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vous venez de dire concernant la liberté paffons, fi vous le voulez bien, à ce qui regarde la juftification.

LE DOCTEUR.

Avant de vous expliquer cette matiere abftraite, je vous prie d'obferver qu'il y a trois principes de la doctrine catholique, que Luther n'entreprit point d'ébranler ; les voici :

1o. L'homme eft en état de grace ou en état de péché; il eft ami ou ennemi de Dieu.

2o. Il ne peut paffer de l'état du péché à celui de la grace, qu'en vertu des mérites de Jéfus-Chrift.

3°. Ce changement par lequel l'homme paffe de l'état de péché à l'état de grace, eft ce qu'on appelle juftification. Et cette juftification eft gratuite, c'eft-à-dire, fans qu'il la doive, aux difpofitions du pécheur pénitent, parce que de toutes les actions que nous pouvons faire avant que d'être juftifié, il n'y en a point qui mérite la grace de juftification, quoiqu'elles puiffent y difpofer quand elles ont la grace pour principe. Dieu accorde cette grace de juftification par un effet de fa miféricorde.

Sur ces trois points les proteftans & les catholiques font d'accord; mais ils ne le font pas fur ce qui regarde la nature

de la juftification & les difpofitions qu'il faut y apporter.

Luther & Calvin ont enfeigné que ce qui nous rend juftes n'eft point en nous; que notre juftice eft celle de Jéfus-Chrift même, qui nous eft imputée, & que nous fommes juftifiés fans qu'il fe faffe en nous aucun changement.

Quant aux difpofitions néceffaires pour être juftifiés, Luther & Calvin ne pouvoient guere en reconnoître, après avoir foutenu que l'homme n'étoit pas libre, & même qu'il péchoit dans toutes fes actions. Cependant ils ont dit que la foi étoit néceffaire pour que nous fuffions juftifiés; mais ils n'entendoient pas, comme l'entendent les catholiques, qu'elle eft une véritable difpofition; ils la regardoient feulement comme un inftrument par lequel nous recevons la juftification. Quoi qu'il en foit & en quelque fens qu'ils l'aient entendu, ils ont reconnu que la foi étoit néceffaire pour la juftification; mais en même tems ils ont contredit la doctrine de l'église catholique en deux points très-importans.

1°. Les catholiques ont toujours cru que la foi étoit néceffaire au pécheur pour qu'il rentrât en grace avec Dieu : mais qu'outre la foi, il falloit avoir d'autres difpofitions, telles que le regret fincere

don, &c. au lieu que Luther & Calvin ont enfeigné que la foi feule étoit fuffifante pour que nous fuffions juftifiés.

2o. Quand les catholiques difent que la foi eft une des difpofitions à la juftification, ils entendent par la foi ce qu'on entend fuivant le fens ordinaire de ce terme, c'eft-à-dire, la vertu furnaturelle qui nous fait croire tout ce que Dieu a révélé: au lieu que quand Luther & Calvin parlent de la foi néceffaire pour la juftification, par cette foi ils entendent la fimple perfuafion & croyance qu'on eft justifié.

Voici comment Luther s'exprime en différens endroits de fes ouvrages: On eft justifié, dit-il, dès qu'on croit avec certitude qu'on l'eft réellement. (a)

Le pécheur doit le croire de la même foi dont il croit que Jéfus - Chrift eft venu au monde. (b)

Il ajoute ailleurs: Maudit foit celui qui ne fe mettra pas du nombre des faints. Croyez, & dès-lors vous êtes auffi faint que S. Pierre.

Ainfi quand Luther dit que la foi juftifie, il entend que pour être juftifié, il fuffit de croire fermement qu'on l'eft.

Calvin adopta ce principe de Luther en ajoutant que pour être juftifié, il falloit

(2) Serm. de indulg

Luth. opera, tom. 1, prop. 15, 18.

croire

croire qu'on l'étoit, & croire en même tems qu'on feroit fauvé (a), & que qui conque croyoit qu'il étoit juftifié & qu'il feroit fauvé, non feulement étoit justifié, mais feroit certainement fauvé (b), d'où il concluoit que la juftice étoit inamiffible, c'eft-à-dire qu'un homme en état de grace, y étoit pour toujours & ne pouvoit en décheoir.

La foi

que Calvin appelle néceffaire & fuffifante pour la juftification, confifte donc à croire fermement qu'on eft justifié & qu'on fera fauvé. Il inféra cette doctrine dans l'accord qu'il dreffa en 1559, entre les églifes de Geneve & de Zurich. Elle eft exprimée dans la profeffion de foi, rédigée au fynode de Dordrect (c), ainfi que dans celle de Frederic III, comte palatin, & zélé calvinifte. On trouve fa profeffion de foi dans le recueil de Geneve (d), & on lit ce qui fuit:

Je crois que Dieu veut me donner gratuitement la justice de Jésus-Chrift, enforte que je n'ai point à appréhender les jugemens de

Dieu.

Je crois que je fuis un membre vivant & perpétuel de l'églife.

a) Calv. inft. lib. 3, cap. 2.

b) Antidotum concil. trid. lib. 6, cap. 13.

(c) Conf. Tigur. & Gen. opufcula Ĉalvini, pag. 7546 (d) 2 part. pag. 149 & 158.

Enfin je crois très-certainement que je ferai fauvé.

Voilà, Monfieur, ce que les fondateurs de la réforme ont enfeigné fur la justification. Vous en avoit-on parlé ?

LE PROTESTANT.

Je n'avois jamais entendu dire que Calvin & Luther euffent nié la liberté de l'homme. F'ignorois pareillement que Calvin eût foutenu que le jufte ne peut perdre la justice. Je vous avoue que ces deux principes me femblent également déraisonnables. Quant à l'inamiffibilité de la justice, il est évident que l'homme le plus vertueux peut tomber dans un péché grief, & alors il ceffe d'être jufte. Comment continueroit-il d'être aimé de Dieu après l'avoir ainfi outragé? David en commettant un adultere ne ceffa-t-il pas d'être jufte? Cette doctrine de Calvin me paroît d'ailleurs auff dangereufe pour les mœurs que contraire à la vérité."

Mais quant aux deux autres points que vous venez de m'expliquer, que la foi fuffit pour la juftification, & que la justice de l'homme n'eft pas la fienne, mais celle de Jésus-Chrift, je me rappelle d'en avoir entendu parler à nos miniftres. Comme ce font des chofes difficiles à entendre, je ne les avois jamais bien comprises, mais

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