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encore qu'à diner. La première année fera peut 1732. être rude à paffer pour ce pauvre Linant. Heureu fement il me paraît fage et d'une vertu douce. Avec cela, il eft impoffible qu'il ne perce pas à la longue. Adieu. Quand reviendrai-je à Rouen, et quand reviendrez-vous à Paris ?

LETTRE LXL

A M. DE CIDEVILLE.

M

Samedi, 9 d'augufte.

ESSIEURS Formont et Cideville,

De grâce pardonnez au ftyle

Qui ma Zaire barbouilla,
Lorfqu'étant en fale cornette,
A la hâte on vous l'envoya,
Avant d'avoir fait fa toilette.

J'étais fi preffé, meffieurs mes Juges, quand je fis le paquet, que je vous envoyai une leçon de Zaïre qui n'eft pas tout-à-fait la bonne. Mais figu. rez-vous que la dernière fcène du troisième acte et la dernière du quatrième entre Orofmane et Zaire, font comme il faut ; imaginez-vous qu'0rofmane n'a plus le billet entre les mains, et l'a déjà fait donner à un efclave, quand il fe trouve avec Zaïre à qui il a toujours envie de tout mon. trer. Croyez qu'il y a bien des vers corrigés, et que fi je n'étais pas auffi preffé que je le fuis, vous auriez de moi des lettres de dix pages.

LETTRE

LETTRE LXII.

A M. DE CIDEVILLE.

25 d'augufte.

MES chers et aimables critiques, je voudrais
que vous puiffiez être témoins du fuccès de Zaïre,
vous verriez que vos avis ne m'ont pas été inutiles;
et qu'il y en a peu dont je n'aye profité. Souffrez,
mon cher Cideville, que je me livre avec vous, en
liberté, au plaifir de voir réuffir ce que vous avez
approuvé. Ma fatisfaction s'augmente en vous la
communiquant. Jamais pièce ne fut fi bien jouée
que Zaïre à la quatrième repréfentation. Je vous
fouhaitais bien là: vous auriez vu que le public
ne hait pas votre ami. Je parus dans une loge, et
tout le parterre me battit des mains. Je rougiffais,
je me cachais; mais je ferais un fripon fi je ne
vous avouais pas que j'étais fenfiblement touché.
Il eft doux de n'être pas honni dans fon pays; je
fuis fûr que vous m'en aimerez davantage. Mais,
Meffieurs, renvoyez-moi donc Eriphyle, dont je
ne peux me paffer, et qu'on va jouer à Fontaine-
bleau. Mon Dieu! ce que c'est que de choisir un
fujet intéreffant! Eriphyle eft bien mieux écrite
que Zaïre; mais tous les ornemens, tout l'efprit,
et toute la force de la poéfie ne valent pas,
qu'on dit, un trait de fentiment. Adieu, mes
chers Cideville et Formont.

Quod fi me tragicis vatibus inferes,
Sublimi feriam fidera vertice.

Je vous embraffe bien tendrement.
T. 79. Corresp. générale. T. I. K

1732.

"

P. S. J'oubliais de vous dire que j'ai parlé de 1732. vous, mon cher Cideville, deux bonnes heures, au clair de lune, avec madame de la Rivaudaye, dans ce même jardin où M. de Formont m'a vu fi impitoyablement fans me parler. Je fuis bien aife que madame de la Rivaudaye ne m'ait pas traité de même; elle m'a paru digne d'avoir un ami A comme vous, fi on peut n'être que fon ami.

LETTRE

LXIII.

A M. DE CIDEVILLE.

Le 3 feptembre.

JE fuis pénétré, mon cher Cideville, des peinės dont vous me faites l'amitié de me parler; c'eft la preuve la plus fenfible que vous m'aimez. Vous êtes fùr de mon cœur, vous favez combien je m'intéreffe à vous. Pourquoi faut-il qu'un homme auffi fage et auffi aimable que vous, foit malheu reux ? Que ferai-je donc, moi qui ai paffé toute ma vie à faire des folies? Quand j'ai été malheu reux, je n'ai eu que ce que je méritais; mais quand vous l'êtes, c'eft une balourdife de la Providence. J'ai fait la fottife de perdre douze mille francs au biribi, chez madame de Fontaine-Martel, je parie que vous n'en avez pas tant fait. Je voudrais bien que vous eulfiez été à portée de les perdre; j'en donnerais le double pour vous voir à Paris.

Ah, quittez pour la liberté

Sacs, bonnet, épice et foutane,
Et le palais de la chicane

Pour celui de la volupté.

M. de Formont m'a écrit une lettre charmante. Je ne lui ai point encore fait de réponse; je ne fais

où le prendre.

JE

Adieu, je vous embraffe bien tendrement.

LETTRE LXIV.

A M. DE FORM ON T.

Le .. feptembre.

E viens d'apprendre par notre cher Cideville qui part de Rouen, que vous y revenez. Je ne favais où vous prendre pour vous remercier, mon cher ami, mon juge éclairé, de la lettre obligeante que vous m'avez écrite de Gaill n. Je fuis bien fâché que vous n'ayez vu que la première repréfentation de Zaïre. Les acteurs jouaient mal le parterre était tumultueux, et j'avais laiffé dans la pièce quelques endroits négligés qui furent relevés avec un tel acharnement que tout l'intérêt était détruit. Petit à petit j'ai ôté ces défauts, et le public s'eft raccoutumé à moi. Zaïre ne s'éloigne pas du fuccès d'Inès de Caftro; mais cela même me fait trembler. J'ai bien peur de devoir aux grands yeux noirs de mademoiselle Gauffin, au jeu des acteurs et au mélange nouveau des plumes et des turbans, ce qu'un autre croirait devoir à fon mérite. Je vais retravailler la piece comme fi elle était tombée. Je fais que le public, qui eft que quefois indulgent au théâtre par caprice, eft févère à la lecture par raifon. Il ne demande pas mieux qu'à fe dédire, et à fiffler ce qu'il a applaudi. Il faut le forcer à

1732.

être content. Que de travaux et de peines pour 1732. cette fumée de vaine gloire! Cependant que ferions

nous fans cette chimère? Eile eft néceffaire à l'ame comme la nourriture l'eft au corps. Je veux refondre Eriphyle et la Mort de Céfar, le tout pour cette fumée. En attendant je fuis obligé de travailler à des additions que je prépare pour une édition de Hollande de Charles XII. Il a fallu s'abaiffer à répondre à une miférable critique faite par la Motraye. L'homme ne méritait pas de réponse; mais toutes les fois qu'il s'agit de la vérité et de ne pas tromper le public, les plus miférables adver faires ne doivent pas être négligés. Quand je me ferai dépêtré de ce travail ingrat, j'achèverai ces Lettres anglaifes que vous connaiffez; ce fera tout au plus le travail d'un mois, après quoi il faudra bien revenir au théâtre, et finir enfin par l'hiftoire du fiècle de Louis XIV. Voilà, mon cher Formont, tout le plan de ma vie. Je la regarderai comme trèsheureufe, fi je peux en paffer une partie avec vous. Vous m'aplaniriez les difficultés de mes travaux, vous m'encourageriez, vous m'en affureriez le fuccès, et il m'en ferait cent fois plus précieux. Que j'aime bien mieux laiffer aller dorénavant ma vie dans cette tranquillité douce et occupée, que fi j'avais eu le malheur d'être confeiller au parlement! Tout ce que je vois me confirme dans l'idée où j'ai toujours été de n'être jamais d'aucun corps, de ne tenir à rien qu'à ma liberté et à mes amis. Il me femble que vous ne defapprouvez pas trop ce fyftême, et qu'il ne faudra pas prêcher longtemps Cideville pour le lui faire embraffer dans

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