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ouvrages heureux; toi, tu ne dois pas oublier ma fortune: point de tendre pierre-ponce pour polir ta double surface; présente-toi hérissé de poils épars çà et là : ne rougis pas de quelques taches: à leur aspect on reconnaîtra l'effet de mes larmes.

Pars, ô mon livre, et sois mon interprète fidèle auprès de ces lieux chéris : j'y pénètrerai du moins par le seul accès qui me reste.

S'il est quelqu'un dans cette foule immense qui ne m'ait pas oublié, qui s'informe par hasard de ce que je deviens, dis-lui que j'existe, mais que je ne vis pas; que cependant cette existence est encore le bienfait d'un dieu. Alors, si la curiosité va plus loin, par prudence et de peur de quelque parole indiscrète peut-être, con

tente-toi de te laisser lire.

Ton seul aspect va sur-le-champ rappeler mes crimes au lecteur, et la voix du peuple va me déférer au tribunal de l'opinion publique. Garde-toi de me défendre contre les accusations les plus amères : ma cause est mauvaise ; un avocat ne ferait que l'envenimer. Peut-être verras-tu quelqu'un soupirer de mon éloignement, laisser à la lecture de ces distiques échapper quelques larmes, et seul, en silence, de peur des oreilles malveillantes, former le vœu que César se radoucisse, et que ma peine soit plus légère. Puisse-t-il aussi ne jamais connaître le malheur, le mortel, quel qu'il soit, qui souhaiterait à mon malheur des dieux plus doux ! puissent ses voeux s'accomplir! puisse le courroux désarmé du prince me permettre de mourir au sein de ma patrie!

Bien que fidèle à ton message, peut-être, ò mon livre, n'échapperas-tu pas à la censure; on t'accusera d'être au

Judicis officium est, ut res, ita tempora rerum
Quærere: quæsito tempore, tutus eris.
Carmina proveniunt animo deducta sereno;
Nubila sunt subitis tempora nostra malis :
Carmina secessum scribentis et otia quærunt;

Me mare, me venti, me fera jactat hyems : Carminibus metus omnis abest; ego perditus ensem Hæsurum jugulo jam puto jamque meo. Hæc quoque quod facio, judex mirabitur æquus, Scriptaque cum venia qualiacumque leget. Da mihi Mæoniden, et tot circumjice casus; Ingenium tantis excidet omne malis.

DENIQUE Securus famæ, Liber, ire memento;
Nec tibi sit lecto displicuisse pudor :
Non ita se nobis præbet fortuna secundam,
Ut tibi sit ratio laudis habenda tuæ.
Donec eram sospes, tituli tangebar amore,
Quærendique mihi nominis ardor erat :
Carmina nunc si non studiumque, quod obfuit, odi,
Sit satis ingenio sic fuga parta meo.

I TAMEN, i; pro me tu, cui licet, adspice Romam :
Di facerent, possem nunc meus esse liber!

NEC te, quod venias magnam peregrinus in urbem, Ignotum populo posse venire puta :

Ut titulo careas, ipso noscere colore,

Dissimulare velis te licet esse meum.

CLAM tamen intrato, ne te mea carmina lædant : Non sunt, ut quondam plena favoris erant.

dessous de mon génie. C'est un devoir pour le juge d'examiner les faits et leurs circonstances; qu'on les examine, et tu seras à l'abri de tout reproche. La poésie ne peut naître que sous l'inspiration d'une âme sereine; des maux soudains sont venus rembrunir mon existence : la poésie réclame pour composer, la solitude et le calme; je suis le jouet de la mer, des vents, de la tourmente cruelle: la poésie veut être libre de crainte; mon imagination égarée me montre sans cesse un glaive prêt à me percer le sein. Ce faible produit de ma veine doit encore étonner un critique impartial, et ces vers, tout décolorés qu'ils sont, seront par lui lus avec indulgence. Qu'on me donne un Homère, et qu'on l'entoure de tant d'infortunes; de si grands maux paralyseraient tout son génie..

:

Enfin, ô mon livre, pars indifférent à l'opinion, et songe, si tu déplais au lecteur, à n'en pas concevoir de honte le sort ne nous est pas assez propice, pour que tu tiennes compte de la gloire. Au temps de ma prospérité, l'honneur touchait mon âme; j'étais avide de renommée; aujourd'hui si la poésie, si ce goût qui m'a été fatal, ne m'inspire pas d'aversion, cela doit suffire: mon exil est le fruit de ma veine.

Va cependant, va pour moi, tu le peux du moins, contempler Rome. Grands dieux! que ne puis-je en ce jour être mon livre!

Ne crois pas, en arrivant étranger à cette ville puissante, y arriver inconnu à ses habitans; sans titre même, ta teinte seule te fera reconnaître; en vain voudrais-tu dissimuler que tu m'appartiens.

Toutefois ne t'introduis qu'avec mystère : mes anciennes poésies pourraient te nuire: elles ne jouissent

Si quis erit, qui te, quia sis meus, esse legendum

Non putet, e gremio rejiciatque suo :

Inspice, dic, titulum : non sum præceptor amoris : Quas meruit, pœnas jam dedit illud opus.

FORSITAN exspectes, an in alta palatia missum
Scandere te jubeam, Cæsareamque domum.
Ignoscant augusta mihi loca, Dique locorum!
Venit in hoc illa fulmen ab arce caput;
Esse quidem memini mitissima sedibus illis.
Numina; sed timeo, qui nocuere, Deos :
Terretur minimo pennæ stridore columba,
Unguibus, accipiter, saucia facta tuis :
Nec procul a stabulis audet secedere, si qua
Excussa est avidi dentibus agna lupi :
Vitaret cœlum Phaeton, si viveret; et quos
Optarat stulte, tangere nollet equos :
Me quoque, quæ sensi, fateor Jovis arma timere;
Me reor infesto, quum tonat, igne peti :
Quicumque Argolica de classe Capharea fugit,
Semper ab Euboicis vela retorquet aquis :
Et mea cymba, semel vasta percussa procella,
Illum, quo læsa est, horret adire locum.
Ergo, care Liber, timida circumspice mente,
Et satis a media sit tibi plebe legi:
Dum petit infirmis nimium sublimia pennis
Icarus, Icariis nomina fecit aquis.
Difficile est tamen, hic remis utaris, an aura,

Dicere; consilium resque locusque dabunt.

Si poteris vacuo tradi, si cuncta videbis

plus de la même faveur que jadis. Si quelqu'un, par cela seul que tu es mon ouvrage, se fait scrupule de te lire, te repousse de son sein, dis-lui: Jette les yeux sur mon titre; ce ne sont plus ici des leçons d'amour; une peine était due à ce poëme; il l'a subie.

Peut-être es-tu impatient de savoir si je t'ordonnerai de gravir la colline où s'élève le palais, demeure de César? Séjour auguste, et vous, divinités de ce séjour, pardonnez à cet aveu: c'est là l'arsenal d'où la foudre est tombée sur ma tête; je connais la clémence des divinités qui y résident; mais je redoute un dieu qui m'a frappé : on voit trembler au plus léger bruit d'ailes la colombe que tu blessas de tes serres, épervier cruel : on voit craindre de s'éloigner de la bergerie la brebis arrachée à la gueule du loup ravisseur : Phaéton fuirait l'Olympe, s'il vivait encore, et sur ces coursiers qu'il ambitionna dans sa folie, il n'oserait porter la main : ainsi, je l'avoue, depuis que j'en ai senti les atteintes, je redoute les traits de Jupiter; je crois, chaque fois que le tonnerre gronde, être menacé de ses feux vengeurs: ceux des Grecs dont le navire échappa aux écueils de Capharée, détournent toujours - leurs voiles des eaux de l'Eubée : ma barque aussi, déjà battue d'une horrible tempête, frémit d'aborder des parages où elle fut maltraitée. Livre chéri, sois timide et circonspect; qu'il te suffise d'être lu des classes intermédiaires Icare s'élance d'une aile trop faible vers les régions élevées, et il donna son nom à la mer Icarienne. Toutefois dois tu faire ici usage de la rame ou des voiles, c'est ce qu'il est difficile de décider; le temps et le lieu te serviront de guides. Si tu peux être présenté dans un moment de loisir, si tu vois tout calme et paisible, si le courroux a épuisé sa rigueur, si quelque âmc généreusc,

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