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1732.

ami, pouvoir vous procurer non-feulement un appartement, mais une vie affez commode. C'est une affaire que j'ai dans la tête. Vous m'avez accoutumé à vivre avec vous, et il faut que j'y revive. Adieu; je vous embraffe tendrement, Plura alids.

LETTRE LIV.

A M. DE CIDEVILLE.

Samedi 8 mars,

Il faut vous donner les prémices
Des ces aimables fruits, aux beaux efprits fi doux.
Le public a goûté mes derniers facrifices;

Elles en font plus dignes de vous.

Cela veut dire, mon cher Cideville, qu'Eriphyle, que vous avez vu naître, reçut hier la robe virile devant une affez belle affemblée qui ne fut pas mécontente, et qui juftifia votre goût, Notre cinquième acte a été critiqué; mais on pardonne au deffert, quand les autres fervices ont été paffables. Je fuis faché en bon chrétien, que le facré n'ait pas le même fuccès que le profane, et que Jephté et P'Arche du Seigneur foient mal reçus à l'opéra, lorfqu'un grand-prêtre de Jupiter et une catin d'Argos réufliffent à la comédie; mais j'aime encore mieux voir les mœurs du public dépravées, que fi c'était fon goût. Je demande très-humble. ment pardon à l'ancien Teftament s'il m'a ennuyé à l'opéra.

pardon d'un billet fi fuccinct; courtes lettres

et longues amitiés, eft ma devife; mais je ferais bien fâché et j'y perdrais trop, fi vos lettres 1732. étaient auffi courtes.

LETTRE LV.

A M. BROSSETTE. (10)

Le 14 avril.

E fuis bien flatté de plaire à un homme comme vous, Monfieur; mais je le fuis encore davantage de la bonté que vous avez de vouloir bien faire des corrections fi judicieufes dans l'hiftoire de Charles XII.

Je ne fais rien de fi honorable pour les ouvrages de M. Defpréaux, que d'avoir été commentés par vous, et lus par Charles XII. Vous avez raifon de dire que le fel de fes fatires ne pouvait guère éte fenti par un héros vandale, qui était beaucoup plus occupé de l'humiliation du czar et du roi de Pologne, que de celle de Chapelain et de Cotin. Pour moi, quand j'ai dit que les fatires de Boileau n'étaient pas fes meilleures pièces, je n'ai pas prétendu pour cela qu'elles fuffent mauvaifes. C'eft la première manière de ce grand peintre, fort inférieure, à la vérité, à la feconde; mais trèsfupérieure à celle de tous les écrivains de fon temps, fi vous en exceptez M. Racine. Je regarde ces deux grands hommes comme les feuls qui aient eu un pinceau correct, qui aient toujours employés des couleurs vives, et copié fidellement (10) Auteur d'un commentaire fur les ouvrages de Boileau.

la nature. Ce qui m'a toujours charmé dans leur 1732. ftyle, c'eft qu'ils ont dit ce qu'ils voulaient dire et que jamais leurs penfées n'ont rien coûté à l'harmonie ni à la pureté du langage. Feu M. de la Motte, qui écrivait bien en profe, ne parlait plus français, quand il fefait des vers. Les tragé dies de tous nos auteurs, depuis M. Racine, font écrites dans un ftyle froid et barbare; auffi la Motte et fes conforts fefaient tout ce qu'ils pouvaient pour rabaiffer Defpréaux auquel ils ne pouvaient s'égaler. Il y a encore, à ce que j'entends dire, quelques-uns de ces beaux efprits fubalternes, qui paffent leur vie dans les cafés, lefquels font à la mémoire de M. Defpréaux, le même honneur que les Chapelain fefaient à fes écrits, de fon vivant. Ils en difent du mal, parce qu'ils fentent que fi M. Defpréaux les eût connus, il les aurait méprifés autant qu'ils méritent de l'être. Je ferais très-fâché que ces meffieurs cruffent que je penfe comme eux, parce que je fais une grande différence entre fes premières fatires et fes autres ouvrages. Je fuis fur- tout de votre avis fur la neuvième fatire qui eft un chef-d'œuvre, et dont l'épître aux mufes de M. Rousseau, n'eft qu'une imitation un peu forcée. Je vous ferai très - obligé de me faire tenir la nouvelle édition des ouvrages de ce grand-homme, qui méritait un commentateur comme vous. Si vous voulez auffi, Monfieur, me faire le plaifir de m'envoyer l'Hiftoire de Charles XII, de l'édition de Lyon, je ferai fort a fe d'en avoir un exemplaire.

Je fuis, etc.

LETTRE LVI.

A M. DE CIDEVILLE.

J'AT

16 mai.

1732.

'AI reçu aujourd'hui Eriphyle; mais avant de vous la renvoyer, il faut que vous me jugiez en cour de petit commiffaire. Voici ce que j'allégue contre moi-même. Je fais la fonction d'avocat du diable contre la canonifation d'Eriphyle.

1o. En votre conscience n'avez-vous pas fenti dela langueur et du froid, lorsqu'au troisième acte Théandre vient annoncer que les furies fe font emparées de l'autel, etc. Ce que dit la reine à Aleméon, dans ce moment, eft beau; mais on eft étonné que ce beau ne touche point. La raifon en eft, à mon avis, que la reine eft trop longtemps bernée par les dieux. Elle n'a pas le loifir de refpirer; elle n'a pas un inftant d'espérance et de joie: donc elle ne change point d'état, donc elle ne doit point remuer le fpectateur, donc il faut retrancher cette fin du troisième acte.

2o. Le quatrième acte commence avec encore plus de froid. Théandre y fait un monologue inutile. La fcène qu'il a enfuite avec Aleméon me parait mauvaise, parce que Théandre n'y dit rien de ce qu'il devrait dire. Ses doutes équivoques ne conviennent point au théâtre. S'il fait qu'Alcmeon eft fils de la reine, il doit l'en avertir; s'il n'en fait rien, il ne doit rien en soupçonner. Cette fcène devrait être terrible, et n'eft pas fupportable. L'ombre venant après cette scène, ne fait

pas l'effet qu'elle devrait faire, parce qu'elle en 1732. dit moins que Théandre n'en a fait entendre. Enfin, la reine ne finit point cet acte par les fentimens qu'elle devrait avoir. Elle ne marque que le défir d'époufer Alcméon. Il faut qu'elle exprime des fentimens de tendreffe, d'horreur et d'incertitude.

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Il me paraît qu'il y a très-peu à réformer au
cinquième, et rien au premier ni au fecond.
Prononcez-donc, mes chers amis,
Vous êtes ma cour fouveraine;
Et je recevrai vos avis

Comme un arrêt de Melpomène.

LETTRE LVII.

A M. DE CIDEVIL L E.
A Paris, le 29 mai.

E lifais ces jours paffés, mon cher ami, que les gens qui font des tragédies négligent fort le style épiftolaire, et écrivent rarement à leurs amis. J'ai le malheur d'être dans ce cas, et en vérité j'en fuis bien fâché. Je ne conçois pas comment je peux mériter fi mal les charmantes lettres que j'aime à recevoir de vous. Si je m'en croyais, je vous importunerais tous les jours pour m'attirer des lettres de mon cher ami Cideville; mais je ne fuis occupé à préfent qu'à m'attirer fes fuffrages. J'ai corrigé dans Eriphyle tous les défauts que nous y avions remarqués. A peine cette befogne a été achevée qu'afin de pouvoir revoir mon ouvrage avec moins d'amour-propre, et me donner le temps de l'oublier, j'en ai vite commencé un

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