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affiche. C'est un art qui demande de la culture; c'est une espèce de profession, et qui par là expose à l'envie et au ridicule.

62. Il y a loin de l'esprit au bon esprit, au bel esprit. Le même mot dans toutes les langues peut donner des idées différentes, parce que tout est métaphore, sans que le vulgaire s'en aperçoive.

63. Ce qu'on appelle esprit, est tantôt une comparaison nouvelle, tantôt une allusion fine; ici l'abus d'un mot qu'on présente dans un sens, et qu'on laisse entendre dans un autre; là un rapport délicat entre deux idées peu communes; c'est une métaphore singulière, c'est une recherche de ce qu'un objet ne présente pas d'abord, mais de ce qui est en effet dans lui; c'est l'art, ou de réunir deux choses éloignées, ou de diviser deux choses qui paraissent se joindre, ou de les opposer l'une à l'autre ; c'est celui de ne dire qu'à moitié sa pensée pour la laisser deviner.

64. Qui ne peut briller par une pensée, veut se faire remarquer par un mot. 65. La plupart des bons mots sont des redites.

66. Le goût peut se gâter chez une nation. Ce malheur arrive d'ordinaire après les siècles de perfection. Les artistes craignant d'être imitateurs, cherchent des routes écartées. Ils s'éloignent de la belle nature que leurs prédécesseurs ont saisie. Il y a du mérite dans leurs efforts : ce mérite couvre leurs défauts.

67. Il y a des âmes froides, des esprits faux qu'on ne peut ni échauffer, ni redresser: c'est avec eux qu'il ne faut point disputer des goûts, parce qu'ils n'en ont point.

68. Le style fleuri ne messied pas dans les narangues publiques, qui ne sont que des compliments. Les beautés légères sont à leur place, quand on n'a rien de solide à dire; mais le style fleuri doit être banni d'un plaidoyer, d'un sermon, de tout livre instructif.

69. L'auteur qui n'est froid que parce qu'il est vif à contre-temps, peut corriger ce défaut d'une imagination trop abondante. Mais celui qui est froid parce qu'il manque d'âme, n'a pas de quoi se corriger. On peut modérer son feu: on ne saurait en acquérir.

69. On tolère dans une lettre l'irrégularité, la licence du style, l'incorrection, les plaisanteries hasardées, parce que des dettres écrites sans dessein et sans art sont des entretiens négligés. Mais quand on parle, ou quand on écrit avec respect, on s'astreint alors à la bienséance. Or je demande à qui on doit plus de respect qu'au public?

70. Les sentiments vigoureux de l'âme passent toujours dans le langage, et qui pense fortement, parle de même.

71. La nature rend tous les hommes éloquents dans les grands intérêts et dans les grandes passions. Quiconque est vivement ému, voit les choses d'un autre ail que les autres homines. Tout est pour lui objet de comparaison rapide et de métaphore: sans qu'il y prenne garde il anime tout, et fait

passer dans ceux qui l'écoutent une partie de son enthousiasme.

72. Tous les hommes ont à peu près les mêmes idées, quand il s'agit de faire parler les passions; mais la façon de les exprimer distingue l'homme d'esprit de celui qui n'en a point, l'homme de génie d'avec celui qui n'a que de l'esprit, et le poëte d'avec celui qui veut l'être.

73. Les grands talents sont toujours nécessairement rares, surtout quand le goût et l'esprit d'une nation sont formés. Il en est alors des esprits cultivés comme de ces forêts où les arbres pressés et élevés ne souffrent pas qu'aucun porte sa tête trop au-dessus des autres.

74. Les nations réussissent toujours dans les choses qui leur sont absolument nécessaires.

75. La faveur prodiguée aux mauvais ouvrages est aussi contraire aux progrès de l'esprit, que le déchainement contre les bons.

76. Il n'appartient qu'à l'ignorance et à la présomption qui en est la suite, de dire qu'il n'y a rien à imiter dans les anciens. Il n'y a point de beautés dont on ne trouve chez eux les semences.

77. On ne doit pas écrire ce que tous les rois ont fait, mais seulement ce qu'ils ont fait digne de la postérité.

78. On est souvent réduit à douter: c'est le parti qu'il faut prendre en histoire comme en philosophie.

79. Les historiens qui croient qu'on peut prédire l'avenir, sont bien indignes d'écrire le passé.

80. Les mœurs des hommes, l'esprit de parti se connaissent à la manière d'écrire l'histoire.

81. Il faut n'être d'aucun pays, et dépouil ler tout esprit de parti, quand on écrit Thistoire.

82. Le puéril ne doit pas être cité. L'absurde ne peut être cru.

83. Les détails domestiques amusent la curiosité; les faiblesses qu'on met au grand jour ne plaisent qu'à la malignité, à moins que ces mêmes faiblesses n'instruisent, ou par les malheurs qui les ont suivies, ou par les vertus qui les ont réparées.

84. Toute vérité publique, importante, utile, doit être dite sans doute. Mais s'il y a quelque anecdote odieuse sur un prince, si dans l'intérieur de son domestique il s'est livré, comme tant de particuliers, à des faiblesses de l'humanité, connues peut-être d'un ou de deux confidents, qui vous a chargé de révéler au public ce que ces deux confidents ne devaient révéler à personne? Vous n'êtes qu'un satyrique, qu'un faiseur de libelles, qui vendez des médisances, et non pas un historien.

85. L'historien qui, pour plaire à une famille puissante, loue un tyran, est un lâche. Celui qui veut flétrir la mémoire d'un bon prince, est un monstre ; et le romancier qui donne ses imaginations pour la vérité, est méprisable.

86. Je ne crois pas qu'il soit permis à l'histoire de parler des vivants: elle doit imiter les jugements de l'Egypte, qui ne décidaient du mérite des citoyens que lorsqu'ils n'étaient plus. Les portraits des hommes publics sont toujours dans un faux jour pendant leur vie.

87. Malheur aux détails, la postérité les néglige c'est une vermine qui tue les grands ouvrages. Ce qui caractérise le siècle, ce qui a causé des révolutions, ce qui sera important dans cent années, c'est là tout ce qu'il faut écrire 'aujourd'hui.

88. La vie est trop courte, le temps trop précieux, pour dire des choses inutiles.

89. Les erreurs historiques séduisent des nations entières.

90. C'est dans le choix des monuments que consiste le plus grand travail. Il n'y a que trop de matériaux à examiner, à employer et å rejeter.

91. Les arts se tiennent tous comme par la main, et d'ordinaire ils périssent et renaissent ensemble.

92. Tout peuple qui n'a point cultivé les arts, doit être condamné à vivre inconnu.

93. Dans tous les arts il y a un terme, par delà lequel on ne peut plus avancer. On est resserré dans les bornes de son talent, on voit la perfection au delà de soi, et l'on fait des efforts impuissants pour y atteindre.

94. Il est très-difficile de faire de beaux tableaux, de belles statues, de bonne musique, de bons vers. Aussi les noms de ces hommes supérieurs qui ont vaincu ces obstacles, dureront-ils beaucoup plus peutêtre que les royaumes où ils sont nés.

95. L'or est confondu avec la boue pendant la vie des artistes, et la mort les sépare.

96. Les détails et les ressorts de la politique tombent dans l'oubli. Les bonnes lois, les instituts, les monuments produits par les sciences subsistent à jamais.

97. Ceux qui aiment les arts sont tous concitoyens. Les honnêtes gens qui pensent, ont à peu près les mêmes principes, et ne composent qu'une république.

98. Dans les arts qui dépendent purement de l'imagination, il y a autant de révolutions que dans les Etats: ils changent en mille manières, tandis qu'on cherche à les fixer.

99. Le défaut de la plupart des livres est d'être trop longs. Si on avait la raison pour soi, on serait court.

100. Il y a souvent des défauts dans un ouvrage, qu'on est obligé de laisser malgré soi, et il y a peut-être autant d'honneur à avouer ses fautes qu'à les corriger.

101. Le succès d'un ouvrage est presque toujours dans le choix du sujet.

102. Il faut aimer les lettres malgré l'abus qu'on en fait, comme il faut aimer la société, dont tant d'hommes méchants corrompent les douceurs; comme il faut aimer sa patrie, quelques injustices qu'on y essuie.

103. Le bon goût est pour nous en litté

rature, ce qu'il est pour les femmes en ajus

tements.

104. Un homme qui n'est attaqué que dans ses écrits, ne doit jamais répondre aux critiques; car si elles sont bonnes, il n'a d'autre chose à faire qu'à se corriger; et si elles sont mauvaises, elles meurent en naissant.

105. Les gens de lettre font grand bruit de toutes leurs petites querelles; le reste du monde, ou les ignore, ou en rit.

106. Réfuter les critiques est un vain amour-propre; confondre la calomnie est un devoir.

107. Il est bon de relever les méprises. qui se trouvent dans un livre utile: ce n'est même que là qu'il les faut chercher. C'est respecter un bon ouvrage que de le contre dire: les autres ne méritent pas cet hon

neur.

108. On est parvenu à faire un trafic public d'éloges et de censures, surtout dans les feuilles périodiques, et la littérature a éprouvé le plus grand avilissement par cet infâme manége.

109. Il est bien aisé de rapporter en prose les sottises d'un poëte; mais très-difficile de traduire ses beaux vers.

110. Il en est des écrits comme des hommes. Les caractères sérieux sont les plus estimés; et celui qui domine son imagination, est supérieur à celui qui s'y abandonne. Il est plus aisé de peindre des ogres et des géants que des héros, et d'outrer la nature que de la suivre.

111. La carrière des lettres, et surtout celle du génie, est plus épineuse que celle de la fortune. Est-on médiocre? voilà des remords pour la vie. Réussit-on? voilà des ennemis. On marche seul sur le bord de l'abîme, entre le mépris et la haine.

112. On peut supposer avec raison qu'un auteur qui ne sait, ou qui ne peut s'arrêter, n'est pas propre à fournir une grande carrière.

113. Où en seraient les lettres et les études en tout genre, si on ne pouvait être d'un sentiment opposé à celui d'un homme qui a su se procurer quelque crédit?

114. Il se forme autant d'intrigues pour faire valoir ou pour détruire un livre dont souvent personne ne se soucic, que pour obtenir un poste important.

115. On ne peut empêcher les barbouilleurs de papier d'écrire des sottises, les libraires de les vendre, et les laquais de les lire.

116. Les vrais amateurs des arts sont amis.

117. On a tant répété qu'on doit écrire du ton de la bonne compagnie, que les auteurs les plus sérieux sont devenus plaisants; et pour être de bonne compagnie avec leurs lecteurs, ils ont dit des choses de très-mauvaise compagnie.

118. La plaisanterie n'est jamais bonne dans le genre sérieux, parce qu'elle ne porte jamais que sur un des côtés des objets qui n'est pas celui que l'on considère : elle roule presque toujours sur des rapports faux, sur

des équivoques; de là vient que les plaisants de profession ont presque tous l'esprit faux autant que superficiel.

119. La plaisanterie expliquée cesse d'être plaisanterie; et un commentateur de bons mots n'est guère capable d'en dire.

120. Il en est des livres comme du feu de nos foyers: on va prendre ce feu chez son voisin, on l'allume chez soi, on le communique à d'autres, et il appartient à tous.

121. Il y a beaucoup de faussetés dans les histoires, d'erreurs chez les philosophes, de mensonges dans presque tous les écrits polémiques, et encore plus dans les satiriques.

122. La nécessité de parler, l'embarras de n'avoir rien à dire, sont deux choses capables de rendre ridicule, même le plus grand homme.

123. L'académie est l'objet secret des vœux de tous les gens de lettres. C'est une maîtresse contre laquelle ils font des chansons et des épigramines, jusqu'à ce qu'ils en aient obtenu des faveurs, et qu'ils négligent dès qu'ils en sont en possession.

124. C'est sur les imperfections des grands hommes qu'il faut attacher sa critique; car si le préjugé nous faisait admirer leurs fautes, bientôt nous les imiterions; et il se trouverait peut-être que nous n'aurions pris de ces célèbres écrivains que l'exemple de nual, faire.

125. Ce n'est pas payer ses dettes que de refuser de justes louanges: elles sont la récompense des gens de lettres. Et qui leur payera ce tribut, sinon nous, qui courant à peu près la même carrière, devons mieux connaître que d'autres la difficulté et le prix d'un bon ouvrage?

126. Qui loue tout n'est qu'un flatteur. Celui-ci seul sait louer, qui loue avec restriction.

127. Tous les honnêtes gens qui pensent, sont critiques; les malins sont satiriques; les pervers font des libelles.

128. C'est un grand inconvénient attaché au bel art de l'imprimerie, que cette facilité malheureuse de publier les impostures et les calomnies.

129. Il y a peu d'écrivains célèbres qui n'aient essuyé des disgrâces. Presque tous les poëtes qui ont réussi, ont été calomniés.

130. Quand un homme a eu le malheur d'être calomnié une fois, il est sûr de l'être toujours, jusqu'à ce que son innocence éclate, ou que la mode de le persécuter soit passée; car tout est mode, et on se lasse de tout à la fin, même de faire du mal.

131. On prétend qu'on est moins malheu reux, quand on ne l'est pas seul.

132. L'honneur a toujours fait de plus grandes choses que l'intérêt.

133. Il est difficile aux plus grands hommes, et même aux plus modestes, de se sauver des illusions de l'amour-propre.

134. Il n'y a guère que les âmes vertueuses de sensibles.

135. Ce qui est grand et seulement hardi

dans un temps, est petit et téméraire dans

un autre.

136. Les succès suffisent pour la réputation, mais non pas pour la gloire.

137. Personne n'ose convenir franchement des richesses de son siècle. Nous sommes comme les avares qui disent toujours que le temps est dur.

138. On ne s'attire l'attention que quand on est quelque chose par soi-même.

139. Tout bâtiment qui est réduit à des appuis étrangers, menace ruine.

140. On aime à attribuer toutes les grandes choses à un seul homme, quand il en a fait quelques-unes.

141. Ce n'est point la pauvreté qui est intolérable, c'est le mépris.

142. Un homme qui a tort, et qui veut déshonorer celui qui a raison, se déshonore soi-même.

143. Les hommes ne manquent pas de prétexte pour se nuire, quand ils n'en ont plus

de cause.

144. Les hommes réfléchissent peu; ils lisent avec négligence; ils jugent avec précipitation; et ils reçoivent les opinions comme on reçoit la monnaie, parce qu'elle est courante.

145. La politique est elle autre chose que l'art de mentir à propos ?

146. Les mêmes circonstances produisent les mêmes effets.

147. La mode entre jusque dans les cri

mes.

148. C'est mal connaître les hommes que de croire qu'il y a des sociétés qui se soutiennent par les mauvaises mœurs, et qui fassent une loi de l'impudicité.

149. Ce qui est le plus digne d'attention, ce qui doit l'emporter sur toutes ces coutumes introduites par le caprice, sur toutes ces lois abolies par le temps, sur les quegloire des arts qui ne passera jamais. relles des rois qui passent avec eux, c'est la

150. Les grands objets de l'ambition ne connaissent point la honte.

151. L'estime des hommes se mesure par les difficultés surmontées.

152. Il y a d'anciennes bornes qu'on ne remue pas sans de violentes secousses.

VOLUPTÉ. Dès que les voluptés se sont emparées de notre âme, elles lui font abjurer toute retenue, et la soumettenten esclaves aux appétits déréglés du corps.

2. Toute la nature est pleine de voluptés, dont elle ne cherche qu'à se débarrasser. (SOCRATE.)

Il n'y a pas de passion plus violente que la volupté! rien ne va au delà de la volupté ! Par bonheur, il n'y a qu'une seule passion de ce genre; car s'il y en avait deux, il n'y aurait pas un seul homme en tout l'univers qui pût suivre la vérité.

(Doctrine bouddhique.)

Si la douleur de tête nous venait avant l'ivresse, nous nous garderions de trop boire. Mais la volupté marche devant nous pour nous tromper et nous cache sa suite.

(MONTAIGNE.)

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