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GENÈVE, IMPRIMERIE CHARLES SCHUCHARDT

2-16-40 MFP

LES UNITÉS D'ARISTOTE

C'est en 1674 que Boileau imprimait ces vers fameux (Art poétique, III, 38-46):

« Que le lieu de la scène y soit fixe et marqué.
Un rimeur, sans péril, delà les Pyrénées,
Sur la scène en un jour renferme des années :
Là souvent le héros d'un spectacle grossier,
Enfant au premier acte est barbon au dernier.
Mais nous, que la raison à ses règles engage,
Nous voulons qu'avec art l'action se ménage :
Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli. »

L'Histoire de la Tragédie française par Adolphe Ébert (1856) et le Tableau de la Littérature française au XVIIe siècle avant Corneille et

Descartes, par Jacques Demogeot, ont retracé les origines de la théorie des unités en France. On sait assez aujourd'hui que cette théorie s'est formulée entre 1629 et 1636 sous l'inspiration de Chapelain et par les ordres du cardinal-poète.

Mais quel fut le passé de cette superstition littéraire chez les Italiens, les Espagnols et les Anglais pendant le seizième siècle ?

Fatigué des merveilles de Paris et de son exposition universelle, je me retirai, en octobre 1878, dans le silence de la Bibliothèque nationale de Paris pour satisfaire une bonne fois ma curiosité touchant la question que je viens de poser, et voici les résultats de mes recherches, complétées d'ailleurs par des études ultérieures.

I

Ab Jove principium. L'Italie, berceau de la Renaissance, devait sans doute la première songer à établir une poétique de la poésie vulgaire.

En effet, le savant Trissino, qui le premier sut charpenter une tragédie classique (Sofonisba, écrite aux environs de 1515), se trouve être le premier qui ait doté son pays d'une théorie de

l'art littéraire. Son livre, intitulé: La Poetica, Divisioni quattro, Vicenza 1529, fut augmentée en 1563 d'une cinquième et sixième divisions. C'est dans ce supplément de 1563 que se trouvent imprimés pour la première fois les chapitres sur la tragédie et la comédie. Gamba (Serie dei Testi di lingua, au numéro 1707) le dit formellement :

Dans les deux dernières divisions posthumes, il traita de l'essence même de la poésie: de l'épopée, de la tragédie et de la comédie'. »

Les œuvres de Trissino jouissaient au seizième siècle d'une grande autorité. Nous le savons par le témoignage de Torquato Tasso, qui dans ses Discorsi dell'arte poetica, Venetia 1587, fol. 89, parle ainsi des œuvres de notre auteur:

Je les estime beaucoup, parce que Trissino fut le premier qui nous donnât quelques lumières sur la manière suivie des Grecs, et qui enrichit notre langue de nobles compositions'.

»

Or, que nous dit Trissino sur les unités de la tragédie? Les chapitres de son livre consacrés au poème dramatique ne sont guère autre chose qu'une paraphrase quelquefois littérale de la poétique d'Aristote. Qu'on en juge par le passage même qui se rapporte à l'unité du temps. Aristote y compare la tragédie à l'épopée, en disant (Poét.

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