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encouragerez un talent bien décidé qu'il a pour les vers; vous vous attacherez pour le reste de votre vie quelqu'un d'aimable qui vous devra tout; vous aurez le plaisir d'avoir tiré le mérite de la misère, et de l'avoir mis dans la meilleure école du monde. Au nom de Dieu, réussissez dans cette affaire pour votre plaisir, pour votre honneur, pour celui de madame du Maine, et pour l'amour de Formont qui vous en prie par moi.

Adieu, madame; je vous suis attaché comme l'abbé Linant vous le sera, avec le plus respectueux et le plus tendre dévouement.

117. A M. DE FORMONT.

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A Paris, ce samedi.... novembre.

Il y a mille ans, mon cher Formont, que je ne vous ai écrit ; j'en suis plus fâché que vous. Vous me parliez dans votre dernière lettre de Zaïre, et Vous me donniez de très bons conseils. Je suis un ingrat de toutes façons. J'ai passé deux mois sans vous en remercier, et je n'en ai pas assez profité. J'aurais dû employer une partie de mon temps à vous écrire, et l'autre à corriger Zaïre. Mais je l'ai perdu tout entier à Fontainebleau, à faire des querelles entre les actrices pour des premiers rôles, et entre la reine et les princesses pour faire jouer des comédies; à former de grandes factions pour des bagatelles, et à brouiller toute la cour pour des riens. Dans les intervalles que me laissaient ces mportantes billevesées, je m'amusais à lire Newton au lieu de retoucher notre Zaire. Je suis enfin déterminé à faire paraître ces Lettres anglaises, et

c'est pour cela qu'il m'a fallu relire Newton; car il ne m'est pas permis de parler d'un si grand homme sans le connaître. J'ai refondu entièrement les lettres où je parlais de lui, et j'ose donner un petit précis de toute sa philosophie. Je fais son histoire et celle de Descartes. Je touche en peu de mots les belles 'découvertes et les innombrables erreurs de notre René. J'ai la hardiesse de soutenir le système d'Isaac, qui me paraît démontré. Tout cela fera quatre ou cinq lettres que je tâche d'égayer et de rendre intéressantes autant que la matière peut le permettre. Je suis aussi obligé de changer tout ce que j'avais écrit à l'occasion de M. Locke, parce qu'après tout je veux vivre en France, et qu'il ne m'est pas permis d'être aussi philosophe qu'un Anglais. Il me faut déguiser à Paris ce que je ne pourrais dire trop fortement à Londres. Cette circonspection malheureuse, mais nécessaire, me fait rayer plus d'un endroit assez plaisant sur les quakers et les presbytériens. Le cœur m'en saigne; Thiriot en souffrira; vous regretterez ces endroits, et moi aussi; mais,

Non me fata meis patiuntur scribere nugas
Auspicis, et sponte med componere chartas.

J'ai lu au cardinal de Fleury deux lettres sur les, quakers, desquelles j'avais pris grand soin de retrancher tout ce qui pouvait effaroucher sa dévote et sage éminence. Il a trouvé ce qui en restait encore assez plaisant; mais le pauvre homme ne sait pas ce qu'il a perdu. Je compte vous envoyer mon manuscrit dès que j'aurai tâché d'expliquer New

ton et d'obscurcir Locke. Vous me paraissez aussi désirer certaines pièces fugitives dont l'abbé de Sade vous a parlé. Je veux vous envoyer tout mon magasin, à vous et à M. de Cideville pour vos étrennes; mais je ne veux pas donner rien pour rien. Je sais, monsieur le fripon, que vous avez écrit à mademoiselle de Launay une de ces lettres charmantes où vous joignez les grâces àla raison, et où vous couvrez de roses votre bonnet de philosophe. Si vous me fesiez part de ces gentillesses, ce serait, en vérité, très bien fait à vous, et je me croirais payé avec usure du magasin que je vous destine. Notre baronne vous fait ses compliments. Tout le monde vous désire ici. Vous devriez bien venir reprendre votre appartement chez MM. Desalleurs, et passer votre hiver à Paris. Vous me feriez peut-être faire encore quelque tragédie nouvelle. Adieu; je supplie M. de Cideville de vous dire combien je vous aime, et je prie M. de Formont d'assurer mon cher Cideville de ma tendre amitié.

Adicu; je ne me croirai heureux que quand je pourrai passer ma vie entre vous deux.

* 118. — A M. GLÉMENT,

RECEVEUR DES TAILLES, A DREUX.

A Paris, le 24 novembre.

Les vers aimables que vous avez bien voulu m'envoyer, monsieur, sont la récompense la plus flatteuse que j'aie jamais reçue de mes ouvrages. Vous faites si bien mon métier, que je n'ose plus m'en mêler après vous, et que je me réduis à vous remer cier, en simple prose, de l'honneur et du plaisir

que vous m'avez fait en vers. Je n'ai reçu que fort tard votre charmante lettre, et une fièvre qui m'est survenue, et dont je ne suis pas encore guéri, m'aprivé jusqu'à présent du plaisir de vous répondre. On avait commencé, il y a quelque temps, monsieur, une édition de quelques-uns de mes ouvrages, qui a été suspendue. J'ai l'honneur de vous l'envoyer, toute imparfaite qu'elle est ; je vous prie de la recevoir comme un témoignage de ma reconnaissance, et de l'envie que j'ai de mériter votre suffrage. Il est beau à vous, monsieur, de joindre aux calculs de Plutus l'harmonie d'Apollon. Je vous exhorte à réunir toujours ces deux divinités; elles ont besoin l'une de l'autre.

Omne tulit punctum qui mișcuitutile dulci. J'ai l'honneur d'être, etc.

119.AM. DE FORMONT.

Décembre.

Vos confitures ont été reçues avec reconnaissan÷ ce, et vos vers avec transport, comme vous le seriez vous-même. Ils vous ressemblent, mon cher Formont, ils sont pleins de justesse et d'esprit. Tout le monde croira, avec raison, que si je ne vous réponds qu'en prose, c'est parce que je sens mon im. puissance et que je me défie de moi. Mais il y a encore une autre raison, c'est que je n'ai pas un instant dont je puisse disposer. Je retouche les Let. tres anglaises pour vous les renvoyer. Je viens de finir le Temple du Goût, ouvrage que j'aurais de dédier à vous et à M. de Cideville, si M. le cardinal

de Polignac et M. l'abbé de Rothelin'neme l'avaient pas deínandé. Je le fais partir par la poste, et je pars dans l'instant pour Versailles, où l'on m'adresse les préfaces de Zaïre. Vous autres qui avez un peu plus de loisir, écrivez-nous de longues lettres, à nous misérables qui n'y pouvons répondre qu'en billets écourlés. Mand ez un peu ce que vous pensez du Temple du Goût; car après tout, messieurs, c'est votre affaire; et il s'agit de votre Dieu et de votre Eglise. Vous êtes les apôtres de la religion que je vais prêchant. Dieu yeuille que vous ne me traitiez pas d'hérétique! Adieu.

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Vous daignez vous abaisser à revoir des éditions, vous qui êtes fait assurément plutôt pour diriger des auteurs que des libraires. En vous remerciant pour ma part du soin que vous avez la bonté de prendre pour Zaïre. Si vous me passez sa conversion, j'ai l'amour-propre d'espérer que vous ne serez pas tout-à-fait mécontent du reste. Il me semble qu'on voit assez, dans la première scène, qu'elle serait chrétienne, si elle n'aimait pas Orosmane. Fatime, Nérestan et la croix avaient déjà fait quelque impression sur son cœur. Son père, son frère et la grâce achèvent cette affaire au second acte. La grâce surtout ne doit point effaroucher; c'est un être poétique et à qui l'illusion est attachée depuis long-temps. Pour le style, il ne faut pas s'attendre à celui de la Henriade. Une loure ne se joue point sur le ton de la descente de Mars.

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