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pas convenir que l'empire romain fût dissous, quoique ses membres épars sous leurs yeux, ne leur offrissent plus qu'un cadavre privé de vie et de mouvement. Mais toujours est-il vrai que les Pères conviennent sur le point essentiel, qui est que la chute de la puissance romaine étoit annoncée dans l'Apocalypse.

De tous ces principes, Bossuet conclut qu'on se tourmenteroit en vain à chercher une tradition constante pour expliquer l'Apocalypse. On ne peut se livrer sur ce grand sujet qu'à de simples conjectures. C'est par la comparaison des monumens de l'histoire, par le rapport et la suite des événemens ; c'est en formant un sens complet et suivi, qu'on peut exposer quelques opinions plus ou moins spécieuses, sans prétendre jamais avoir déchiffré ce livre plein de mystères.

Bossuet entre ensuite dans l'explication des mystères qui contient l'Apocalypse; il divise son plan en trois parties, dont la première contient les avertissemens, la seconde les prédictions, et la troisième les consolations et les promesses.

Son dessein n'est pas d'approfondir les différens sens de cette célèbre prophétie, qui a si souvent et si inutilement exercé la sagacité de plus d'un homme de génie. Il se propose uniquement de montrer qu'elle a été accomplie dans une

de ses parties importantes par la chute de ce colosse, qui pesoit sur la terre entière. Il étoit dans l'ordre de la providence que Rome, enivrée du sang des martyrs, expiât ses fureurs, et qu'un empire fondé sur la bienfaisance et la charité, succédât à un empire qui n'avoit établi sa grandeur que sur l'ambition des conquêtes et la désolation de l'univers. Ainsi, conclut Bossuet, sans préjudicier à une nouvelle interprétation de l'Apocalypse, on peut reconnoître qu'il en est une que la providence a déjà accomplie.

Quant aux prophéties de l'Apocalypse pour les temps à venir, Bossuet, en les regardant comme possibles, les regarde comme impénétrables à ses foibles lumières ; et il ajoute, avec cette modestie qui sied toujours si bien au génie : « L'avenir se » tourne presque toujours bien autrement que » nous ne pensons; et les choses mémes que Dieu » en a révélées, arrivent en des manières que nous » n'aurions jamais prévues; qu'on ne me demande » donc rien sur l'avenir ».

Bossuet a fait précéder son commentaire de l'Apocalypse d'une savante préface, dans laquelle nous avons puisé l'analyse que nous venons de donner de cet ouvrage; mais il crut devoir y joindre un Avertissement aux protestans sur le

prétendu accomplissement des prophéties, dont Jurieu cherchoit à les bercer.

Il se sert même des témoignages des écrivains protestans qui ont le plus honoré la réforme par leur érudition et leur caractère, tels que Vossius, Grotius, Hammond, qui loin de donner dans ces systêmes chimériques, les avoient fortement combattus. Il rappelle le trait remarquable de Bullinger, qui, animé d'abord des préjugés de sa secte, avoit fait tout ce qu'il avoit pu pour trouver l'antechrist dans le pape, et Babylone dans l'Eglise romaine, et avoit fini par établir de la manière la plus forte la même opinion que Bossuet, en rapportant les prédictions de l'Apocalypse à Rome idolâtre.

Au reste, on doit rendre cette justice aux protestans. Le fanatisme de Jurieu révolta tous les membres les plus distingués de sa communion. Malgré toutes ses intrigues, malgré la crainte qu'il étoit parvenu à inspirer aux ministres les plus habiles de la Hollande par l'espèce de tyrannie qu'il exerçoit sur quelques consistoires, la décence et la raison prévalurent dans les synodes de Middelbourg, de Bois-le-Duc, de Camden et de Breda, qui censurèrent le livre de Jurieu. C'est ce qu'on apprend par une lettre de Bayle à

M.

M. Minutoli, en date du 6 octobre 1692 (1). Il y avoit déjà onze ou douze ans que cet ouvrage de Bossuet étoit répandu dans toute l'Europe, sans qu'aucun écrivain protestant l'eût contredit ou attaqué. Il en résultoit une espèce de disposition générale à adopter son opinion, lorsqu'en 1701, Samuel Werenfels, professeur de théologie dans l'académie de Bâle, soumit à la discussion des savans exercés dans l'étude des livres sacrés, une dissertation latine, où il combattoit le sentiment de Bossuet; l'auteur en attaquant ce prélat, montroit le plus grand respect pour son caractère et sa personne, et la plus juste admiration pour son génie et ses lumières. Il voulut même connoître le jugement que Bossuet porteroit de sa dissertation; et il la lui fit présenter par M. Varignon, membre distingué de l'académie des sciences de Paris, alors professeur de mathématiques au collége Mazarin, et qui étoit intimement lié avec l'évêque de Meaux, à qui il a dédié un de ses ouvrages.

Bossuet jugea la dissertation de Werenfels digne d'une réponse, qui a été imprimée pour la première fois en 1772, dans la dernière édition

(1) L'Explication de l'Apocalypse et l'avertissement qui la suit, parurent en un seul volume in-8.o en 1689, chez la veuve Sébastien Mabre-Cramoisy.

BOSSUET. Tome III.

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II.

Bossuet dé

des OEuvres de Bossuet, sous le titre : De exci

dio Babylonis apud sanctum Joannem demonstrationes adversùs Samuëlem Werensfelsium.

Telle étoit l'autorité que l'opinion des vertus nonce les ou- et des lumières de Bossuet lui donnoit dans touvrages de

l'abbé Du- tes les questions où la religion étoit intéressée, pin. 1692. qu'on le voyoit exercer une sorte de surveillance universelle sur toutes les controverses ecclésiastiques. A tous les traits de conformité qu'on a remarqués depuis long-temps entre saint Augustin et Bossuet, on peut ajouter cette espèce de jurisdiction d'opinion, qui dans le quatrième siècle donna tant d'influence sur toutes les affaires de l'Eglise à un simple évêque d'Hippone; et dans le dix-septième, à un simple évêque de Meaux.

Bossuet voyoit depuis quelques temps avec la plus vive inquiétude la tendance de plusieurs théologiens catholiques à faire usage de leur érudition et d'une fausse critique, pour déprimer les vertus et les lumières des anciens Pères de l'Eglise, et affoiblir le respect qu'une longue suite de siècles a attaché à leur autorité et à leur mémoire. Il craignoit avec raison, que cette affectation à étaler une fausse érudition n'offrît aux sociniens, qui commençoient dès-lors à envahir la Hollande, des armes dangereuses pour ébranler les fondemens mêmes du christianisme, et ren

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