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méler dans fon avertiffement quelque trait de fatire et de calomnie. Cependant il m'eft impor. 1735 tant qu'on fache la vérité, et je vous prie d'engager foit l'abbé Desfontaines, foit le Mercure, foit le Pour et Contre, à me rendre en deux nots cette juftice.

J'ai lu la nouvelle critique des Lettres philofo phiques; c'eft l'ouvrage d'un ignorant, incapable d'écrire, de penfer et de m'entendre. Je ne crois pas qu'il y ait un honnête homme qui ait pu achever cette lecture. Vous croyez bien que je ne tire pas même vanité des injures que me dit ce mifeable; mais j'avoue que je fuis bleffé des calomnies perfonnelles que ces gredins répétent fas ceffe. Les cris de la canaille ne peuvent rien contre la réputation d'un écrivain qui a les fuffrages du public; mais les accufations infamantes défoleat toujours un honnête homme. De quel front ces lâches calomniateurs ofent-ils dire que j'ai trompe mon lib aire dans l'édition des Lettres philofophiques à Londres ? N'êtes-vous pas intérelle a réfuter cette accufation? Qu'on me dife un peu par quelle rage les gens de lettres s'acharnent a me reprocher ma fortune et l'ufage que j'en fais, à moi qui ai pré-é et donné tout mon bien, à moi qui ai nourri, logé et entretenu comme mes enfans deux gens de lettres, pendant tout le temps que j'ai demeuré à Paris, après la mort de madame de Fontaine - Martel. Qu'on me dife quel eft le libraire qui peut fe plaindre de moi. Il n'y en a aucun de tous ceux que j'ai employés, à qui je n'aye fait gagner de l'argent, T. 79. Correfp. générale. T. I.

A a

et à qui je n'aye remis partie de ce qu'ils me de1735. vaient. Je fuis honteux d'entrer dans ces détails; mais la lâcheté avec laquelle on cherche à me diffimer, doit exciter le courage de mes amis, et c'eft à eux à parler pour moi. En voilà trop fur un chapitre aufli défagréable.

Si vous connaiffez quelque livre où l'on puiffe trouver de bons mémoires fur le commerce, je vous prie de me l'indiquer, afin que je le faffe venir de Paris. Faites-moi connaître auffi tous les livres où l'on peut trouver quelques inftructions touchant l'hiftoire du dernier fiècle et le progrès des beaux arts: je vous répéterai toujours cette antienne. Adieu, mon ami. Entonnez-vous tou. jours beaucoup de vin deChampagne ? Avez-vous revu la cruelle bégueule, jadis et peut-être encore reine de votre cœur? Je comptais que mon ami Fakener viendrait me voir en passant par Calais; mais il s'en va par l'Allemagne et par la Hongrie.

Si je n'étais pas à Cirey, je vous avoue que dans deux mois je ferais fur la Propontide avec mon ami, plutôt que de revoir une ville où je fuis fi indignement traité; mais quand on est à Cirey, on ne le quitte point pour Conftantinople; et puis, que ferais-je fans vous? Vale et me ama, Scribe Sape, Scribe multùm.

LETTRE CLIII.

A M. BERGER.

Septembre.

1735.

Vous favez le plaifir que me font vos lettres,

mon cher Monfieur; elles me fervent d'antidote contre toutes ces miférables brochures qui m'inondent. Tous ces petits infectes d'un jour piquent un moment et difparaiffent pour jamais. Parmi les fottifes qu'on imprime, j'ai vu avec douleur une certaine tragédie de moi, nommée la Mort de Céfar. Les éditeurs ont maffacré ce Cefar plus que n'ont jamais fait Brutus et Caffius. J'admire l'abbé Desfontaines de m'imputer toutes les pauvretés, les mauvais vers, les phrases inintelligibles, les fcènes tronquées et tranfpofées qui font dans cette miférable édition! Un homme de goût diftingue aifément la main de l'ouvrier; il fait qu'il y a certains défauts dont un auteur qui connaît les premières règles de fon art eft incapable; mais il paraît que l'abbé Desfontaines fait bien mal les règles du goût, de l'équité, de la raifon, de la fociété, et fur-tout de la reconnaiffance. Il n'y a point de lecteur qui ne doive être indigné quand cet abbé compare les ftoïciens aux quakers. Il ne fait pas que les qua kers font des gens pacifiques, les agneaux de ce monde; que c'eft un point de la religion chez eux de ne jamais aller à la guerre, de ne porter pas même d'épée. C'eft avec autant d'erreurqu'il prononce que Brutus était un particulier;

tout le monde fait affez qu'il était fénateur et 1735. préteur; que tous les conjurés étaient fénateurs, etc. Je ne relèverai point toutes les méprifes dans lefquelles il tombe; mais je vous avoue que toute ma patience m'abandonne, quand il ofe dire que la Mort de Céfar est une pièce contre les mœurs. Eft-ce donc à lui à parler de mœurs ? Pourquoi fait-il imprimer une lettre que je lui ai écrite avec confiance? Il trahit le premier devoir de la fociété. Je le priais de garder le fecret fur ma lettre et fur le lieu où je fuis, et de dire feulement en deux mots que cette impertinente édition de la Mort de Céfar n'a prefque rien de commun avec mon ouvrage. Au lieu de faire ce que je lui de mande, il imprime une fatire où il n'y a ni raison ni équité, et au bout de cette fatire il donne ma lettre au public. On croirait peut-être, à ce procédé, que c'est un homme qui a beaucoup à fe plaindre de moi, et qui cherche à se venger à tort et à travers ; c'eft cependant ce même homme pour qui je me traînai à Versailles, étant prefque à l'agonie, pour qui je follicitai toute la cour, et qu'enfin je tirai de bicêtre. C'est ce même homme quele ministère voulait faire brûler, contre qui les procédures étaient commencées; c'eft lui à qui j'ai fauvé l'honneur et la vie; c'est lui que j'ai loué comme un affez bon écrivain, quoiqu'il m'eût fort faiblement traduit ; c'eft lui enfin qui, depuis ces fervices effentiels, n'a jamais reçu de moi que des politeffes, et qui, pour toute reconnaiffance, ne ceffe de me déchirer. Il veut, dans les feuilles qu'il donne toutes les femaines, tourner la Henriade en ridicule.

Savez-vous bien qu'il en a fait une édition clandeftine à Evreux, et qu'il y a mis des vers de 173 5. fa façon ? C'etait bien la meilleure manière de rendre l'ouvrage ridicule. Je vous avoue que ce continuel excès d'ingratitude eft bien fenfible. J'avais cru ne trouver dans les belles-lettres que de la douceur et de la tranquillité, et certainement ce devrait être leur partage; mais je n'y ai rencontré que trouble et qu'amertume. Que ditesvous de l'auteur d'une brochure contre les Lettres philofophiques, qui commence par affurer que non-feulement j'ai fait imprimer cet ouvrage en Angleterre, mais que j'ai trompé le libraire avec qui j'ai contracté, moi qui ai donné publiquement cet ouvrage à M. Thiriot pour qu'il en eût feul tout le pofit: Peut-on m'accufer d'une baffeffe i directement oppofée à mes fentimens et à ma conduite ? Qu'on m'attaque comme auteur, je me tais; mais qu'on veuille me faire paffer pour un mal-honnête homme, cette horreur m'arrache des larmes. Vous voyez avec quelle confiance je répands ma douleur dans votre fein. Je compte fur votre amitié autant que j'ambitionne votre eftime.

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Je vous avoue, mon cher ami, que je fuis in

digné des brochures de l'abbé Desfontaines. C'est déjà le comble de l'ingratitude dans lui de prononcer mon nom, malgré moi, après les obli

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