ainsi, persuadé que l'homme n'est sage qu'autant qu'il opère bien, il préfère la vie d'occupation, comme la plus utile et la plus honnête, à celle du repos et du plaisir.

259. Sa grande piété, sa justice et sa bonté, sont des ressorts qui agissent d'une manière invisible et secrète dans son âme et dans son cœur, et par qui seules toutes ses actions sont autant de prodiges; de sorte qu'on ne doit point s'étchner de voir chez lui un bonheur constant et perpétuel.

260. Plus on l'examine, plus on découvre en lui de perfections. Différent en cela de ces personnes imposantes qu'on ne peut regarder longtemps qu'on ne change et de goût et de pensées et de jugement. Il semble même que l'aspect de ses vertus dissipe les défauts des autres, et que, par une sympathie admirable avec le soleil son symbole, une de ses plus grandes qualités soit celle de les communiquer.

261. On dirait qu'il inspire ses lumières et son adresse à tous ceux qui le voient, qui le pratiquent, et qu'il commande, tant ils paraissent habiles dans l'exécution de ses ordres, de ses projets, et généralement de tout ce qu'ils font.

262. Si ce qu'il fait lui-même ne plaît point à quelqu'un, il ne se rebute pas, il espère que d'autres en feront cas.

263. Il ne tire vanité ni des approbations, ni des applaudissements qu'il reçoit, parce qu'il n'ignore point que ce que les uns approuvent, les autres le censurent ; qu'il y a autant de goûts que de visages, et autant de différence entre les uns qu'entre les autres. 264. Il n'est point comme ceux qui ne font jamais rien à propos, et qui censurent toujours tout. I ne contredit à rien ni à personne, parce que la nature ne lui a formé ni l'esprit ni le goût de travers.

265. Qu'il y en ait qui repaissent leurs caprices d'une vaine présomption, d'un orgueil mêlé de sottise et de folie, peu lui importe. Pour lui, il ne lui semble pas qu'il honore quand il regarde, ni qu'il fasse grâce quand il parle ou qu'il écoute.

266. Il prend garde de n'être pas si homine de bien, que d'autres en prennent occasion d'être malhonnêtes gens; il sait allier la candeur et la simplicité de la colombe avec la prudence et la finesse du serpent: et retient dans le respect par l'une, ceux à qui l'autre donne occasion de se prévaloir. 267. Il fait semblant de ne pas s'apercevoir du soupçon d'autrui, parce qu'il sait que c'est aller chercher son ressentiment il tâche seulement de guérir le soupçon par un procédé honnête et sincère, parce qu'il y a de la prudence et que sa raison le lui conseille.

268. Il n'affecte pas des airs précieux : il laisse cet exercice aux femmes.

269. Il a le don de plaire, parce qu'il a du mérite et de l'agrément, d'où tire son origine un certain je ne sais quoi qui sert à lui gagner et à lui ménager la faveur universelle.

270. Simple et complaisant pour tout le monde, ceux qui le fréquentent n'ont (pas besoin de se contraindre : il leur laisse toute la liberté pour se tenir et pour s'expliquer comme ils veulent.

271. Il sait admirer la politesse et les belles manières; supporter les grossièretés et les incivilités; mais jamais il n'exige qu'on châtie ses paroles pour lui parler, ni qu'on affecte un maintien sérieux pour paraître devant lui.

272. Il n'est point cérémonieux dans ses

manières, ni pointilleux dans ses réponses, parce qu'il sait qu'il n'y a rien de plus incommode ni de plus fatigant; que l'un gêne le monde par ses cérémonies et ses civilités étudiées, et que l'autre ennuie par ses pointes fades et usées.

273. I n'affecte point d'être plus civil qu'un autre; mais il ne méprise point celui qui l'est plus que lui.

274. Dans toutes ses actions il paraît tel qu'il est. Sa modestie y tient toujours le premier rang, et sa patience ne se dément jamais.

275. Il n'est pas semblable à ce faux sage qui ne sait point s'assister lui-même dans les rencontres fâcheuses. Comme il a l'avantage de se bien connaître, il s'aide dans ses peines et cherche du remède à ses afflictions dans sa fermeté; du secours à sa faiblesse dans la réflexion; et de la consolation à ses chagrins dans la patience et dans la raison.

276. Il n'est pas non plus comme ceux qui augmentent leurs peines, faute de savoir les porter comme il faut, et qui cèdent à la fortune, au premier échec qu'elle leur fait, toujours craintifs pour de plus grands malheurs. Pour lui, froid et tranquille au milieu de ses plus grandes afflictions, il se rend tout supportable par la fermeté de son grand cœur et de son grand courage. Rien ne le trouble, rien ne l'ébranle, rien ne l'effraie; la fortune même, rebutée par sa constance, se retire vaincue, et cherche ailleurs un homme plus sensible à ses disgrâces.

277. Il se sert si bien de son intelligence et de sa pénétration, que par elles il prévient et confond tous les desseins de ses ennemis; de même qu'il conduit parfaitement par son adresse toutes ses négociations à leur fin.

278. Ses amitiés ne sont pas des amitiés frivoles d'un moment ou d'un jour : ce sont des amitiés de toutes les saisons, solides et durables, et qui tiennent beaucoup de la nature du diamant pour la durée et pour être difficile à rompre, parce qu'il aime véritablement.

279. Il s'applique particulièrement à connaître les personnes dont il se sert; et c'est par cette étude, plus difficile et plus utile que celle des livres, qu'il réussit si parfaitement dans leur choix, et qu'il démêle avec tant de discernement les sages d'avec les indiscrets et les politiques d'avec les étourdis.

280. Il se trompe si peu dans le discernement admirable qu'il fait des uns et des autres, qu'on peut assurer avec justice qu'il excelle dans l'art difficile et délicat de distinguer l'homme d'avec l'homme, et de connaître à fond la trempe et la portée de l'esprit de chacun.

281. L'homme vertueux, le philosophe et le sage, sont pour lui les véritables héros et les seuls mortels dignes d'être connus, vus et aimés.

282. H est invariable dans son estime et dans sa protection, quand il les a une fois

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