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là fe mettre à l'abri de vos juftes plaintes et de la

* févérité du miniftère. Il ne vous écrit point; il a 1734. même eu l'infolence de dire à M. Hérault, que c'était chez vous qu'était cette édition qu'on débite dans Paris; et c'eft fur cette infame calomnie d'un fcélérat d'imprimeur, ingrat à toutes vos bontés, qu'on eft venu vifiter chez vous.

Voilà les difcours que me tient Demoulin; et quand je fonge que j'ai trouvé dans les exemplaires qu'on vend à Paris, les mêmes fautes qui s'étaient gliffées dans les premières feuilles imprimées autrefois, et depuis fupprimées, je fuis bien tenté d'être de l'avis de Demoulin.

D'un autre côté, j'apprends qu'un nommé René Joffe fefait encore une édition de ce livre, laque le a été découverte. Ce René Joffe a été dénoncé à Demoulin, par François Joffe fon parent. Ce François Joffe a bien l'air d'avoir fait lui-même, de concert avec fon coufin René, l'édition qui al fait tant de vacarme. Il y a grande apparence que ce François Joffe, qui a eu entre les mains un des trois exemplaires que j'avais, et qui me l'a fait. relier, il y a deux mois et demi, en aura abulé, l'aura fait copier, et l'aura imprimé avec René, que depuis, la jaloufie qu'il aura eue de la deuxième édition de René, l'aura porté à la dénoncer. Voilà ce que je corjecture; vo à ce que je Vous prie de pefer avec M. de Cideville. Vous pou vez après cela avoir la bonté d'en parler à Jore. S'il n'eft pas coupable, il doit être charné d'avoir cette ouverture pour fe juftifier. Mais co pable ou non, il doit m'écrire ou me faire inftruire des

démarches qu'il a faites; et s'il ne le fait pas, *734 je fuis dans la ferme résolution de le dénoncer au garde des fceaux, et je le perdrai affurément. Il eft trop horrible d'être fa victime et fa dupe, lorfet d'avoir foutenu et attefté fon innocence, qu'il en ufe avec tant d'indignité. C'eft une des chofes qui ont ajouté un poids plus infupportable à mon malheur. Je vous demande en grâce d'en conférer avec votre ami, et de me mander tous deux votre fentiment. J'attends vos réponses avec une extrême impatience, et je vous embrasse tendrement.

LETTRE CXVII.

A M. DE CIDEVILLE

Ce 22 juin.

JE reçois, mon cher et judicieux et très-constant

ami, trois lettres de vous à la fois, qui auraient dû me parvenir il y a près de trois femaines. D'a bord je vais vous mettre au fait de ma fituation avec Jore.

Dès le 3 mai, je fus averti que le livre parai fait et qu'il y avait une lettre de cachet. Mes amis de Paris me mandèrent qu'ils croyaient que j'apai ferais tout, fi je livrais l'édition que le garde des fceaux fuppofait entre mes mains. Je fis réponse que je n'avais point d'édition, et je me mis en retraite.

Je fus extrêmement furpris que Jore ne m'eût point écrit pour m'inftruire de ce qui fe paffait. Il devait bien s'attendre que la publication du

livre,

livre, et fon filence, le rendraient coupable dans mon efprit. Ne fachant s'il était libre ou à la baf- 1734. tille, je lui écrivis ces propres paroles, par Demoulin: S'il eft vrai que vous ayez une édition de ce livre (ce que je ne crois pas ), ou fi vous en pouvez trouver une, portez-la chez M. Rouillé, et je la payerai au prix qu'il taxera.

= C'était lui faire entendre que je ne l'accufais
pas, et que je lui donnais un moyen de fe fauver
et de ne rien perdre, s'il était coupable. J'ai fait
plus; quand je fus certainement qu'il était à la
baftille, j'écrivis à M. Rouillé et à M. Hérault les
lettres les plus fortes par lefquelles je leur atteftais
l'innocence du prifonnier. Je ne fais pas quels in-
dignes menfonges ont employé les interrogateurs,
mais je fais que l'interrogé m'a chargé contre
toute raifon, contre la vérité, contre fon honneur
et contre fon intérêt, en un mot, en vrai libraire.
Vous en verrez la preuve dans la lettre ci-jointe
que je vous prie de brûler; elle eft d'un confeiller
au parlement, ami de M. Hérault et de M. Rouillé.
Sur la dépofition de ce miférable, M. Hérault
affura le cardinal de Fleuri et monfieur le garde
des fceaux, que c'était moi même qui étais l'au
teur de l'édition débitée; et monfieur le cardinal
écrivit, le 28 mai, à un de mes amis, qui m'a
renvoyé la lettre du cardinal.

. Cependant, madame d'Aiguillon et plufieurs,
autres perfonnes avaient parlé vivement en ma
faveur au garde des fceaux;
garde des fceaux ; et ma liberté
et la fin de mon affaire ne tenaient plus qu'à
une lettre de défaveu que l'on exigeait de
·79. Correfp. générale. T. I.

T.

Τ

1734.

moi. Tout le monde m'en écrivit, mais toutes les lettres allèrent à un endroit où je n'étais pas. Je n'en reçus aucune dans la retraite où j'étais. Cette erreur fut caufée par Demoulin qui fait mes affaires, mais qui eft un peu inattentif. Mon filence fit croire au garde des fceaux que je ne voulais pas plier; et fon opiniâtreté fe fachant contre la mienne, il a fait rendre ce bel arrêt qui dé honore la grande chambre, et qui ne rend pas les Lettres philofophiques plus mauvaises. Cependant j'étais prêt à obéir à monfieur le garde des fceaux, et il n'en favait rien.

Que conclure de tout ceci, et que faire? Premièrement, je conc'us qu'il y a des événemens dans la vie qu'il faut fouffrir fans murmore, comme la fièvre ; que la publication de ces Lettres eft une infidélité ruelle qu'on m'a faite, fans que j'en fache précisément l'auteur; que le grand tort de Jore eft de ne m'avoir point écrit, de ne m'avoir point informé de fes déma ches, et furtout de m'avoir accufé fi lachement et avec fi pu de bon fans. Vous lui ferez entendre raifon quand vous le verrez, et vous faurez de lui fes malheurs et fes fautes.

Je joins ici la copie d'une lettre à un de mes amis (*), au lieu de vous envoyer de nouvelles réflexions. Je viens de recevoir une lettre de notre ami Formont. J'a'ais lui répondre; mais Voici des nouvelles fi aff eufes qui me viennent, touchant M. de Richelieu, que la plume me

(*) M. de la Condamine,

tombe des mains (23). Je mourrais de douleur fi elles étaient vraies. Mon Dieu, quel funefte mariage j'aurais fait!

Adieu, mon tendre ami; mes complimens à tous nos amis.

LETTRE CXVIII.

A M. DE LA CONDAMINE.
Le 22 juin.

Si la grand'chambre était compofée, Monfieur,

d'excellens philofophes, je ferais très-fâché d'y avoir été condamné; mais je crois que ces vénérables magiftrats n'entendent que très-médiocrement Newton et Locke. Ils n'en font pas meins refpectables pour moi, quoiqu'ils aient donné autrefois un arrêt en faveur de la phyfique d'Arif tote, qu'ils aient défendu de donner l'émétique, etc.; leur intention eft toujours très-bonne. Ils croyaient que l'émétique était un poifon; mais depuis que plufieurs confeillers de la grand'chambre furent guéris par l'émétique, ils changèrent d'avis, fans pourtant réformer leur jugement; de forte qu'encore aujourd'hui l'émétique demeure profcrit par un arrêt, et que M Silva ne laiffe pas d'en ordonner à ces Meffieurs, quand ils font tombés en apoplexie. Il pourrait peut-être arriver à peu près la même chose à mon livre;

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(23) Plufieurs des princes de la maifon de Lorraine avaient été mécontens de ce mariage; l'un d'eux (le prince de Lixen) le fit fentir durement à M. de Richelieu, au camp de Philipsbourg; ils fe battirent fur le revers de la tranchée, et M. de Lixen fut tué.

1734.

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