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dre fon caractere contre ceux qui n'en jugeoient pas auffi favorablement que lui,

le

Dans le tems même que M. Hume travailloit à rendre à M. Rouffeau le fervice le plus effentiel, il reçut de lui la lettre la plus outrageante. Plus coup étoit inattendu, plus il devoit étre fenfible. M. Hume écrivit cette aventure à quelques-uns de fes amis à Paris; & il s'exprima dans fes lettres avec toute l'indignation que lui infpiroit un fi étrange procédé. Il fe crut dispensé d'avoir aucun ménagement pour un homme, qui aprés avoir reçu de lui les marques d'amitié les plus conftantes & les moins équivoques, l'appelloit, motifs, faux, traître, & le plus méchant des hommes.

Cependant le démêlé de ces deux hommes célćbres ne tarda pas à éclater. Les plaintes de M. Hume parvinrent bientôt à la connoiffance du public, qui eut d'abord de la peine à croire que M. Rouffeau fût coupable de l'excès d'ingratitude dont on l'accufoit, Les amis même de M. Hume craignirent que dans un premier moment de fenfibilité, il ne fe fût laiffé emporter trop loin, & qu'il n'eût pris pour les défauts du cœur les délires de l'imagination, ou les travers de l'efprit. Il crut devoir éclaircir cette affaire, en écrivant un précis de tout ce qui s'étoit paffé entre lui & M. Rouffeau, depuis leur liaison jufqu'à leur rupture. Il envoya cet ecrit à fes amis; quelques-uns lui conseillerent de le faire imprimer, en lui difant que fes accufations contre M. Rouffeau étant devenues publiques, les

preuves

preuves devoient l'être auffi. M. Hume ne fe ren dit pas à ces raifons, & aima mieux courir le rifque d'un jugement injufte, que de fe réfoudre à un éclat fi contraire á fon caractere; mais un nouvel incident a vaincu fa réfiftance.

M. Rouffeau a adreffé à un libraire de Paris une lettre, où il accufe fans détour M. Hume de s'être ligué avec fes ennemis pour le trahir & le diffamer, & où il le défie hautement de fair imprimer les pieces qu'il a entre les mains. Cette lettre a été communiquée, à Paris, à un très-grand nombre de perfonnes; elle a été traduite en Anglois, & la traduction est imprimée dans les papiers de Londres. Une accufation & un défi fi publics ne pouvoient refter' fans réponse; & un plus long filence de la part de M. Hume auroit été interprété d'une maniere peu favorable pour lui.

D'ailleurs, la nouvelle de ce démêlé s'eft répan due dans toute l'Europe, & l'on en a porté des jugemens fort divers. Il feroit plus heureux fans doute que toute cette affaire eût été enfevelie dans un profond fecret; mais puifqu'on n'a pu empêcher le public de s'en occuper, il faut du moins qu'il fache à quoi s'en tenir. Les amis de M. Hume fe font reunis pour lui repréfenter toutes ces raifons. Il a fenti la néceffité d'en venir enfin à une extrémité qu'il redoutoit fi fort, & a confenti à laiffer imprimer fon mé roire. C'est l'ouvrage. que nous donnons ici. Le récit & les notes font traduits de l'Anglois. Les lettres de M. Rousseau,

qui

qui fervent de pieces juftificatives aux faits, font des copies exactes des originaux.

Cette brochure offrira des traits de bizarerie affez étranges a ceux qui prendront la peine de la lire; mais ceux qui ne s'en foucieront pas feront encore mieux; tant ce qu'elle renferme importe peu à ceux qui n'y font pas intéreflés.

Au refte, M. Hume, en livrant au public les pieces de fon procés, nous a autorifés à déclarer qu'il ne reprendra jamais la plume fur ce fujet. M. Rouffeau peut revenir à la charge; il peut produire des fuppofitions, des interprétations, des inductions, des déclamations nouvelles; il peut créer & réaliser de nouveaux phantômes & envelopper tout cela des nuages de fa rhétorique, il ne fera plus contredit. Tous les faits font actuellement fous les yeux du public. M. Hume abandonne fa caufe au jugement des efprits droits & des cœurs honnêtes.

IXPOSÉ

EXPOSÉ SUCCINCT, &c.

MA liaison avec M. Rouffeau commença en 1761, lorfqu'il fut décrété de prise de corps, à l'occafion de fon Emile, par un arrêt du Parlement de Paris. J'étois alors à Edinbourg. Une perfonne de mé rite m'écrivit de Paris que M. Rousseau avoit le def fein de paffer en Angleterre pour y chercher un afyle, & me demanda mes bons offices pour lui. Comme je fuppofai que M. Rouffeau avoit exécuté cette réfolution, j'écrivis à plufieurs de mes amis à Londres, pour leur recommander ce célebre exilé, & je lui écrivis à lui-même pour l'affurer de mon zele & de mon empreffement à le fervir. Je l'invi tois en même temps à venir à Edinbourg, fi ce féjour pouvoit lui convenir, & je lui offrois une retraite dans ma maifon pour tout le temps qu'il daigneroit la partager avec moi. Je n'avois pas be foin d'autre motif pour être excité à cet acte d'hu manité, que l'idée que m'avoit donnée du caractere de M. Rouffeau la perfonne qui me l'avoit recommandé, & la célébrité de fon génie, de fes talens, & fur-tout de fes malheurs, dont la caufe même étoit une raifon de plus pour s'intéresser à lui. Voici la réponse que je reçus.

M. ROUSSEAU

M. ROUSSEAU A M. HUME.

A Motiers-Travers, le 19 Février 1763.

"Je n'ai reçu qu'ici, Monfieur, & depuis peu, la lettre dont vous m'honoriez à Londres, le 2 Juillet dernier, fuppofant que j'étois dans cette capitale. C'étoit fans doute dans votre nation, & le plus près de vous qu'il m'eût été poffible, que j'aurois cherché ma retraite, fi j'avous prévu l'accueil qui m'attendoit dans ma patrie. Il n'y avoit qu'elle que je puffe préferer à l'Angleterre, & cette prévention, dont j'ai été trop puni, m'étoit alors bien pardonnable; mais, à mon grand étonnement, & méme à celui du public, je n'ai trouvé que des affronts & des outrages où j'efperois, finon de la reconnoissance, au moins des confolations. Que de chofes m'ont fair regretter l'afyle & l'hospitalité philofophique qui m'attendoient près de vous ! Toutefois mes malheurs m'en ont toujours rapproché en quelque maniere. La protection & les bontés de Mylord Marefchal, votre illuftre & digne compatriote, m'ont fait trouver, pour ainfi dire, l'Ecoffe au milieu de la Suiffe; il vous a rendu prćfent à nos entretiens; il m'a fait faire avec vos vertus la connoiffance que je n'avois faite encore qu'avec vos talens ; il m'a inspiré la plus tendre amitié pour vous & le plus ardent defir d'obtenir la vôtre, avant que je fuffe que vous étiez difpofé à me l'accorder. Jugez, quand je trouve ce penchant réciproque, combien j'aurois de plaifir à m'y livrer! Non, Monfieur, je ne vous rendois que la moitié

de

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