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qu'un aont on ne connaissait pas l'origine, qu'il était né d'un rocher ou d'un chêne, dicton qui se prolongea chez nous jusque dans le moyen âge.

CHENEVÕTTE (Prov.). On appelle ainsi la partie ligneuse des tiges de chanvre, et l'on applique à un dissipateur à bout de ressources, le proverbe que voici : Nous le verrons bientôt reteiller ses chenevottes. Cela signifie être réduit à recourir aux derniers brins de filasse.

CHEVAL. On sait de quelle vive affection l'Arabe est pénétré pour son coursier; il le considère pour ainsi dire comme un membre de sa famille, et lui voue même des soins qui dépassent presque toujours ceux qu'il accorde à ses enfants. Aussi ne manque-t-il pas de préceptes pour l'éducation que doit recevoir cet animal bien aimé, et le régime auquel ou doit le soumettre; et ces préceptes se montrent de front avec les versets du coran et les maximes morales les plus vénérées dont l'enseignement a lieu au foyer domestique ou sous la tente du désert. Voici quelques-uns de ces préceptes, qui ont été recueillis par M. le général Daunias, et que nous lui empruntons parce qu'ils sont intéressants:

1. Achète un bon cheval: si tu poursuis, tu atteins, et si tu es poursuivi, l'œil ne saura bientôt plus où tu auras passé.

2. Le cheval doit avoir quatre choses larges le front, le poitrail, les lombes et les membres. Quatre choses longues : l'encolure, les rayons supérieurs, la poitrine et la croupe. Quatre choses courtes : les reins, les paturons, les oreilles et la queue.

3. Pour avoir un bon cheval, cherche-le large, l'orge le fera courir.

4. Choisis des robes franches et foncées. 5. Ne laisse jamais ton cheval à côté d'autres chevaux qui mangent l'orge, sans qu'il la mange aussi.

6. Quand tu peux faire autrement, ne donne pas de vert à ton cheval de guerre; le vert engraisse, mais ne fortifie pas.

7. La nourriture du matin s'en va au fumier, celle du soir passe à la croupe. Le cheval marche avec la nourriture de la veille, et non avec celle du jour.

8. En hiver, ne fais boire qu'une fois par jour, à une heure ou deux de l'après-midi, et ne donne l'orge que le soir, au coucher du soleil. En été, fais boire deux fois par jour, le matin de bonne heure, et le soir après le coucher du soleil.

9. Faire boire au lever du soleil fait maigrir le cheval; faire boire au milieu du jour le maintient en bon état ; faire boire le soir le fait engraisser.

10. Un cavalier dans le désert est bien près d'être méprisé, quand on peut dire de lui: son cheval hoit de l'eau trouble, et sa Couverture est trouée.

11. Préserve ton cheval avec une égale persévérance, et des froids rigoureux et des chaleurs excessives.

12. Le froid de l'été est pire qu'un coup de sabre.

13. Lorsqu'il fait chaud, et que tu le peux, lave ton cheval matiu et soir.

14. Un sage a dit: Le noble travaille de ses mains, sans rougir, en trois circonstances pour son cheval, pour son père, pour son hôte.

15. Le cheva, comme l'homme, ne s'instruit vite et bien que dans le premier âge. La jeune branche se redresse sans grand travail, mais le gros bois ne se redresse jamais.

16. Fais manger le poulain d'un an, il ne se fera pas d'entorse. Monte-le de deux à trois, jusqu'à ce qu'il soit soumis. Nourrisle bien de trois à quatre, remonte-le ensuite. Et s'il ne convient pas, vends-le sans balancer.

17. Si tu veux un cheval des jours noirs, un cheval de la vérité pour les jours de poudre, rends ton cheval sobre.

18. Ne battez pas vos chevaux, ne leur parlez qu'à voix basse et sans emportement, faites-leur des remontrances et ils éviteront les fautes qui les ont provoqués, car ils comprennent la colère de l'homme.

19. Celui qui commet une incongruité sur le dos de son cheval, n'est pas digne de le posséder. Il en sera puni, son cheval se blessera.

20. Quand tu as une longue course à faire, ménage ton cheval par des interruptions au pas qui lui permettent de reprendre haleine. Continue jusqu'à ce qu'il ait sué et séché trois fois, laisse-le uriner, resangle-le et demande-lui ensuite ce que tu voudras, il ne te laissera jamais dans l'embarras.

21. Si tu poursuis un ennemi et qu'il commette la faute de pousser son cheval, modère le tien et tu es sûr d'atteindre le fuyard.

22. Si tu as mis ton cheval au galop et que d'autres cavaliers te suivent, calme-le, ne l'excite pas, il s'animera assez de luimême.

23. Dans un cas de vie et de mort, sens-tu ton cheval près de manquer d'haleine, ôtelui la bride, ne fut-ce qu'un instant, et donne-lui sur la croupe un coup d'éperon assez fort pour amener du sang, il urinera et pourra peut-être te sauver.

24. Ne faites pas courir vos chevaux en montant ou en descendant, à moins que vous n'y soyez forcés. Vous devez, au contraire, ralentir le pas.

25. Est-on devenu cavalier d'été, il faut devenir cavalier d'hiver. Est-on devenu cavalier du talon, il faut devenir cavalier du fusil. Le cavalier parfait est celui qui réunit toutes ces qualités.

26. Faites travailler vos chevaux et faitesles travailler encore. L'écueil du cheval, ainsi que la cause principale de ses vices et de ses maladies. sont l'inaction et la graisse.

27. Tout cheval endurci porte honheur. CHEVAL (Prov.). Pour exprimer qu'il n'est point d'homme infaillible, un proverbe dit: Il n'y a si bon cheval qui ne bronche; ou bien, dans le même sens: Il n'y a si

bon cocher qui ne verse. On applique aussi ce dicton à un gourmand : Il se tient mieux à table qu'à cheval.

CHEVAL DE BRONZE (Dicton). Anciennement on appelait courtisans du cheval de bronze les filous qui avaient l'habitude de roder sur le Pont-Neuf, où se trouvait, comme aujourd'hui, une statue équestre de Henri IV.

CHEVAL DE PACOLET (Dicton). Dans le roman qui a pour titre : Valentin et Orson, et qui se trouve dans la Bibliothèque bleue, il est question d'un cheval de bois que montait Pacolet, lequel cheval, enchanté, pouvait, en peu d'instants, transporter son cavalier à mille lieues. De là est venu ce dicton: Il faudrait avoir le cheval de Pacolet, pour exprimer que sans cela il n'est pas possible de parcourir, dans un bref délai, telle ou telle grande distance.

CHEVAUX (Dicton). Au moyen âge c'était la coutume, chez les chevaliers, de faire conduire avec eux, par des écuyers, des chevaux robustes et d'une taille élevée, qu'ils ne montaient qu'au moment du combat. On désignait ces chevaux par le nom de grands chevaux, et de là le dicton: Monté sur ses grands chevaux, en parlant d'une personne très-irritée ou peu disposée à la bienveil

lance.

CHEVECHE (Prov.). Nom que l'on donnait autrefois à la chouette, oiseau qu'alors on chassait au moyen de gluaux placés sur des branches dépouillées de feuilles. Cette coutume a donné naissance à ce proverbe : La chevèche est engluée, pour dire que des voleurs sont pris au piége.

CHEVRE (Prov.). Pour exprimer a résignation qu'imposent certaines situations, on dit proverbialement: Où la chèvre est attachée, il faut qu'elle broute.

chèvre avec le chou, celui-ci sera mangé par l'autre; s'il emporte le chou, le loup étranglera la chèvre; et s'il commence par emmener la chèvre, même danger ensuite sur l'autre bord. Cependant, après une mûre réflexion, il concilia ainsi les choses: il transporta d'abord la chèvre sur l'autre rive et laissa le loup avec le chou; au second voyage, il prit le chou, et après l'avoir déposé auprès de la chèvre, il ramena celle-ci qui, laissé auprès du chou une deuxième au point de départ; puis il passa le loup fois, n'y toucha pas davantage que la prequi, par ce moyen, se trouva ménagée par mière; et enfin il vint reprendre la chèvre le loup, comme le chou l'avait été par elle.

CHIEN (Prov.). On dit d'un avare qui travaille sans relâche et se refuse toutes choses: Faire bras de fer, ventre de fourmi, âme de chien. On emploie aussi cet autre proverbe périence: Il n'est chasse que de vieux chiens, pour exprimer les avantages que donne l'exlequel proverbe a quelque analogie avec tulo cane latrante: « Les vieux chiens n'acelui que cite Erasme: Prospectandum veboient guère sans raison. >>

CHIEN DE JEAN DE NIVELLE (Prov.). Jean II, baron de Montmorency, ayant épousé Jeanne de Fosseux, baronne de Nivelle, de Fosseux et autres lieux, en Flandre, en avait eu deux fils: Jean, seigneur de Nivelle, et Louis, baron de Fosseux. Après la mort de Jeanne, son mari se remaria à Marguerite d'Orgemont, dont il eut Guillaume, héritier des biens de Montmorency, et dont descendit le connétable. Jean et Louis, ne pouvant vivre avec leur bellemère, se retirèrent en Artois et en Flandre, où ils fondèrent deux branches de la maison de Montmorency, et s'attachèrent ensuite. au duc de Bourgogne, comte de Flandre, contre le roi de France. Leur père les somma alors, à son de trompe, de revenir. N'ayant

déshérita. La sommation faite à Jean de Nivelle, et son refus de comparaître, donnèrent naissance, suivant le Père Anselme, et Désormeaux, historien de la maison de Montmorency, au proverbe si connu : C'est comme le chien de Jean de Nivelle, qui fuit quand on l'appelle.

Il y avait jadis, dans le village de Bréti-point comparu, il les traita de chiens et les gny, un habitant nommé Chèvre, dont l'humeur était très-joviale et qui était propriétaire de la plus grande partie du vignoble de l'endroit. Il aimait à goûter son vin, et lorsque quelques petits coups s'étaient succédés, il faisait danser sa femme et ses enfants. même à défaut de ceux-ci les chèvres de son troupeau. Cette gaieté était connue de toute la contrée, et quand on parlait du vin de Brétigny, on ajoutait toujours qu'il était propre à faire danser les chèvres.

CHEVRE ET CHOU (Prov.). On dit communément des gens qui cherchent à se maintenir entre deux opinions, deux partis, qu'ils veulent ménager la chèvre et le chou. Cet adage vient, dit-on, d'une sorte de problème qu'on propose aux écoliers, et que voici : Un homme, qui portait un chou sous son bras et qui était suivi d'une chèvre et d'un loup, arriva au bord d'une rivière où se trouvait un bateau pour la traverser; mais ce bateau était si petit, que l'homme ne pouvait passer avec fui qu'un objet à la fois. Grand embarras alors; car s'il laisse la

CHIEN DU JARDINIER (Prov.). On applique le proverbe suivant à ceux qui, se se refusant la jouissance d'une chose, ne veulent pas non plus que d'autres en disposent: Il est comme le chien du jardinier, qui ne mange point de choux et n'en laisse pas manger aux autres.

CHIEN ET LOUP (Dicton.). Pour désigner l'instant de la journée où il ne fait plus précisément jour, mais où il ne fait pas non plus précisément nuit, on dit : Entre chien et loup. Les Latins avaient le même dicton : Inter canem et lupum.

CHOSES. 1. Les grandes choses élèvent le courage aux uns, et l'abattent aux autres. 2. On juge qu'un homme est capable de

grandes choses par l'attention qu'il apporte aux plus petites. (TACITE.)

La manière dont on regarde les choses les rend agréables ou désagréables. Il y a du bon et du mauvais partout; un bon et un mauvais côté; l'habileté consiste à le trouver. C'est ce qui fait qu'il est des gens qui sont toujours contents, et d'autres toujours mécontents. (DE VERNAGE.)

Si l'on répare aisément les accidents de la fortune, on lutte au contraire sans succès contre ceux qui naissent de la nature des choses. (MONTESQUIEU.)

CHOSES (DU PRIX DES). Dans quelle proportion estimons ou prisons-nous les choses? Dans celle de leur utilité combinée avec leur rareté, et cette façon de les considérer est ce qui distingue l'estime que nous faisons des personnes d'avec le prix des choses. Cette distinction est si sûre, que nous n'estimons les personnes par leur rareté, qu'en les considérant comme choses. Telle est, par exemple, l'estime que nous avons pour les talents, dont nous faisons alors abstraction d'avec la personne.

Il faut encore observer à l'égard des choses, comme on le fait à l'égard des personnes, que le plaisir, soit réel, soit de convention, que ces choses peuvent nous faire en flattant nos sens on notre amourpropre, se rapporte à leur utilité, mais de quelque nature que soit cette utilité, c'est toujours avec la rareté qu'elle se combine pour le prix que nous y mettons. Ajoutons que l'utilité se mesure encore par son étendue; de façon que de deux choses dont l'utilité et la rareté sont égales, l'utilité qui est commune à un plus grand nombre d'hommes mérite le plus d'estime; et ces trois mobiles du prix que nous mettons aux choses, l'utilité, l'étendue de cette utilité, et la rareté, se combinent à l'infini, et toujours par les mêmes lois.

Eclaircissons ces principes par des exemples. Les choses de première nécessité, telles que le pain et l'eau, ne peuvent pas être rares, sans quoi elles ne seraient pas nécessaires; n'étant pas rares, elles ne peuvent attirer notre estime; mais si par malheur elles, cessent pour un temps d'être communes, quel prix n'y mettons-nous pas ? Ce principe fait la règle du commerce.

Comment décidons-nous du prix de toutes les choses matérielles? Par la même loi. Nous prisons beaucoup un diamant, en quoi consiste son utilité? dans son éclat, dans le léger plaisir de la parure, et surtout dans la vanité frivole qui résulte de l'opinion d'opulence et de ses effets. Mais d'un autre côté sa rareté est de la première classe, et ses degrés compensent ou surpassent ceux que d'autres choses auraient du côté de lutilité. D'ailleurs sous un autre aspect l'utilité en est très-grande, puisqu'il est dans la classe des richesses qui sont représentatives de toutes les utilités matérielles.

Passons aux talents; par où les prisonsnous? Par la combinaison de leur utilité, '

soit pour les commodités, soit pour les plaisirs, par le nombre de ceux qui en jouissent,et la rareté des hommes qui les exercnet.

Les arts ou métiers de première nécessité sont peu estimés, parce que tout le monde est en état de les exercer, et qu'ils sont abandonnés à la partie de la société malheureusement la plus méprisée. On n'a pas pour les laboureurs l'estime, que la reconnais sance, la compassion, l'humanité devraient inspirer. Mais en supposant par impossible, qu'il n'y eût à la fois qu'un homme capable de procurer les moissons, on en ferait un dieu, et la vénération ne diminuerait que lorsqu'il aurait communiqué ses lumières, et qu'il aurait acquis par là plus de droit à la reconnaissance. On pourrait après sa mort rendre à sa mémoire ce qu'on aurait ravi à sa personne. C'est peut-être ce qui a procuré les honneurs divins à certains inventeurs; il y a eu plusieurs divinités dans le paganisme qui n'ont pas eu d'autre origine.

A l'égard des arts de pur agrément, et dont toute l'utilité consiste dans les plaisirs qu'ils procurent, dans quel ordre d'estime les rangeons-nous n'est-ce pas suivant les degrés de plaisir et le nombre des hommes qui peuvent en jouir?

Il n'y a point d'art où les hommes en général soient plus sensibles qu'à la musique; et le plaisir qu'elle leur fait dépendant de l'exécution, il semble qu'ils devraient préférer ceux qui exécutent les pièces à ceux qui les composent; mais d'un autre côté les compositeurs sont les plus rares, et leur utilité est plus étendue. Leurs compositions peuvent se transporter partout, et y être exécutées; au lieu que le talent de l'exécu tion, quelque supérieur qu'il puisse être, se trouve borné au plaisir de peu de personnes, du moins en comparaison du compositeur.

La rareté d'une chose sans aucune espèce d'utilité, ne peut mériter d'estime. Celui qui lançait des grains de millet au travers d'une aiguille, était vraisemblablement unique, mais cette adresse n'était d'aucune utilité; la curiosité qu'il pouvait exciter n'était pas même une curiosité de plaisir. Il y a des choses qu'on veut voir, non par le plaisir qu'elles font, mais pour savoir si elles sont.

Pourquoi les ouvrages d'esprit, en faisant abstraction de leur utilité principale, méritent-ils plus d'estime, et font-ils plus de réputation que des talents plus rares? C'est par l'avantage qu'ils ont de se répandre, et d'être partout également goûtés par ceux qui sont capables de les sentir. Corneille n'est peut-être pas un homme plus rare que Lully; cependant leurs noms ne sont pas sur la même ligne, parce qu'il y a un plus grand nombre d hommes à portée de jouir des ouvrages de Corneille que de ceux de Lully, et que le plaisir qui naît des Ouvrages d'esprit, développant celui des lecteurs, en leur touchant le cœur, flatte le sentiment et l'amour-propre, et doit en plus

d'occasions, l'emporter sur le plaisir des sens que les talents nous causent.

Ce n'est pas que, dans nos jugements, nous fassions une analyse si exacte, et une comparaison si géométrique; une justice naturelle nous les inspire, et l'examen réfléchi les confirme.

Qu'on parcoure les sciences et les arts avec cet examen réfléchi, on verra que l'estime qu'on en fait part toujours des mêmes principes, qui s'étendent jusque sur la politique et la science du gouvernement.

On a recherché bien des fois quel était le meilleur les uns se déterminent pour l'un ou pour l'autre par leur goût particulier; d'autres jugent que la forme du gouverne ment doit dépendre du local et du caractère des peuples. Cela peut être vrai; mais quelque forme que l'on préfère, il y a toujours une première règle prise de l'utilité étendue. Le meilleur des gouvernements n'est pas celui qui fait les hommes les plus heureux, mais celui qui fait le plus grand nombre d'heureux. Combien faut-il faire de malheureux pour fournir les matériaux de ce qui fait où devrait faire le bonheur de quelques particuliers qui même ne savent pas en jouir?

Ceux à qui le sort des hommes est confié doivent toujours ramener leurs calculs à la

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Ce n'est pas que les passions mêmes ne calculent, et quelquefois finement; mais elles n'évaluent pas tous les temps qui devraient entrer dans le calcul, et de là naissent toutes leurs erreurs : je m'explique.

La sagesse de la conduite dépend de l'expérience, de la prévoyance et du jugement des circonstances présentes: on uoit donc faire attention au passé, au présent et à l'avenir, et les passions n'envisagent qu'un de ces objets à la fois, le présent ou l'avenir, et jamais le passé. Quelques exemples rendront cette vérité sensible.

L'amour ne s'occupe que du présent; il cherche le plaisir actuel, oublie les maux passés, et n'en prévoit point pour l'avenir. La colère, la haine et la vengeance qui en est la suite, jugent comme l'amour. Ces passions prennent toujours le meilleur parti possible pour leur bonheur présent; l'aveBir seul fait leur malheur; l'ambition au contraire n'envisage que l'avenir; ce qui était le terme, dans son espérance, n'est plus qu'un moyen pour elle, dès qu'il est arrivé.

L'avarice juge comme l'ambition, avec cette différence, que l'une est agitée par l'espérance et l'autre par la crainte. L'ambitieux espère de proche en proche parvenir à tout; l'avare craint de tout perdre ni l'un ni l'autre ne savent jouir.

L'avarice n'est, comme les autres pas

DICTIONN. IE LA SAGESSE POPULAIRE,

sions, qu'un redoublement de l'amour de soi-même; mais elle agit toujours avec timidité et défiance. L'avare, craignant tous les maux, désire ardemment les richesses qu'il regarde comme l'échange de tous les biens. Il n'est cependant pas aussi dur à lui-même qu'on le suppose; il calcule très-finement, conclut assez juste d'après un faux principe, et trouve bien des jouissances dans ses privations. Il n'y a rien dont il ne se prive dans l'espérance de jouir de tout. Dans le temps qu'il se refuse un plaisir, il jouit confusément de tous ceux qu'il sent qu'il peut se procurer. Les vraies privations sont les privations forcées; celles de l'avare sont volontaires. L'avarice est la plus vile, mais non pas la plus malheureuse des passions.

On ne saurait trop s'attacher à corriger ou régler les passions qui rendent les hommes malheureux sans les avilir, et l'on doit rendre de plus en plus odieuses celles qui, sans les rendre malheureux, les avilissent et nuisent à la société qui doit être le premier objet de notre attachement.

(DUCLOS.)

CHOU (Dicton). Pour exprimer que deux choses, en les comparant, sont égales entre elles, on faisait usage autrefois de ce proverbe Chou pour chou, Aubervilliers vaut bien Paris. Aubervilliers n'est qu'un village, mais comme son territoire etait entièrement planté de choux, on considérait que, sous ce rapport, il valait bien Paris. On raconte qu'en 1578, pendant un bal que Catherine de Médicis donnait à Henri IV, le prince fut informé que le gouverneur de La Réole avait livré la place aux catholiques. Henri partit secrètement dans la nuit avec un petit corps de troupes, et, arrivant à Fleurance dans le moment qu'on en ouvrait les portes, il s'en empara. Catherine, qui croyait que le prince avait couché à Auch, fut bien surprise en apprenant cette nouvelle; mais elle en rit la première en disant : « Je vois bien que c'est la revanche de La Réole le roi de Navarre a voulu faire chou pour chou, mais le mien est mieux pommé. »

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On dit aussi d'un homme en place que l'on révoque, qu'on l'envoie planter ses choux. On croit que ce fut Dioclétien qui donna naissance à ce proverbe. S'étant retiré à la campagne, après son abdication, il s'y livrait entièrement à la culture de son jardin, et c'est au milieu de cette occupation que le trouvèrent des députés qui venaient l'engager à reprendre la couronne. I leur répondit alors, en leur montrant des choux d'une magnifique apparence : « Voilà mes nouveaux sujets; ils répondent à mes soins, ils ne sont jamais indociles; je ne veux pas les échanger contre d'autres. « On cite, à propos du dicton, la répartie suivante. En 1761, époque à laquelle les comtes de Fougères et de la Luzerne, lieutenantsgénéraux, commandaient la maison du roi, un garde du corps, qui voulait se retirer dans sa province, vint leur apporter sa démission et demander son congé. « Eh!

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quoi, Monsieur, lui dirent ces généraux d'un ton goguenard, vous quittez le service du roi pour aller planter vos choux ? Oui. Messieurs, répondit le garde, piqué du ton de ces officiers; je vais bêcher mon jardin, et je le soignerai de manière à ce qu'il n'y vienne jamais ni luzerne ni fougère. »

Aller à travers choux, c'est agir avec légèreté, en étourdi, dans les affaires. Faire valoir ses choux, c'est se priser soi-meme plus que de raison, comme ont_coutume de le faire les poëtes, par exemple. Faire des choux et des raves d'une chose, c'est en disposer à sa volonté. Enfin, lorsque dans un cas quelconque on ne possède qu'une partie de ce qui est nécessaire pour mener à bien une entreprise, on dit trivialement Ce n'est pas le tout que des choux, il faut de la graisse avec.

CHRISTINE DE SUÈDE. Cette princesse. fille de Gustave-Adolphe et de Marie-Eléonore de Brandeboug, fut encouragée dans l'étude des lettres dès ses plus jeunes ans, par le savant Oxenstiern; mais son règne fut déplorable, car les trésors de l'Etat furent prodigués au luxe et aux intrigants. Pour comble de disgrâce, Christine devint femme bel esprit, et entretint des rapports intimes avec Descartes, Grotius, Saumaise, Bochart, Huet, Chevreau, Naudé, Vossius, Ménage, etc.; ces rapports, loin de contribuer à rendre ses sujets heureux, lui firent négliger ses devoirs de souveraine; ils lui donnèrent beaucoup d'orgueil, mais point de sagesse. Enfin, il lui vint la fantaisie, en 1654, et alors qu'elle se trouvait âgée de 29 ans, de déposer sa couronne; et, en quittant sa patrie pour aller courir le monde, elle prit cette devise: Fata viam invenient : «<les destins me traceront la route. » Elle traversa d'abord le Danemark et l'Allemagne, s'arrêta à Bruxelles, puis alla faire, à Inspruck, une abjuration solennelle du protestantisme, pour embrasser la religion catholique, et se rendit ensuite à Rome, où elle recut la confirmation du pape Alexandre VI. Elle se montra en France une première fois, en 1656, et y fut reçue avec les honneurs accordés aux souverains. Durant un certain temps, elle se livra à de sérieuses et pieuses méditations dont nous faisons connaitre ci-après le fruit; mais malheureusement cette princesse n'eut point la force de persévérer à se diriger sur la voie que lui enseignaient les saintes doctrines, et les fautes les plus graves vinrent ternir sa renommée. Nous avons extrait les naximes que nous reproduisons des manuscrits autographes de la reine Christine, déposés à la bibliothèque de l'Ecole de médecine de Montpellier.

} 1. Tout ce qu'on peut dire de plus digne de Dieu, c'est qu'il est ineffable et incompréhensible. On ne l'adore convenablement que par le silence et l'admiration.

2. Une créature raisonnable ne peut rien faire de plus juste que de se résigner entièrement et sans réserve, pour la vie et pour la mort, pour le temps et pour l'éter

nité, à la souveraine disposition de Dieu, qui dispose de toutes les créatures avec tant de justice et de bonté.

3. Il ne faut croire de Dieu et de toutes choses que ce qu'il en sait et ce qu'il en veut : c'est l'unique moyen de n'être jamais trompé.

4. Dieu n'explique ses volontés aux hommes que par son unique oracle, qui est l'Eglise romaine, hors de laquelle il ne peut y avoir de salut. Il faut se soumettre aveuglément à tous ses décrets.

5. Il était de la providence de Dieu, qui a pourvu avec tant de sagesse et de bonté à nos autres nécessités, d'ouvrir cette école de vérité aux hommes, afin qu'ils n'ignorassent pas de quelle manière ils doivent le servir et l'honorer.

6. En demandant pardon à Dieu de nos fautes, nous devrions le remercier aussi de toutes celles que nous n'avons pas commises, connaissant que c'est par sa pure bonté qu'il nous en a préservés, et non par notre volonté ni notre vertu.

7. Le néant et le péché sont le partage de l'homme tout le reste est de Dieu. La gloire lui en soit donnée dans le temps et l'éternité.

8. Nous sommes faits pour aimer, admirer el adorer Dieu; et de plus nous ne sommes nés que pour nous occuper éternellement de lui en cette glorieuse manière. Quel bonheur et qu'il est peu connu !

9. En ce monde, il ne faut rien aimer ni rien craindre que Dieu.

10. La vertu qui n'a pas Dieu pour son unique but, n'est pas vertu, mais pure vanité.

11. Notre gloire et notre félicité ne dépendent que de Dieu.

12. Qu'on examine son cœur, on trouvera que rien n'est capable de le remplir ni de le consoler que Dieu.

13. Il faut être bien persuadé que la vertu vaut mieux que la fortune.

14. Il n'y a pas de fortune, quelle que grande qu'elle puisse être, ou quelle qu'éclatante qu'elle soit, qui mérite qu'on l'achète au prix d'une méchante action.

15. Si les hommes étaient bien pénétrés de ces grands principes, ils feraient des merveilles en peu de temps. Mais, au lieu de cela, ils se rei plissent l'esprit de vanités, de chimères; et cependant la vie passe comme un torrent qui roule toujours et ne s'arrête jamais.

16. Tout ce qui finit ne mérite ni l'amour ni l'estime de la créature raisonnable.

17. La vie serait peu de chose et la mort ne serait rien, si l'âme n'était immortelle.

18. La nature, qui est si sage, a pourvu libéralement à tous nos besoins, et nous avons à peu de frais tout ce qu'il nous faut.

19. Ce ne sont que les besoins de notre état qui nous rendent pauvres on peut régler ses désirs, mais on ne saurait régler ses nécessités.

20. Il ne faut envier ni le mérite, ni la

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