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que vous voudrez bien m'en faire la confidence

toute entière;

Car nous favons que Vénus et Minerve

De leurs tréfors vous comblent fans réferve. Les Grâces même et la troupe des Ris, Quoiqu'ils foient tous citoyens de Paris, Et qu'en ces lieux ils fe plaifent à vivre, Jufqu'en province ont bien voulu vous fuivre. Ayez donc la bonté de m'envoyer, Madame, fignée de votre main, la permiffion de venir vous voir. Je n'écris point à M. de Mimeure, parce que je compte que c'eft lui écrire en vous écrivant. Permettez-moi feulement, Madame, de l'affurer de mon refpect et de l'envie extrême que j'ai de le voir.

LETTRE II

A MADAME

LA MARQUISE DE MIMEURE.

1715

On ne peut vaincre fa deftinée: je comptais, Madame, ne quitter la folitude délicieufe où je 1716. fuis que pour aller à Sulli; mais M. le duc et madame la ducheffe de Sulli vont à Villars, et me voilà, malgré moi, dans la néceffité de le y aller trouver. On a fu me déterrer dans mon hermitage pour me prier d'aller à Villars; mais on ne m'y fera point perdre mon repos (3). Je porte à préfent un manteau de philofophe dont je ne me déferai pour rien au monde.

(3) M. de Voltaire avait eu une paffion très-violente pour madame la maréchale de Villars; il difait dans la fuit: que c'était la feule qui l'eût emporté fur l'amour da travail, et qui lui eût fait perdre du temps.

1716.

Vous ne me reverrez de longups, madame la Marquife; mais je me flatte que vous vous fou. viendrez un peu de moi, et que vous ferez toujours fenfible à la tendre et véritable amitié que vous favez que j'ai pour vous. Faites-moi l'honneur de m'écrire quelquefois des nouvelles de votre fanté et de vos affaires ; vous ne trouverez jamais perfonne qui s'y intéreffe autant que moi.

Je vous prie de m'envoyer le petit emplâtre que vous m'avez promis pour le bouton qui m'est venu fur l'œil. Sur-tout ne croyez point que ce foit coquetterie, et que je veuille paraître à Villars avec un défagrément de moins. Mes yeux commencent à ne me plus intéreffer qu'autant que je m'en fers pour lire et pour vous écrire. Je ne crains plus même les yeux de perfonne; et le poëme d'Henri IV et mon amitié pour vous font les deux feuls fentimens vifs que je me connaisse.

LETTRE III.

A MADAME

LA MARQUISE DE MIMEURE. Je vais demain à Villars: je regrette infiniment la campagne que je quitte, et ne crains guère celle où je vais.

Vous vous moquez de ma préfomption, Madame, et vous ne croyez d'autant plus faible. que je me crois raifonnable. Nous verrons qui aura raison de nous deux. Je vous réponds par

avance que fi je remporte la victoire, je n'en ferai pas fort énorgueilli.

Je vous remercie beaucoup de ce que vous m'avez envoyé pour mon œil; c'eft actuellement le feul remède dont j'aye befoin, car foyez bien sûre que je fuis guéri pour jamais du mal que vous craignez pour moi: vous me faites fentir que l'amitié eft d'un prix plus eftimable mille fois que l'amour. Il me femble même que je ne fuis point du tout fait pour les paffions. Je trouve qu'il y a en moi du ridicule à aimer, et j'en trouverais encore davantage dans celles qui m'aime1aient. Voilà qui eft fait ; j'y renonce pour la vie.

Je fuis fenfiblement affligé de voir que votre colique ne vous quitte point; j'aurais dú commencer ma lettre par là. Mais ma guérison, dont je me flatte, m'avait fait oublier vos maux pour un petit moment.

S'il y a quelques nouvelles, mandez-les-moi à Villars, je vous en prie. Confervez, fi vous pouvez, votre fanté et votre fortune. Je n'ai rien de fi à cœur que de trouver l'une et l'autre rétablies à mon retour. Ecrivez-moi au plutôt comment vous vous portez.

1715

1717.

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Vous avez beau vous défendre d'être mon maître, vous le ferez quoi que vous en difiez. Je fens trop le befoin que j'ai de vos conseils; d'ailleurs les maîtres ont toujours aimé leurs difciples, et ce n'eft pas là une des moindres raifons qui m'engagent à être le vôtre. Je fens qu'on ne peut guère réuffir dans les grands ouvrages fans un peu de confeils et beaucoup de docilité. Je me fouviens bien des critiques que monfieur le grand-prieur et vous, me fites dans un certain fouper chez M. l'abbé de Buffi. Ce fouper-là fit beaucoup de bien à ma tragédie ; et je crois qu'il me fuffirait pour faire un bon ouvrage de boire quatre ou cinq fois avec vous. Socrate donnait fes leçons au lit, et vous les donnez à table; cela fait que vos leçons font fans doute plus gaies que les fiennes.

Je vous remercie infiniment de celles que vous m'avez données fur mon épître à M. le Régent; et quoique vous me confeillez de louer, je ne laifferai pas de vous obéir.

Malgré le penchant de mon cœur,

A vos confeils je m'abandonne,
Quoi! je vais devenir flatteur!

Et c'eft Chaulieu qui me l'ordonne! (*)

Je fuis, etc.

(*) Voyez le Volume d'Epitres, et les Lettres en vers. L'abbé de Chaulieu mourut en philofophe en 1720, à l'âge de Si ans.

LETTRE

A MADA ME

V.

LA MARQUISE DE MIMEURE.

A Villars.

AURIEZ-VOUS, Madame, affez de bonté pour moi, pour être un peu fâchée de ce que je fuis 1719. fi long-temps fans vous écrire? Je fuis éloigné depuis fix femaines de la défolée ville de Paris: je viens de quitter le Bruel où j'ai paffé quinze jours avec M. le duc de la Feuillade. N'eft-il pas vrai que c'est bien là un homme? Et fi quelqu'un approche de la perfection, il faut abfolument que ce foit lui. Je fuis fi enchanté de fon commerce que je ne peux m'en taire, fur-tout avec vous pour qui vous favez que je pense comme pour M. le duc de la Feuillade, et qui devez furement l'eftimer par la raifon qu'on a toujours du goût pour fcs femblables.

Je fuis actuellement à Villars: je paffe ma vie de château en château ; et fi vous aviez pris une maifon à Paffi, je lui donnerais la préférence fur tous les châteaux du monde.

Je crains bien que toutes les petites tracaf feries que M. Law a cues avec le peuple de Paris, ne rendent les acquifitions un peu difficiles. Je fonge toujours à vous lorfqu'on me parle des affaires préfentes; et dans la ruine totale que quelques gens craignent, comptez que c'est votre intérêt qui m'alarme le plus.

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