20 CULINAIRE rand, la princesse Pauline, le prince Murat, le comte Pozzo di Borgo, le duc d'Abrantès, de Cussy, Gilbert des Voisins, Portalis, Duroc, de Beausset, de Fontanes, etc. Parmi les cuisiniers les plus illustres de ces derniers temps, après les maîtres immortels, Laguipierre et Carême, il faut citer Lacour, Mécilier, Sauvant, Sabatier, Dalègre, Mécier, Richaud, Venna, Legacq, Véry, Borel, Delaunay, Beauvilliers, Boucher, Véfour, Avice, Lasne, Le Sage, Richard, Robert, Riquette, Jay, Laiter, Philippe, Soyer, Jules Gouffé, etc. N'oublions pas Alexandre Dumas, dont on a publié, en 1872, un très-amusant Dictionnaire de cuisine. CULLEN (WILLIAM), l'un des plus célèbres médecins qu'ait eus l'Angleterre, était né en 1712, de parents pauvres, dans un village du comté de Lanarck, en Écosse. Après avoir fait son apprentissage chez l'un de ses parents établi Glascow, il fut placé en qualité de chirurgien à bord d'un des bâtiments de la Compagnie des Indes orientales. Revenu quelques années après dans ses foyers, il y vécut longtemps dans un état voisin de la misère, mais constamment occupé à agrandir le cercle de ses connaissances. Une parité complète de goûts et de position ne tarda pas à établir une liaison des plus intimes entre lui et Hunter, l'anatomiste devenu depuis si célèbre. Afin de pouvoir suivre des cours de médecine à Édimbourg, les deux amis convinrent qu'un d'eux alternativement se rendrait dans cette ville pour y étudier à frais comuns, tandis que l'autre resterait à Lanarck et soi- | gnerait la clientèle de son confrère. Hunter dut partir le premier; mais, au lieu d'aller à Édimbourg, il se rendit à Londres, où il trouva une place d'aide d'anatomie chez un professeur, et ne revint jamais en Écosse. Cullen, à son tour, put enfin se lancer dans une sphère plus élevée; il s'établit à Édimbourg, où le duc d'Argyle d'abord et ensuite le duc d'Hamilton lui fournirent libéralement les moyens de continuer ses études. Après avoir guéri ce dernier d'une grave maladie, il fut nominé, en 1746, à sa recommandation, professeur de chimie à Glascow. L'éclat de son enseignement, à partir surtout de l'année 1751, époque où on lui confia la chaire de médecine, ne tarda pas à rejaillir sur l'université tout entière. Aussi l'appela-t-on dès 1756 à Édimbourg, où on lui donna en 1766 la chaire de médecine pratique; et plus tard il fut nommé premier médecin du roi d'Angleterre en Écosse. Il mourut le 5 février 1790, entouré de l'estime et de la bienveillance universelles. La publication de son Treatise of the Materia medica (2 vol., Londres, 1789, in-4°) eut pour résultat de bannir à tout jamais de la pharmacologie une foule d'erreurs. Son principal ouvrage, intitulé: First Lines of the Pratice of Physic (Édimbourg, 1789; dernière édition, Londres, 1816), a été traduit en espagnol, en portugais, en français, en italien et en allemand. Nous citerons encore parmi les ouvrages dont on lui est redevable la Synopsis Nosologiæ methodicæ (2 vol. in-4o, Édimbourg, 1772), et la Physiology (Édimbourg, 1785). On a publié de lui, après sa mort, Nosology, or systematic arrangement of diseases (Londres, 1800), et The Edimburg Pratice of Physic, Surgery and Midwi fery (5 vol., Londres, 1805). Thomson a donné en 1827 une édition complète de ses œuvres; le même écrivain a commencé aussi une Vie de Cullen, terminée en 1859 (2 vol.). CULLEN (PAUL), prélat anglais, né le 27 avril 1803, à Dublin, appartient à une famille catholique de l'Irlande. Envoyé de bonne heure en Italie, il y termina l'étude de la théologie, et après avoir reçu la prêtrise devint recteur du séminaire irlandais de Rome. Puis il fut attaché à la chancellerie du Vatican et y dirigea pendant plus de quinze ans les affaires religieuses de son pays natal. L'archevêché d'Armagh étant devenu vacant (1849), le pape Pie IX y nomina directement l'abbé Cullen et mit ainsi fin aux dissensions que l'élection à ce siége avait fait naltre parmi les évêques suffragants (24 février 1850). Deux ans après il le transféra à Dublin, et le 22 juin 1866 il l'éleva au cardina CULLODEN lat à la place de Wiseman. Un si rapide avancement est moins dû aux éminentes qualités de ce prélat qu'à son dévouement absolu aux doctrines ultramontaines; ainsi on l'a vu s'élever avec force contre le système d'éducation mixte dans les nouveaux colléges irlandais, proclamer l'infaillibilité du pape avant même qu'elle eût été convertie en dogme, et célébrer la mémoire des soldats morts pour la défense du saint-siége. Lors du mouvement des fenians, il invita ses compatriotes à se rapprocher, pour les combattre, de la couronne d'Angleterre. P. LOUISY. CULLERA, ville d'Espagne, dans la province de Valence, avec 8,000 âmes, est située sur la Méditerranée, å l'embouchure du Xucar. C'est la Sucro des Romains, près de laquelle Sertorius vainquit Pompée en 76. Place trèsforte elle possède un vieux château, plusieurs églises et fait un commerce actif en grains, bestiaux, vins et huiles. CULLERIER (MICHEL), médecin français, naquit à Angers le 8 juin 1758. Quittant la carrière du sacerdoce, que sa famille lui traçait, il étudia la médecine et fut reçu docteur de la faculte de Paris. C'est surtout grâce à ses études que la maladie syphilitique a pris son rang naturel dans le cadre nosologique, et que la thérapeutique de cette infirmité délivrée de ses entraves et de ses mystères, a cessé de ressembler à un supplice. Après tout le médecin n'est ni un juge ni un confesseur, et la pénitence et les tortures destinées à l'expiation des vices ne seraient pas de prudents moyens de guérison. Praticien honoré et chirurgien instruit, Michel Cullerier a composé, pour le Dictionnaire des Sciences médicales, quelques bons articles qui lui ont mérité d'être de l'Académie de médecine. Il a été le premier chirurgien en chef de l'Hôpital du Midi ou des Capucins, les maladies spéciales qu'on y traite se trouvant jusque là reléguées presque toutes à Bicêtre, parmi des criminels et des fous. C'est à lui qu'est due l'idée du traitement simultané des enfants infectés et de leurs nourrices. Il mourut en 1827, ayant dès longtemps perdu un œil en ouvrant un abcès virulent. CULLERIER (FRançois-Aimé-Guillaume), neveu, gendre et successeur du précédent, naquit à Angers. Il avait cnquante-neuf ans quand il mourut, en octobre 1841. On i doit un ouvrage estimé qui a pour titre Recherches sur la thérapeutique de la syphilis (1836). Reconnaissant que la syphilis est certainement contagieuse, il n'est pas de ceux qui la declarent incurable sans l'intervention u mercure. Bien plus, jamais il n'a recours à ce médicament pour aucune affection primitive. Il cautérise les récentes ulcérations, et traite tout symptôme primitif comme toute autre affection simple et inflammatoire, sans rien réserver de minéral pour terminer la cure. Dr Isidore BOURDON. CULLODEN, village d'Écosse, dans le nord du comté d'Inverness, est célèbre dans l'histoire par la bataille qui y fut livrée le 16 avril 1746. Le fils aîné de Jacques III, Charles-Edouard, dans sa romanesque expédition de 1745, avait réussi à se maintenir en Écosse contre tous les efforts de l'Angleterre, avec des alternatives de revers et de succès; il avait même pu parvenir jusqu'à cinquante lieues de Londres. Un concours fortuit de circonstances défavorables l'ayant contraint à battre en retraite et à rentrer en Écosse, la fortune sembla alors vouloir lui sourire de nouveau. Il battit les forces anglaises à Falkirk; mais le duc de Cumberland, appelé sur ces entrefaites au commandement en chef des troupes du roi Georges, mit fin, par la victoire décisive qu'il remporta à Culloden, aux espérances qu'avaient pu concevoir les ennemis, encore si nombreux, de sa dynastie. Au commencement de l'action, les troupes de CharlesÉdouard é'aient déjà harassées de fatigue et depuis longtemps affamées. Elles n'en combattinent pas moins avec une admirable intrépidité, et tinrent ferme jusqu'au moment où, en dépit de leur bouillante valeur, les montagnards écossais CULLODEN se virent contraints de reculer devant le feu bien nourri des batteries de l'ennemi; ce mouvement de recul se transforma bientôt en une débandade universelle. Charles-Édouard fut assez heureux pour échapper sain et sauf à cet immense et irréparable désastre; mais la vengeance du vainqueur s'appesantit cruellement sur ses partisans. Les plus considérables d'entre eux montèrent sur l'échafaud; et les lieux qui avaient été le foyer de l'insurrection furent horriblement dévastés. Comme l'attachement des montagnards écossais pour les princes de l'ancienne maison royale, l'un des traits caractéristiques de la vie sociale et politique de ces populations, trouvait surtout son élément le plus puissant dans l'antique organisation de leur pays en clans, le gouvernement s'attacha alors à détruire une à une les diverses institutions qui en étaient la base. CULM (en polonais Chelmno), ville chef-lieu de cercle, dans l'arrondissement de Marienwerder, province de la Prusse occidentale, bâtie sur la Vistule, compte une population d'environ 8,000 âmes. Il s'y trouve une école militaire et un gymnase. Son évêché fut fondé en 1243; mais en 1824 on a transféré la résidence de l'évêque et celle du chapitre à Pelplin, ancienne abbaye de l'ordre de Citeaux. La fondation de la ville par les chevaliers de l'ordre teutonique remonte à l'année 1230. En 1454 elle se soumit avec sa banlieue, dite le Culmerland, au roi de Pologne; et lors du premier partage de ce pays elle fut adjugée à la Prusse. Sa Coutume est connue des juriconsultes sous le nom de Droit de Culm. Lorsqu'au treizième siècle, les villes de l'Allemagne parvinrent à s'assurer le bienfait de la liberté civile et d'un ordre régulier et légal, celles qui étaient siéges d'évêchés adoptèrent une législation et une jurisprudence autant que possible uniformes. C'est ainsi que la Coutume de Magdebourg s'établit à Breslau et vint de Silésie à Culm. Dès l'an 1233, le grand-maître de l'ordre teutonique, Hermann de Salza, avait donné aux bourgeois de Culm des lettres d'affranchissement qui furent renouvelées en 1251. En 1394, on réunit en corps de lois le droit coutumier de Culm, qui s'introduisit de là peu à peu dans les autres villes de la Prusse et plus particulièrement dans celle de la Pologne prussienne. On l'imprima pour la première fois à Thorn en 1584, et sa dernière révision date de 1711. Consultez Bandtke, Jus culmense (Varsovie, 1814), et Prætorius, Essais sur la Coutume de Culm, la plus ancienne loi fondamentale de la Prusse ( publié par Lohde, Thorn, 1842). CULMINANT (de culmen, faîte d'un toit). Ce qualificatif s'applique au point le plus élevé d'une montagne, d'un édifice, etc. En termes d'astronomie, un astre est à son point culminant quand il passe au méridien. Ce mot s'emploie figurément dans le langage ordinaire : ainsi, dire de la littérature romaine que sous Auguste elle arriva à son point culminant, signifie qu'elle jeta alors son plus vif éclat. CULMINATION (de culmen, faîte, sommet). En astronomie, ce mot désigne le passage d'un astre par le mé'idien, parce qu'à ce moment il atteint le point le plus élevé, e point culminant de sa course. La culmination du soleil toujours lieu à midi, temps vrai. Pour les étoiles fixes, le temps de culmination est toujours exactement dans le milieu entre le moment du lever et du coucher; pour le soleil, la lune et les planètes, cette précision n'est qu'approximative. La connaissance du point culminant des astres est d'une haute importance pour les astronomes, parce que toutes les fois qu'une exactitude extrême est de rigueur dans les observations, c'est à ce moment qu'on doit les faire, la réfraction ayant alors bien moins de puissance. CULOTTAGE DES PIPES, art sublime, qui a aujourd'hui de nombreux adeptes. Un jour, un individu questionné par le président d'un tribunal sur ses moyens d'existence déclara sérieusement qu'il était culotteur de pipes: cette réponse pouvait n'être pas aussi folle qu'elle le paraît au premier abord. En effet, il y a tel amateur de culottage toujours disposé à payer une assez forte somme à celui qui peut se soumettre à l'ennui de fumer pendant plusieurs mois à très-petites gorgées dans la même pipe, en observant une foule de minuties sans lesquelles on ne parvient jamais à produire une belle culotte. Ce ne sont pas seulement des pipes d'écume de mer qui sont dévolues à cette opération, on culotte beaucoup plus généralement des pipes de terre, dites de Belgique et qui se fabriquent à Saint-Omer, et des pipes de Marseille. Pendant toute la durée du culottage, il faut les tenir enveloppées d'une étoffe de laine; alors, la culotte offre cette belle et vive couleur, brun-aurore dans les pipes d'écume de mer, noir et gris cendré dans les pipes ordinaires, qui se dégrade à partir du fond de la pipe jusque vers la moitié du tube en remontant. Par exagération, on a qualifié du nom de culotteur de pipe un homme qui fume beaucoup, qui passe une grande partie de son temps au café, en un mot, un pilier d'estaminet. PELOUZE père. On offre des pipes culottées à ses amis et à eux seuls. Il est vraiment affreux que l'industrie vienne se jeter en travers de l'art et de l'amitié pour tuer l'un et enlever à l'autre un de ses plaisirs. Dans la liste des brevets d'invention et de perfectionnement pris au mois d'août 1853, on remarque avec douleur un brevet d'invention pour le culottage industriel des pipes! CULOTTE. Ce vêtement masculin qui couvre depuis la ceinture jusqu'aux genoux et que la pruderie anglaise défend de nommer, cet inexpressible, comme on dit au bord de la Tamise, était à l'usage des anciens Gaulois, chez qui il avait la forme d'un caleçon, et portait le nom de broeck, d'où les Romains firent bracca, les Français braie, brayette et braguette. Lampridius, Vopiscus, Ammien-Marcellin, parlent de ce haut de chausses, qui donna occasion d'appeler la Gaule Narbonnaise Gallia braccata. Une ancienne épigramme rapportée par Suétone, dans la Vie de Jules-César, contenait ce trait de satire : Gullos Cæsar in triumphum ducit; üidem in curia Galli braccas deposuerunt, latum clavum sumpserunt. Le Gaulois, par César amené comme esclave, Quitte au sénat sa braie et prend le laticlave. Depuis, la culotte a subi de nombreuses révolutions, sous le rapport de la forme et de la matière. Pendant longtemps, les has furent attachés à la braie. L'usage de les séparer s'établit en même temps que celui de distinguer la veste du | justaucorps; grande et importante révolution, qui paraft appartenir au seizième siècle. Sous François Ier, les hauts de chausses n'allaient qu'au-dessus du genou, et l'on peut én prendre une idée dans la description de celui de Gargantua par Rabelais. Pendant le règne de Charles IX, ils étaient extrêmement bouffants, ornés de bandes ou tailladés, et d'une forme tout-à-fait indécente. Les chausses ou bas couvraient les deux tiers de la cuisse, et demeuraient fixés en dessous de la trousse par des canons de rubans de différentes couleurs. A la braguette s'attachait un cornet ou tuyau qui remplaçait ce qu'on appela depuis le pont-levis, et sur lequel le luxe trouvait moyen de s'exercer d'une façon toute particulière. Les anciens portraits de Henri III montrent que son haut de chausses était extrêmement court, mais que les canons, aujourd'hui partie intégrante de la culotte, couvraient complétement les cuisses jusqu'au dessous du genou. Vers 1096, Shakspeare raillait l'exiguité des culottes françaises au milieu des scènes terribles de son Machbet: Who's there? faith, here's an english taylor, come hither for stealing out of a french hose. » Les culottes, du temps de Henri IV, s'élargirent, s'enflèrent et se couvrirent d'une multitude de rubans et d'aiguillettes. Celles qu'on portait au commencement du règne de Louis XIII, étaient aussi fort larges et descendaient jusqu'audessous du genou, où elles s'attachaient avec des rubans, dont les extrémités formaient des rosettes; elles se bouton uaient des deux côtés en dehors, depuis la hanche jusqu'en bas. M. de Paulmy, initié à toutes ces coutumes, remarque que, pendant la minorité de Louis XIV, l'usage des grandes culottes subsista encore quelques temps, et que peu à peu on s'accoutuma à les porter très-étroites et seulement serrées par d'élégantes jarretières, d'abord au-dessus du genou, sur le bas même; ensuite au-dessous, le bas rentré dans les canons. La culotte fut assujettie sur les reins successivement par des lacets, des boucles et des bretelles. Le velours et le satin en formaient l'étoffe ordinaire au temps de Louis XV. Mme Geoffrin, en femme expérimentée, donnait chaque année une culotte de velours à chacune de ses bêtes (c'était le sobriquet dont elle gratifiait les gens de lettres qui composaient son cercle habituel ). Un des amis de cette dame, l'abbé Galiani, de folâtre mémoire, appelait son cher marquis aux culottes mouillées ce bon M. de Croismare, qui donna créance entière à la fable de La Religieuse de Diderot. Ces sobriquets étaient alors du ton de la bonne compagnie. Vers cette époque, la dynastie de Hanovre, qui régnait en Angleterre, et qui voulait mettre à la raison les montagnards d'Écosse, crut trouver pour cela un moyen infaillible, en leur ordonnant de porter des culottes. L'ordre parut tyrannique aux compatriotes de Walter Scott; ils firent tout ce qu'ils purent pour l'éluder, et les moins récalcitrants, fidèles à la lettre des règlements, porterent leurs culottes...... au bout d'un bâton. Sans doute que les révolutionnaires de 89 attachaient aussi à ce vêtement des idées de dépendance, puisque les plus intrépides champions de la liberté adoptérent le nom de sans-culottes, expression heureuse, que l'on consacra dans le calendrier de la république par l'institution des sans-culotides! Plusieurs de ces Publicola, devenus courtisans de l'empire, ne se firent pas prier pour reprendre la culotte, qui, malgré les empiétements du pantalon doctrinaire, garde son caractère monarchique. Voilà où en est notre siècle. La culotte tiendra-t-elle ou faudra-t-il qu'elle disparaisse après avoir été inutilement restaurée? L'avenir a seul le mot de ces mystères : attendons ! La culotte a été chantée plus d'une fois par les poëtes. Parmi les fabliaux publiés par Barbazan et Meon, et dont Legrand d'Aussy a fait des extraits, on lit celui des Braies du Cordelier. Ce sujet a été bien souvent reproduit, ainsi que l'observait l'ex-inspecteur général des études Noël, qui conserva toujours une innocente prédilection pour l'érudition érotique. Le Brache di san Griffone est un des plus jolis contes de Casti : il y a joint la naivete de La Fontaine à la finesse de Voltaire. Avant lui, un poète de l'Allemagne, Euticius Cordus, avait tourné en vers latins cette anecdote tant soit peu grivoise, recueillie à ce titre par Henri Estienne, dans son Apologie pour Herodote, dans les Nouvelles de François Sacchetti, de Sabadino et de Masuccio de Salerne, ainsi que dans les Lettres Juives du marquis d'Argens et le Passe-Partout de l'Église romane. Le chevalier de la Tour, faisant un conte de morale à ses filles, n'oublie pas la même historiette, mise en œuvre plusieurs fois sous le titre de la Culotte de saint Raymond de Pennafort. Le fond de tous ces récits semble être pris du neuvième livre des Métamorphoses d'Apulée. Mais dans cet auteur c'est d'une tunique et non d'une culotte qu'il est question. On appelait autrefois culottes d'Aristote l'espèce d'épitoge que portaient sur l'épaule gauche les docteurs ès-arts, quand ils étaient en robe. Tout le monde sait ce que c'est qu'une culotte de bœuf ou de pigeon, la culotte d'un pistolet, la culotte de chien, la culotte de suisse, etc. DE REIFFENBerg. A plusieurs époques les femmes ont voulu porter la culotte, non pas cette culotte figurée dont le sexe barbu a fait un insigne de sa prétendue prééminence : peu de femmes se sentent la force de la porter celle-là et parfois, convenons en, il faut bien que la femme la revête, si l'on veut qu'il y en ait une dans le ménage; mais tout simplement ce vêtement à jambes qu'on nomme encore caleçon ou pantalon. Lorsque le beau sexe a l'esprit de cacher ses empiétements sous une jupe, les hommes ne trouvent rien à dire; seulement ce que ce sexe jaloux ne peut supporter, c'est que ce vêtement nécessaire accuse au grand jour des torines arrondies. Les bloomeristes se sont, pendant l'année 1850, soulevés contre cette pretention du monopole des culottes, et l'on a vu des femmes se promener à Londres portant une espèce de veste justaucorps ou caraco, ouvert sur la poitrine, laissant voir un gilet boutonné, avec des manches plates, une jupe très-courte, des pantalons très larges au genou, serrés à la cheville, bouffant sur des bottes hongroises, et une coiffure tenant le milieu entre le chapeau d'homme et le chapeau de femme. Il y en avait qui portaient la veste brodée et le col rabattu; d'autres, des souliers de maroquin avec des boucles. Nous avions eu à Paris en 1848 des Vésuviennes, qui portaient aussi la culotte, et les bals masqués nous ont toujours offert des titis féminins fort bien culottes. Les plus hardies des réformistes de Londres se mirent un jour en campagne, essayant de la propagande à la mode britannique, en cabriolet, se faisant descendre dans Piccadilly, se promenant dans le parc, et y distribuant de petits papiers, faisant appel aux mères, aux femmes et aux filles. Elles fondèrent même une société qui siégea à l'Institut Littéraire, près de Fitzroy Square, où les Chartistes se réunissaient autrefois. Une dame Dexter, qui paraissait être à la tête de la ligue, expliqua une fois en séance publique la nécessité et l'utilité de la réforme du costume des femmes : a On conviendra, dit-elle, que la toilette des femmes rentre entièrement dans le domaine de la femme. Et cependant, tout ce qui s'écarte de l'usage est regardé avec méfiance. Il fut un temps où une femme à la mode était obligée de s'amasser des édifices sur la tête. A une autre époque, elles se sont soumises à étendre leur circonférence naturelle avec des paniers qui les empêchaient de passer par les portes. Il était réservé à la nation anglaise de pousser à l'extrême l'absurdité d'un costume qui sacrifie annuellement des milliers des plus belles œuvres de la nature. Je veux parler de cette mode infernale des corsets.... Parlerai je des longues jupes? Un jour de pluie, c'est un vrai panorama vivant; cela nous donne plus de mal à porter qu'un baby. Et notez bien que c'est aussi incommode par le beau que par le mauvais temps; car, par un beau jour, nos longues jupes balaient la poussière. Qu'est-ce qui nous prive du libre exercice de nos membres? Nos jupons. Nous ne pouvons pas nous aller promener librement dans la campagne. Pourquoi ne pourrions-nous pas sauter une haie sans l'assistance d'un mari ou d'un amant? N'avons-nous pas assez d'élasticité dans notre constitution? Figurez-vous Vénus offerte à l'admiration des hommes avec des formes soutenues par de la baleine! La difformité est une conséquence de la civilisation. Les femmes grecques d'aujourd'hui portent des pantalons, et les Italiennes des jupons courts. Tout notre al vient de ce que nous empruntons nos notions de la beauté aux anciens. Nous en sommes toujours aux Grecs et à leurs imitateurs les Romains. Les femmes de la Géorgie, de la Circassie et de l'Inde, la moitié des femmes du monde n'ont jamais vu que des pantalons; et je suis bien sûre de n'être pas toute seule à en porter. En Amérique, on se demande de quel droit les hommes portent seuls des culottes. En Chine, ce sont les hommes qui portent des robes, et les femmes des pantalons... On pourra m'accuser de hardiesse; mais la hardiesse n'est pas l'immodestie. Il y a des personnes qui se trouvent mal de vant une araignée et qui avaleraient un chameau. J'en appelle à tout homme qui a eu l'occasion de marcher derrière une femme un jour de grand vent, et je lui demande si notre toilette actuelle a droit au monopole de la décence. CULOTTE Jusqu'à l'âge de quatorze ans, le costume qu'on appelle immodeste est très-bien porté; mais le lendemain on le trouve inconvenant. Il est temps que les principes de philosophie qui caractérisent notre époque, soient appliqués à la toilette. Je pourrais prouver au besoin que le costume des hommes est absurde... » A toutes ces belles choses que répondre? Cedant arma togæ. Que les hommes s'inclinent devant les jupes! Cependant la réforme n'a pas eu de succès. Il faut tant de temps pour détruire les abus! L. LovET. CULOITES (Bill des). A l'époque de l'insurrection des colonies anglaises de l'Amérique du Nord, quelques loyalistes avisèrent qu'il était inconvenant de voir les soldats de Sa Majesté appartenant aux régiments d'infanterie écossaise et recrutés genéralement dans les montagnes d'Ecosse persister à n'avoir, comme c'est encore le cas aujourd'hui, pour tout habillement, depuis les hanches jusqu'aux pieds, que des brodequins à la grecque, et un tonnelet flottant autour de la ceinture. Interprètes fidèles de leurs regrets, des membres ministériels de la chambre basse, crurent devoir saisir les Communes d'une proposition ayant pour but de mettre un terme à ce scandale et que les plaisants nommèrent bien vite le bill des culottes. Depuis la fameuse discussion ouverte dans le sénat romain, pour savoir à quelle sauce on mettrait le turbot de Domitien, aucune assemblée délibérante ne s'était occupée d'un aussi grave objet. Seulement nous n'avons qu'un poëte satirique pour garant du fait, tandis que les journaux anglais attesteront l'autre à la postérité. Sir Philips Jenning Clerke fut un des orateurs qui appuyèrent le plus fortement le bill proposé. Il rappela que déjà, sous le règne de Georges II, un autre bill avait ordonné aux montagnards écossais de porter des culottes; mais comme en Angleterre on n'est jugé que sur la lettre de la loi, les montagnards portèrent leurs culottes sous le bras ou sur leur épaule, et bientôt le bill fut oublié. Sir Philips Clerke représenta vivement la nécessité de le remettre en vigueur I invoqua, dans sa péroraison,, la morale, la décence, et demanda enfin que, « si l'on jugeait que l'habitude de voir des gens si peu vêtus mettait suffisamment à l'abri la pudeur des dames écossaises, du moins en-deçà de la Tweed (rivière qui sépare l'Écosse de l'Angleterre), rien ne devait blesser les plus chastes regards. » L'avocat des culottes fut rigoureusement réfuté par le marquis Graham. Ce seigneur attaqua le bill comme contraire au privilége acquis aux anciens Calédoniens par la prescription la plus immémoriale. Il fit valoir l'aversion innée de ce peuple fier pour toutes sortes d'entraves; il démontra combien cette mesure était impolitique, et quelles révoltes, dans beaucoup de pays, avaient suivi les chhangements qu'on avait voulu établir dans les costumes ou les vêtements de leurs habitants. Cette fois, l'expérience des siècles ne fut point perdue, et, après plusieurs séances, où toutes les raisons pour ou contre furent mûrement examinées, au grand scandale des rigoristes, et malgré les vœux secrets des tailleurs, le bill des culottes fut rejeté et les montagnards écossais maintenus dans l'antique privilège de combattre presque in naturalibus les ennemis de la Grande-Bretagne. CULOTTES DE PEAU, expression figurée que l'Académie n'a pas encore adınise dans son Dictionnaire, mais qui ne peut manquer d'y trouver place un jour. Jadis comme aujourd'hui, certains corps privilégiés, composés de vieux soldats, tels que la maréchaussée, le guet à cheval, la gendarmerie, la garde de Paris, etc., etc., portaient la culotte de peau, blanche ou chatnois. De là vint l'habitude de confondre cette partie de l'uniforme avec l'homme qui en était revêtu, et de dire indifferemment on un soldat de la maréchaussee, ou un soldat du guet, ou un gendarme, ou un garde de Paris, ou une culotte de peau, aucune apparence CULTE 23 de raillerie ne s'attachant, du reste, en aucun temps, le ciel nous en est témoin, à cette très-innocente figure de rhétorique. Des gendarmes la qualification passa à tous les vieux soldats, qu'elle einbrassa en bloc. On les appela culottes de peau par derision, comme Napoléon les avait appelés grognards. CULOZ, village de France, département de l'Ain, à 16 kilom, de Belley, avec 1,383 habitants, est situé sur le Rhône à la bifurcation des chemins de fer de Turin et de Genève. L'embranchement de la ligne italienne de VictorEminanuel franchit le fleuve près de là sur un beau pont de fer, construit en 1858, d'après le système américain, et d'une longueur de 209 mètres. CULPABILITÉ (du latin culpa, faute). A la différence de la criminalité, qui caractérise le fait, la culpabilité ne s'attache qu'à l'homme, au prévenu; seulement elle constitue, comme elle, l'un des points de la vérification criminelle. La magistrature exercée par le jury se trouve résumée dans ce seul mot: la culpabilité. Or, la culpabilité réside tout entière dans l'intention de celui qui a agi; ainsi, lorsqu'on pose au jury cette question: Tel prévenu est-il coupable de tel crime? on ne lui demande pas si le fait est en lui-même criminel, ou si le prévenu a commis le crime qui lui est imputé; mais encore s'il l'a commis avec une intention criminelle, dans la plénitude de sa raison; car si un individu commet un acte criminel sans qu'il y ait de sa part aucune intention coupable, il pourra bien y avoir un malheur à déplorer, il pourra même y avoir lieu à des réparations civiles; mais il n'y aura point de coupable à frapper. C'est ainsi que la loi se refuse à regarder comme cou pables les insensés, les enfants qui ont agi sans discernement, et qu'elle admet différentes excuses pour des actes en eux-inènes criminels. CULTE. On rend un culte à tout ce qui paraît vénérable. à ce titre, qui plus que la Divinité a droit à nos hommages? Nous nous sentons sous l'ascendant d'une puissance suprême, à qui tout dans la nature doit son origine: un instinct primitif lui rapporte l'ordre qui nous frappe dans l'univers, le bienfait de notre existence, et tous ceux qui tendent à la conserver ou à l'embellir. Nous l'invoquons pour qu'elle nous délivre de tout ce qui nous fait souffrir. Ces sentiments sont inhérents à la nature de toute créature humaine. L'homme est une créature religieuse. Ce pieux instinct et la faculté de perfectionner sa raison, jusqu'à comprendre et pratiquer la loi du devoir, sont les attributs qui l'élèvent audessus des animaux. Sa beauté, son adresse, n'y sauraient suffire; sa force morale seule fait sa prééminence et imprime à tous ces dons un sceau divin. Le culte de la Divinité est donc le premier de nos devoirs et de nos besoins. Ainsi, l'origine de tout culte est dans notre coeur; l'amour et 'adoration sont des mouvements spontanes de notre ame. On confond souvent, dans le langage, le culte et la religion. Ce sont cependant deux choses différentes : la religion, c'est la croyance; le culte, c'est l'hommage. On adore Dieu parce que l'on y croit; mais ces deux actes étant inséparables, ou du moins le plus souvent simultanés, l'usage qui les réunit par une expression commune n'a rien que de naturel et de légitime. L'adoration suppose la foi, et vice versa. On a cherché bien loin l'origine des cultes, parce qu'on a voulu l'attribuer à des causes purement humaines; des poëtes et des philosophes ont prétendu que la crainte avait fait les dieux : Primus in orbe deos fecit timor....... Pour nier le sentiment religieux, pour repousser l'idée et l'instinct innés d'une puissance suprême, on a invoqué tour à tour toutes les maladies et les infirmités de l'esprit humain, les stupides hommages rendus par les noirs de l'Afrique, ou par des tribus sauvages et barbares de l'ancien et du nouveau monde, à des fétiches de toute espèce; les erreurs plus relevées du culte des astres (le sabéis me), les illusions plus nobles encore du culte professé par une reconnaissance aveugle pour les hommes d'un ordre supérieur (l'anthropolâtrie, trop souvent dégénérée en idolâtrie). Enfin, Dupuis n'a voulu voir que le sabéisme dans tout l'univers. Pour lui, l'astronomie est l'explication unique de toutes les croyances, et le Napoléon égyptien, Sésostris, devient le soleil. Sans doute, la superstition est une maladie de l'esprit humain, permise, comine les maux physiques, par l'ordre providentiel qui régit le monde. Que la barbarie soit une lèpre inhérente à l'enfance des sociétés, ou que, suivant les plus antiques traditions, les peuples soient tombés d'un état de prospérité et d'intelligence dans les ténèbres de l'ignorance et d'une grossièreté farouche, toujours est il qu'à l'exception d'un seul, l'histoire nous les montre se débattant au milieu de ces ténèbres, ne s'arrachant qu'avec peine à de stupides et honteuses pratiques, et ne parvenant qu'à l'aide de progrès lents et pénibles, à épurer leurs croyances et leurs cultes. Mais, comine la maladie, toujours accidentelle et passagère, atteste l'état normal du corps humain, la santé, de même les infirmités de l'esprit et de l'âme, les superstitions, servent à la fois de preuves et de transition pour l'état régulier de l'homme normal, une religion pure et un culte raisonnable. les Au fond de chaque superstition il y a toujours, en effet, un sentiment religieux qui s'égare; c'est la Divinité dont les antiques peuplades de la Grèce et les Gaulois, nos ancêtres, croyaient sentir la présence lorsqu'ils adressaient leurs hommages aux montagnes, aux fleuves et aux forêts, quand ils plaçaient leurs dieux sur l'Olympe, le mont Ida, le mont Cyllène; quand ils écoutaient les chênes fatidiques de Dodone, les oracles d'Apollon au pied du Pinde; lorsque les navigateurs hellènes invoquaient le trident de Neptune, dominateur des mers, le vieux Protée, pasteur prophète des troupeaux marins, Amphitrite et Thétys, reine des eaux, I Tritons, les Néréides et tous ces dieux, toutes ces déesses, à qui l'imagination riante des Grecs donna des urnes d'où l'onde s'épanchait en fleuves et en rivières. Quand il implore son fétiche, le noir Africain ne fait aussi rien moins que lui attribuer la toute-puissance éternelle, dont il a l'instinct confus, et dont la protection est pour lui aussi un besoin de tous les moments. Tout au moins, cet instinct stupide décerne-t-il à son informe idole une part à l'omnipotence divine. Plus intelligent que le nègre, le sauvage de l'Amérique s'élève jusqu'à l'idée du grand esprit qui règle le monde. S'il est quelques tribus malheureusement placées au plus bas degré de l'échelle du genre humain, telles que les peuplades farouches de la Nouvelle-Hollande, et si ces agrégations de créatures déshéritées, rares et peu nombreuses, sont assez abruties par une férocité, compagne de l'extrême misère, pour n'avoir pu sentir aucune étincelle de l'instinct religieux, ni éprouver le besoin d'aucun culte, comme le prétendent quelques voyageurs, que conclure de ces anomalies contre des sentiments universels, dans tous les âges, et chez tous les peuples connus? Ce n'est pas la pierre, le bois, la hache auxquels ils rendent un culte, qu'adorent encore les noirs et les sauvages, comme autrefois les Pélasges, les Germains et les Celtes. Le talisman dont l'Indou ou le Musulman croient s'approprier la vertu, la relique et l'amulette que le paysan portugais, espagnol ou calabrois vénère et conserve précieusement comme des préservatifs certains contre tous les dangers et tous les maux, ne sont pas les objets réels de leur foi, ni de leur culte Ce qu'ils honorent dans ces impuissants simulacres, c'est la toute-puissance de la Divinité, dont leur faiblesse réclame l'appui, et que leur folle superstition a incorporée dans ces idoles. C'est toujours vers la Divinité que remonte le culte le plus grossier. Par malheur, le fétichisme, ou l'adoration des objets ina nimés, qu'un aveugle histinct rend dépositaires du pouvoir divin, n'est pas seulement une infirmité des sociétés dans leur enfance primitive. Ce culte, inventé par une credulité insensée, s'est propagé jusqu'à nous. Il faut des miracles absurdes à qui ne comprend pas les merveilles de l'univers. Aussi, ce ridicule fétichisme maintient-il son empire au milieu des sociétés en apparence les plus civilisées; il s'y montre au sein des classes livrées par l'ignorance et la peur à l'ascendant des vieilles traditie ns et des anciens préjugés. Sans parler des deux péninsules, où la lumière a encore fait si peu de progrès dans la multitude, combien de superstitions empreintes de cette lèpre se retrouvent aujourd'hui même en Allemagne, en France et dans la Grande-Bretagne? Qui ne connaît les pratiques demeurées en vigueur parmi nos cultivateurs bas-bretons? Ces pratiques d'un déplorable abrutissement ne sont pas plus rares parmi les paysans de l'Irlande, de la principauté de Galles et du comté de Cornouailles. Quant au panthéisme, il ne fut d'abord que le rêve d'une philosophie encore dans l'enfance, puisqu'elle n'adresse réellement son hommage qu'à un eflet sans cause; mais des peuples naissants ne marchent pas si vite. Ils s'arrêtent aux phénomènes qui les frappent davantage. Ils commencent par éparpiller, pour ainsi dire, la toute-puissance, et reconnaissent une divinité pour chaque phénomène dont ils n'aperçoivent pas la raison. Ainsi procédèrent l'antique Égypte, la Phénicie et ensuite la Grèce. Chaque œuvre éclatante, utile ou bienfaisante de la nature, eut, pour l'accomplir ou la diriger, un dieu ou une déesse: Apollon guida le char du soleil; Diane présida au cours de la lune'; l'Aurore ouvrit les portes de l'Orient; Cérès, l'institutrice de Triptolème, régla les moissons; Pomone, les vergers; Bacchus, les vendanges; chaque fleuve s'écoula de l'urne d'un dieu, et chaque fontaine fut alimentée par sa naïade. Ainsi se constitua par des fables ingénieuses la gracieuse mythologie des Hellènes. Remarquons toutefois que les astres, les phénomènes, les œuvres de la nature, n'étaient pas, non plus, les vrais objets de leur culte. Ce furent les divinités à qui leur pensée en avait déféré la surveillance, qu'ils adorèrent. Si leur fantaisie créa des dieux qu'elle multipliait à l'infini, elle ne décerna la divinité qu'à l'intelligence, et elle lui donna la bienfaisance pour principal attribut. Ce peuple spirituel n'oublia pas, non plus, qu'à tant de puissances égales et secondaires il fallait un régulateur suprême, et Jupiter fut proclamé le père et le maître des dieux. En vain Dupuis et d'autres savants se sont-ils épuisés en conjectures plus ou moins plausibles; en vain se sont-ils efforcés de rapporter les mythes et les cérémonies de tous les cultes anciens au cours du soleil et de la lune, à l'action incessante du soleil sur notre globe, et aux harmonies naturelles des phénomènes astronomiques avec les travaux de l'agriculture. Sans doute, on reconnaît dans les allegories' phéniciennes, égyptiennes et grecques, dans les fêtes, les jeux et les actes d'adoration, institués en l'honneur des principa es divinités de ces temps antiques, la vive empreinte de la vénération populaire pour les astres, dont la inarche régulière dans l'espace, présidant à celle de l'année et des saisons, semble destinée à diriger les labeurs de notre vie. Le soleil surtout, ce moteur puissant de notre système planétaire, cette immense fournaise d'où jaillissent et se répandent de toutes parts le feu, la chaleur et la lumière, sources fécondes et éléments vivificateurs de toute existence physique, devait être célébré par les peuples primitifs comme l'astre bienfaisant qui entretient la vie sur la terre par la fertilité qu'il y alimente. Mais si ces peuples décernaient des hommages aux sphères célestes, il ne s'ensuit nullement, comme on a voulu le taire croire, que la saison des chaleurs fût à leurs yeux le bien unique, et l'hiver le mal absolu. Leurs idées s'étendaient plus loin, et leurs allégories, comme les prescriptions de leurs cultes, |