1734 LETTRE CXXV. A M. LE DUC DE RICHELIEU. A Cirey, ce 30 feptembre. Vous attendez apparemment, Meffieurs du Rhin, que l'Italie foit nettoyée d'Allemands, pour que vous faffiez enfin quelque beau mouvement de guerre, ou peut-être pour que vous publiez la paix à la tête de vos armées. Le pacifique philo fophe dont vous vous moquez eft cependant entre fes montagnes, fefant pénitence comme don Quichotte, et attendant fa Dulcinée. J'ai appris, dans ma folitude, que madame de Richelieu devien tous les jours une grande philofophe, et qu'elle a berné et confondu publiquement un ignorant prédicateur de jéfuite, qui s'eft avifé de difputer contre elle fur l'attraction et fur le vide. Vous allez de votre côté devenir un grand aftronome, quand vous aurez le gnomon univerfel que Varinge a promis de faire pour la fomme de trois cents cinquante livres. Vous pouvez écrire à votre favante époufe de preffer ledit Varinge qui doit travailler à cet ouvrage inceffamment, et le livrer au mois d'octobre. Croyez, monsieur le Duc, que mon refpect pour la phyfique et pour l'aftronomie ne m'ôte rien de mon goût pour l'hiftoire. Je trouve que vous faites à merveil'e de l'ainter. Il me fen ble que c'eft one science réceffaire pour les feineurs de votre forte, et qu'elle eft bien plus de reffource dans la fociété, plus amufante et bien moins fatigante que toutes les fciences abftraites. Il Un peu las de votre campagne, Et pour des ... fermes et ronds: 1734. LETTRE CXXVI. A M. LE COMTE D'ARGENTA L. Dans un cabaret hollandais fur le chemin de Bruxelles, le 4 novembre. MON cher et refpectable ami, voilà horrible. ment de bruit pour une omelette. On ne peut être ni moins coupable ni plus vexé. Je n'ai pas manqué une pofte. Ce n'eft pas ma faute fi elles font trèsinfidelles dans les chemins de traverfe de l'Alle. magne; et puifqu'on envoya en Touraine une de vos lettres adreffée en Hollande, on peut avoir fait de plus grandes méprifes dans la Franconie et dans la Veftphalie. J'ai été un mois entier fans recevoir de nouvelles de votre amie (*); mais j'ai été affligé fans colère, fans croire être trahi, fans mettre toute l'Allemagne en mouvement. Je vous avoue que je fuis très - fâché des démarches qu'on a faites. Elles ont fait plus de tort que vous ne penfez; mais il n'y a point de fautes qui ne foient bien chères quand le cœur les fait commettre. J'ai les mêmes raifons pour pardonner, qu'on a eues de fe mal conduire. Vous auriez grand tort, mon cher ange, de m'avoir condamné fans m'entendre. Et quel befoin même aviez-vous de ma juftification? votre cœur ne devait-il pas deviner le mien? et n'est-ce pas au maître à répondre du difciple? Je me flatte que vous me reverrez bientôt à l'ombre de vos ailes, que vous me rendrez plus de juftice, et que vous apprendrez à votre amie à ne point (*) Madame la marquife du Châtelet. obfcurcir par des orages un ciel auffi ferein que le nôtre. Mille tendres refpects à tous les anges. Ce 6 novembre. J'ARRIVE à Bruxelles où je jouis du bonheur de voir votre amie en bien meilleure fanté que moi; je me croirai parfaitement heureux, quand l'un et l'autre nous aurons la consolation de vous embraffer. Je fens ma joie toute troublée par la maladie de madame d'Argental. J'ai reçu ici une ancienne lettre de morfieur le commandeur de Solar. Je vais lui répondre. Je me flatte que l'un de mes deux anges l'affurera bien qu'il n'eft pas fait pour être oublié. Tous ces miniftres de Sardaigne font aimables; j'en ai vu deux dont je fuis prefque aufli content que de M. de Solar. Adieu, couple charmant; adieu, divinités de la fociété et de mon cœur. LETTRE CXXVII. A M. LE COMTE D'ARGENTAL. Novembre. J'AI mené 1734.. un livre innocent, ceffera. Pour moi, je vous 1734. avoue qu'il faudra que je fois bien philofophe pour oublier la manière indigne dont j'ai été traité dans ma patrie. Il n'y a que des amis tels que vous, et tels que ceux qui m'ont fi bien fervi, qui puiffent me faire refter en France. Voulez-vous, fi je ne reviens pas fitôt, que je vous envoye certaine tragédie fort fingulière, que j'ai achevée dans ma folitude? C'eft une pièce fort chrétienne, qui pourra me réconcilier avec quelques dévots; j'en ferai charmé, pourvu qu'elle ne me brouille pas avec le parterre. C'est un monde tout nouveau, ce font des mœurs toutes neuves. Je fuis perfua 'é qu'elle réuffirait fort à Panama et à Fernambouc. Dieu veuille qu'elle ne foit pas fifflee à Paris. J'avais commencé cet ouvrage, l'année poffee, avant de donner Adélaïde, et j'en avais meme tu la première fcène au jeune Crébillon et à Dufrejne. Je fuis affez sûr du fecret de Dufrefue, mais je doute fort de Cébillon. En tout cas, je lui ferai demander le fecret, faut a lui à le garder s'il veut. Vous pourriez toujours faire donner la pièce à Dufresne, fans que Crebillon ni perfonne en sût rien. Le pis qui pourrait arriver ferait dèt e reconnu ap és la première repréfentation; mais nous aurions toujours prevenu les cabal s. Les examina teurs, ne fachant pas que l'ouvrage eft de moi, le jugera ert avec moins de rigueur, et pafferaient une infinité de chofes que mon nom feul leur rendrait fufpectes. Eft-il vrai que M. Palu a affe de l'intendance de Moulins à celle de Befançon? |