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Ah, ma chère préfidente, qu'avec tout cela je 1725. fuis quelquefois de mauvaise humeur de me trouver feul dans ma chambre, et de fentir que vous êtes à trente lieues de moi! Vous devez être dans le pays de Cocagne. M. l'abbé d'Amfreville, avec fon ventre de prélat et fon vifage de chérubin, ne reffemble pas mal au roi de Cocagne. Je m'imagine que vous faites des foupers charmans, que l'imagination vive et féconde de madame du Deffant et celle de M. l'abbé d'Amfreville en donnent à notre ami Thiriot, et qu'enfin tous vos momens font délicieux. M. le chevalier Defalleurs eft-il encore avec vous ? Il m'avait dit qu'il y refterait tant qu'il y trouverait du plaisir : je juge qu'il y demeurera long-temps.

Adieu, je pars inceffamment pour Fontainebleau; confervez-moi toujours bien de l'amitié. Adieu, adieu.

LETTRE XXVII.

A MADAME

LA PRESIDENTE DE BERNIERES.

HIER

A Verfailles, septembre.

IER à dix heures et demie le roi déclara qu'il époufait la princeffe de Pologne, et en parut très-content. Il donna fon pied à baiser à M. d'Epernon, et fon cu à M. de Maurepas, et reçut les complimens de toute fa cour qu'il mouille tous les jours à la chaffe par la pluie la plus horrible. Il va partir dans le moment pour Ram

bouillet, et époufera mademoiselle Leczinska à Chantilly. Tout le monde fait ici fa cour à madame 1725. de Bezeval qui eft un peu parente de la reine. Cette dame, qui a de l'efprit, reçoit avec beau coup de modeftie les marques de baffeffe qu'on lui donne. Je la vis hier chez M. le maréchal de Villars. On lui demanda à quel degré elle était parente de la reine; elle répondit que les reines n'avaient point de parens. Les noces de Louis XV font tort au pauvre Voltaire. On ne parle de payer aucune penfion, ni même de les conferver; mais en récompenfe on va créer un nouvel impôt pour avoir de quoi acheter des dentelles et des étoffes pour la demoiselle Leczinska. Ceci reffemble au mariage du foleil qui fefait murmurer les grenouilles. Il n'y a que trois jours que je fuis à Verfailles, et je voudrais déjà en être dehors. La Rivière-Bourdet me plaira plus que Trianon. et Marly, et je ne veux dorénavant d'autre cour que la vôtre. Mandez-moi des nouvelles de votre fanté. Digérez-vous bien? allez-vous fouvent aux fpectacles? avez-vous fait dire à Dufrène et à la le Couvreur de jouer Mariamne? l'abbé Desfontaines eft-il en liberté? Thiriot eft-il toujours bien femillant? Confervez-moi votre amitié dont je fais plus de cas que d'une penfion et de ceux qui la donnent.

1725.

LETTRE XXVIII.

A MADAME

LA PRESIDENTE DE BERNIERES.

A Fontainebleau, ce vendredi 7 septembre.

PENDA

ENDANT que Louis XV et Marie-SophieFélicité de Pologne font avec toute la cour à la comédie italienne, moi qui n'aime point du tout ces pantalons étrangers et qui vous aime de tout mon cœur, je me renferme dans ma chambre pour vous mander les balivernes de ce pays-ci que vous avez peut-être quelque curiofité d'apprendre. 1°. M. de la Vrillière vient de mourir cette nuit à Fontainebleau, et M. le maréchal de Grammont eft mort à Paris à la même heure. Ils ont affurément pris bien mal leur temps tous deux ; car au milieu de tout le tintamarre du mariage du roi, leurs morts ne feront pas le moindre petit bruit. } Ces jours paffés le carroffe de M. le prince de Conti renverfa en paffant le pauvre Martinot, horloger du roi, qui fut écrafé fous les roues, et mourut fur le champ. On ne prendra pas plus. garde à la mort de meffieurs de la Vrillière et de Grammont qu'à celle de Martinot, à moins que quelqu'un n'ofe demander, malgré les furvivances, la place de fecrétaire d'Etat et celle de colonel des gardes. Cependant on fait tout ce qu'on peut ici pour réjouir la reine.

Le roi s'y prend très-bien pour cela. Il s'eft vanté de lui avoir donné fept facremens pour la

première nuit, mais je n'en crois rien du tout. Les rois trompent toujours leurs peuples. La reine 1725. fait très bonne mine, quoique fa mine ne foit point du tout jolie. Tout le monde eft enchanté ici de fa vertu et de fa politeffe. La première chofe qu'elle a faite, a été de diftribuer aux princeffes et aux dames du palais toutes les bagatelles magnifiques qu'on appelle fa corb:ille: cela confiftait en bijoux de toute espèce, hors des diamans. Quand elle vit la caffette où tout cela était arrangé: Voilà, dit-elle, la première fois de ma vie que j'ai pu faire des préfens. Elie avait un peu de rouge le jour du mariage, autant qu'il en faut pour ne pas paraître påle. Elle s'evanouit un petit inftant dans la chapelle, mais feulement pour la forme. Il y eut le même jour comédie. J'avais préparé un petit divertiffement que M. de Mortemart ne voulut point faire exécuter. On donna à la place Amphitryon et le Médecin malgré lui; ce qui ne parut pas trop convenable. Après le fouper, il y eut un feu d'artifice avec beaucoup de fufées et très-peu d'invention et de variété, après quoi le roi alia fe préparer à faire un dauphin. Au refte, c'eft ici un bruit, un fracas, une preffe, un tumulte épouvantable. Je me garderai bien, dans ces premiers jours de confution, de me faire préfenter à la reine ; j'attendrai que la foule foit écoulée et que fa Majefté foit un peu revenue de l'étourdiffement que tout ce fabbat doit lui caufer; alors je tâcherai de faire jouer Oedipe et Mariamne devant elle; je lui dédierai l'un et l'autre elle m'a déjà fait dire qu'elle ferait bien

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aife que je priffe cette liberté. Le roi et la reine de Pologne, car nous ne connaiffons plus ici le roi Augufte, m'ont fait demander le poëme d'Henri IV, dont la reine a déjà entendu parler avec quelque éloge; mais il ne faut ici fe preffer fur rien. La reine va être fatiguée inceffamment des harangues des compagnies fouveraines; ce ferait trop que de la profe et des vers en même temps. J'aime mieux que fa Majefté foit ennuyée par le parlement et par la chambre des comptes que par moi.

Vous qui êtes reine à la Rivière, mandez-moi, je vous en prie, fi vous êtes toujours bien contente dans votre royaume. Je vous affure que je préfère bien dans mon cœur votre cour à celle-ci, fur tout depuis qu'elle eft ornée de madame du Deffant et de M. l'abbé d'Amfreville. Je vous aime tendrement et vous embraffe mille fois. Adieu.

LETTRE XXIX.

A MADAME

LA PRESIDENTE DE BERNIERES.

A Fontainebleau, 13 novembre.

LA reine vient de me donner fur fa caffette une penfion de quinze cents livres que je ne demandais pas: : c'eft un acheminement pour obtenir les choLes que je demande. Je fuis très-bien avec le fecond premier miniftre, M. Duverney. Je compte fur l'amitié de madame de Prie. Je ne

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