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queparti qu'il embrasse. Il voulait être précepteur, et à peine sait-il le latin. Si vous l'aimez, mon cher Cideville, prenez garde de gâter, partrop de louanges et de caresses, un jeune homme qui, parmi ses besoins, doit compter le besoin qu'il a de travailler beaucoup, et de mettre à profit un temps qu'il ne retrouvera plus. S'il avait du bien, je lui donnerais d'autres conseils, ou plutôt je ne lui en donnerais point du tout; mais il y a une différence si immense entre celui qui a sa fortune toute faite et celui qui la doit faire, que ce ne sont pas deux créatures de la même espèce. Vale, amice.

158. A M. BERGER.

Octobre.

Je suis très fâché, monsieur, que vous ayez connu comme moi le prix de la santé par les maladies. Je ne suis point de ces malheureux qui aiment à avoir des compagnons. Comptez que le plaisir est le meilleur des remèdes. J'attends de grands soulagements de celui que meferont vos lettres. Y a-til quelque chose de nouveau sur le Parnasse, qui mérite d'être connu par vous? Comment va l'opéra de Rameau (1)? Soyez donc un peu, avec votre an

(1) Hippolyte et Aricie. L'abbé Pellegrin, auteur du poëme, se défiant des talents du musicien, en avait exigé une obligation de 500 liv.; en cas de non-succès; mais à la première répétition, il courut embrasser Rameau, et déchira le billet, en s'écriant qu'un tel musicien n'avait pas besoin de caution. Rameau n'était alors connu que par quelques motets, des cantates, des pièces de clavecin, et par son Traité de l'harmonie. M. de Voltaire, plus pénétrant que Pellegrin. avait donné à Rameau sa tragédie de Samson, en 1732.

cien ami, le nouvelliste des arts et des plaisirs, et comptez sur les mêmes sentiments que j'ai toujours

eus pour vous.

159. AM. DECIDEVILLE.

A Paris, le 14 octobre.

MAIS quand pourrai-je donc, mon très cher ami, vous être aussi utile à Paris que vous me l'êtes à Rouen ? Vous passez douze mois de l'année à me rendre des services; vous m'écrivez de plus des vers charmants, et je suis comme une bégueule, qui me laisse aimer. Non, mon cher Cideville, je ne suis pas si bégueule; je vous aime de tout mon cœur, je travaille pour vous, j'ai retouché deux actes d'Adélaïde, je raccommode moǹ opéra tous les jours, et le tout pour vous plaire, car vous me valez tout un public.

C'est à de tels lecteurs que j'offre mes écrits.

A l'égard de ma personne, à laquelle vous daignez vous intéresser avec tant de bonté, je suis obligé de vous dire en conscience que je ne suis pas si malheureux que vous le pensez. Je crois vou s avoir déjà dit en vers d'Horace:

Leurs ennemis en firent défendre la représentation, sous prétexte que le sujet était sacré, quoiqu'on eût donné à l'Opéra Jephté, aux Français Athalie et qu'on eût permis à Romagnesi de travestir en arlequinade ce même sujet au Théâtre italien. On verra, dans les années suivantes, que M. de Voltaire espéra long-temps d'obtenir justice; mais ce fut en vain. Rameau alors employ a une grande partie de la musique de Samson dans l'acte des Incas et dans Zoroastre. (Edit. de Kehl)

Non tumidis agimur velis aquilone secundo;
Non tamen adversis ætatem ducimus austris,
Viribus, ingenio, specie, virtute, loco, re
Extremi, primorum extremis usque priores.

Mais voilà mon seul embarras, et ma petite santé est mon seul malheur. Je tâche de mener une vie conforme à l'état où je me trouve, sans passions désagréables, sans ambition, sans envie, avec beaude connaissances, peu d'amis, et beaucoup de goûts. En vérité, je suis plus heureux que je ne mérite.

coup

Mon cœur même à l'amour quelquefois s'abandonnc;
J'ai bien peu de tempérament;

Mais ma maîtresse me pardonne,

Etje l'aime plus tendrement.

Adieu; je vous embrasse. Linant vous écrit. If n'y a rien de nouveau encore; on ne sait si les Français ont passé le Rhin, ni si les Russes ont passé la Vistule. Jamais les fleuves n'ont été si difficiles à traverser que cette année.

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AUJOURD'HUI est partie par le coche certaine Adélaïde du Guesclin, qui va trouver l'intime ami de son père avec des sentiments fort tendres, beaucoup de modestie et quelquefois de l'orgueil; de temps en temps des vers frappés, mais quelquefois d'assez faibles. Elle espère que l'élégant, le tendre, l'harmonieux Cideville lui dira tous ses défauts, et elle fera tout ce qu'elle pourra pour s'en corriger.

Moi, père d'Adélaïde, je me meurs de regret de ne pouvoir venir vous entretenir sur tout cela.

Parve, sed invideo, sine me, liber, ibis ad illum;

Ad illum qui absens et præsens mihi semper erit

carissimus.

J'attends votre allégorie; il me faut de temps en temps de quoi supporter votre absence; je parle souvent de vous avec Linant. Vous faites cent fois plus de besogne que lui. Les occupations continuelles de votre charge, loin de rebuter votre muse, l'encouragent et l'animent ; vous sortez du temple de Thémis comme de celui d'Apollon. Je ne sais pas encore quel fruit Linant aura tiré de votre société et de vos conseils, mais je n'ai encore rien vu de lui. Il y a deux ans que je lui ai fait donner son entrée à la comédie, sur la parole qu'il ferait une pièce. Je lui ai enfin fourni un sujet au lieu de son Sabinus, qui n'était point du tout théâtral. Il n'a pas seulement mis par écrit le plan que je lui ai donné. Je le plains fort s'il ne travaille pas; car il me semble qu'étant un peu fier et très gueux, si avec cela il est paresseux et ignorant, il ne doit espérer qu'un avenir bien misérable. Il a eu le malheur de se brouiller chez moi avec toute la maison: cela met, malgré que j'en aie, bien du désagrément dans sa vie. Celui qui se mêle de mes petites affaires, et sa femme, s'étaient plaints souvent de lui. Je les avais raccommodés; les voilà cette fois-ci brouillés sans apparence de retour. Cela me fâche d'autant plus que Linant en souffre, et que malgré toutes mes attentions, je ne peux empêcher mille

pas

petits désagréments que des gens, qui ne sont tout-à-fait mes domestiques, sont à portée de lui faire essuyer sans que j'en sache rien. Je vous rends compte de ces petits détails parce que je l'aime et que vous l'aimez. Je suis persuadé que vous aurez la bonté de lui donner des conseils dont il profitera. J'ai bien peur que jusqu'ici vous ne lui

que de l'amour-propre.

ayez donné

Personne n'est plus persuadé que moi que tous les hommes sont égaux, mais avec cette maxime on court risque de mourir de faim si on ne travaille pas; et il lui sera tout au plus permis de se croire au-dessus de son état, quand il aura fait quelque chose de bon. Mais jusque-là il doit songer qu'il est jeune et qu'il a besoin de travail; je ne lui dis pas le quart de tout cela, parce que j'aurais l'air d'abuser du peu de bien que je lui fais, ou de prendre le parti de ceux avec lesquels il s'est brouillé assez mal à propos. Encore une fois, pardonnez ces détails à la confiance que j'ai en vous, et à l'envie d'être utile à un homme que vous m'avez recommandé.

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J'AI reçu à la fois trois lettres de vous. Je suis trop heureux d'avoir un ami comme vous. Les autres se contentent de dire: c'est dommage; mais vous êtes rempli des attentions les plus obligeantes, et je regarderai toujours votre commerce comme la consolation la plus flatteuse de votre absence.

J'ai fait une grande sottise de composer un opéra; mais l'envie de travailler pour un homme com

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