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qu'elle y étoit autorisée par l'inftitution de Jésus-Chrift même; mais ceux qu'elle a condamnés ont prétendu lui enlever cette autorité, parce qu'ils ne vouloient pas fe foumettre à fon jugement, & ils ont foutenu que c'étoit l'écriture feule qui devoit

terminer ces conteftations.

Or je dis que cette prétention eft vifiblement fauffe: pourquoi? parce que l'écriture eft un livre, & que pour terminer de pareils débats, il faut des perfonnes, un tribunal, des juges qui écoutent les parties, qui examinent leurs moyens, qui prononcent enfuite un jugement, & obligent ceux qui difputoient à s'y foumettre.

Cette néceffité d'un juge qui écoute, qui réfléchiffe, qui prononce, eft encore ici plus frappante qu'en toute autre efpece. Non-feulement l'écriture eft un livre muet qui ne s'explique point lui-même, mais de plus un livre obscur; car c'eft préci fément ce livre qui donne lieu aux disputes; on ne convient pas de fon fens, les parties y puifent de part & d'autre des textes, qui favorifent leurs opinions di verfes, & c'eft fur l'intelligence même du livre que roule le fort des contestations. Il faut donc abfolument qu'il y ait une autorité diftinguée du livre, qui prononce & qui juge de fon vrai fens.

Suppofons qu'il y ait un grand procès

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entre deux contendans fur une caufe capitale & difficile: chacun d'eux cite pour lui la loi, & en effet ils en ont rapporté tous les deux plufieurs textes : les mémoires font répandus, les efprits font partagés, on attend un jugement... « Non, » dit un légifte, qui veut paffer pour éclairé, » il n'eft pas befoin d'arrêt, qu'on ferme » le tribunal, c'eft la loi feule qui doit ju» ger : elle n'a befoin ni d'organe ni d'in»terprete; il fuffit de la lire, elle termi» nera tout. » Je vous le demande, que penferiez-vous d'un tel raifonnement ?

LE PROTESTANT.

Eh! Monfieur, il ne peut mériter aucune attention; il est évident que la loi n'eft pas le tribunal, que lorfqu'elle eft obfcure & que l'on difpute fur fon fens, il lui faut un interprete.

LE DOCTEUR.

L'écriture ne peut donc pas fuffire pour terminer les débats qui s'élevent dans l'églife fur la doctrine.

Mais je vais à préfent vous montrer qu'elle ne fuffit pas non plus pour fixer la foi d'aucun fidele en particulier.

Parlons d'abord du plus grand nombre de ces fideles, qui font les fimples, les illitérés: la voie du falut leur eft ouverte

favans, & par conféquent le moyen de rendre leur foi certaine doit être à leur portée, & commun à tous; or la difcuffion de l'écriture ne l'eft pas, pour trois raifons évidentes.

Tous ne favent pas lire; quand ils le fauroient, tous ne peuvent pas avoir le livre; quand ils l'auroient, tous ne feroient pas en état de le comprendre.

1o. Tous ne favent pas lire : que dis-je ? généralement parlant, jufqu'à ces trois derniers fiecles, très-peu de perfonnes ont fu lire; ce n'eft que depuis ces trois fiecles que, par l'invention de l'Imprimerie, les livres fe font multipliés : pendant les quinze premiers fiecles de l'églife, le plus grand nombre des fideles ne favoit pas Tire.

2o. Tous ne peuvent pas avoir le livre: ce livre c'est tout le corps de l'ancien & du nouveau teftament; il faudroit que chacun l'eût dans fa langue, ou du moins dans une langue qu'il eût apprise le trouve-t-on donc ainfi par-tout? tous ont-ils les facultés néceffaires pour s'en pourvoir? quoi! dans tous les états, dans les villages, dans les campagnes écartées?

3°. Tous ne peuvent pas le comprendre : ou plutôt qui pourra s'en flatter? les faints peres, les favans, les commentateurs s'y perdent; les volumes d'interprétations

font fans nombre, & les opinions varient au point que fur tels textes, il y a vingt, trente, quarante fens différens, & précifément fur les plus effentiels, fur celuici par exemple, qui ne préfente que quatre mots, mais qui eft fi capital, ceci eft mon corps; & tous les payfans, les filles, les femmes, les idiots, tous, tous, oferont dire, pour moi j'entends bien l'écriture! quel paradoxe !

Mais je vais à préfent bien plus loin, & je dis ; la difcuffion de l'écriture qui feroit néceffaire pour rendre la foi de chaque particulier certaine eft abfolument impoffible, non pas feulement aux fimples, mais aux plus favans, aux plus -grands génies.

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Car, remarquez-le, Monfieur, je vous prie cette réflexion eft décifive.

Dès que ce ne feroit pas l'autorité de l'église qui détermineroit le fens de l'écriture, ce ne feroit pas non plus l'autorité d'aucun autre corps, d'aucun autre homme. Vous Luther, vous n'avez aucune autorité fur la croyance de Calvin, ni vous Calvin, fur celle de Zuingle, ni aucun de vous, ni vous tous, fur la croyance d'aucun homme, quel qu'il puiffe être. Il faut, felon vous l'inftitution de Jéfus

, par

Christ , que ce foit chaque fidele qui

de fon ame, la difcuffion de l'écriture, fur tous les articles dont la connoiffance eft nécessaire au falut.

Or je foutiens que cela eft abfolument impoffible, non pas feulement à tout fidele, mais à aucun fidele quel qu'il foit.

En effet il faudroit pour cela, 1°. que tout fidele connût avec certitude quelle eft la véritable écriture. 2°. Qu'il fût affuré de fon véritable fens.

Or l'un & l'autre eft impoffible.

I. Il eft impoffible de s'affurer par la feule écriture, quels font les livres & les portions de livres, qui la compofent.

Ce chef de difficultés en renferme trois, Le livre même, le texte particulier du livre, & fa traduction.

Un proteftant, qui en fuivant le fyftême de fes maîtres, s'occupe pour éclaircir fes doutes, de la difcuffion de l'écriture, trouve des textes relatifs à quelque point important de croyance, & pour favoir s'il peut fe fier à ces textes, il fe fait néceffairement à lui-même ces trois quef tions fur chacun : « Le livre où je trouve » ce texte, eft-il du nombre des livres » facrés? le texte lui-même n'a-t-il point » été altéré ? la traduction en est-elle fi» delle ?» Car enfin le doute fur un feul

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