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jeunesse, dans la profession des armes, des lions cruels et féroces, avides du sang des Musulmans, et qui ne céderont jamais leur repaire qu'à une force supérieure. C'est leur courage qui a excité le nôtre en les attaquant, j'ai cru trouver une entreprise et des périls dignes de ma valeur.

>> Est-ce de vous, troupes lâches et efféminées, que je dois attendre une conquête, vous, qui, avant que d'avoir vu l'ennemi, fuyez sa présence, et qui auriez déjà déserté, si la mer, dont vous êtes environnées, n'y mettait un obstacle? Mais, avant qu'une pareille disgrâce m'arrive, je ferai une justice si sévère des lâches, que leur supplice retiendra dans le devoir ceux qui seraient tentés de les imiter (1).»

A peine ce prince eut-il cessé de parler, que, sur un signal qui fut fait aux soldats armés qui entouraient les autres, ils tirèrent leurs épées, comme pour massacrer leurs camarades. A l'aspect de ces armes nues, dont la pointe est tournée contre eux, ces malheureux se jettent à genoux, et implorent, à grands cris, la clémence du Sultan.

Péri alors, et les autres généraux, de concert avec Soliman, s'approchent respectueusement de

(1) VERTOT.

son trône, et le supplient, dans les termes les plus humbles et les plus soumis, de pardonner à des hommes égarés qui, dans d'autres occasions, l'ont servi fidèlement, mais qu'un méchant génie et une terreur panique ont malheureusement séduits. « Oui, ajouta Péri, ils sont prêts à laver leur faute dans leur sang, et ma tête répondra toujours à votre Hautesse de leur sincère repentir.

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Quoique Soliman ne cherchât qu'à remettre ses troupes dans leur devoir, cependant, pour soutenir, à leurs yeux, le caractère d'un prince irrité, et pour engager le soldat à effacer le souvenir de sa lâcheté par quelque action hardie, et d'une valeur extraordinaire : « Je suspends, à votre prière, répondit-il au bacha, la punition des coupables; c'est à eux à aller chercher leur grâce dans les bastions et sur les boulevarts de nos ennemis. » Il dit, et congédia l'assemblée.

Soliman trouvant Rhodes couverte, et, pour ainsi dire, enterrée sous les remparts, élève deux cavaliers qui commandent et la ville et les fortifications. Les soldats et les pionniers apportent, par ordre du général, des terres et des pierres, qu'ils placent entre les portes d'Espagne et d'Auvergne, vis-à-vis le bastion d'Italie. Comme ces deux endroits étaient vus, à découvert, par le

canon de la place, on ne peut exprimer le nombre prodigieux d'hommes qui périrent dans cette occasion; mais Mustapha, pour avancer le travail, ne faisait pas grand scrupule de prodiguer la vie de ces misérables, et on vit, à la fin, paraître des masses énormes surpassant en hauteur, et à plus de dix à douze pieds, les murs de la place.

Le service des attaques se partage ensuite entre le général et les autres bachas. Mustapha se charge de celle des boulevarts d'Angleterre, Péri de celle du poste d'Italie, et l'ingénieur en chef, Achmet, des bastions d'Espagne et d'Auvergne; mais, comme ils paraissent défendus par une artillerie formidable et par un grand nombre de chevaliers, Soliman veut que ce dernier bacha soit soutenu par l'aga des Janissaires.

Le poste d'Allemagne fut le premier attaqué; les Turcs dressèrent plusieurs batteries contre la muraille. On ne croyait pas qu'étant sans terreplein, elle pût résister long-temps à la violence. du canon. Le grand-maître s'y transporta aussitôt, et la fit appuyer, en dedans, par de la terre, des poutres, des fascines. L'artillerie, placée devant la porte du palais, dans un lieu élevé, fouettant à découvert les batteries ottomanes, les canonniers de l'Ordre les ruinèrent, et détruisirent leurs gabions et leurs mantelets.

De nouvelles pièces ennemies sont mises en batterie; elles ont bientôt le sort des premières: le canon de la ville foudroie tout, et celui du Sultan, au contraire, mal servi, et pointé sur un endroit aussi élevé, battant toujours sur une même ligne, passe par-dessus le rempart, et tire à coups perdus.

Rebuté du peu d'effet que produisent ses batteries, le Sultan ordonne de les changer de place, et de les pointer contre la tour Saint-Nicolas. Cette manoeuvre a lieu pendant la nuit, et le jour, de profonds fossés reçoivent le canon et les gabions, et les mettent à l'abri du danger. Replacés sur une plate-forme, aussitôt que les ténèbres ôtent aux assiégés la faculté de distinguer les objets, cinq cents boulets vomis, coup sur coup, contre la partie de la muraille qui regarde l'ouest, l'ébranlent, l'entr'ouvrent et la font crouler dans le fossé.

Achmet s'applaudissait de l'effet de cette batterie nocturne, et il se flattait d'emporter la tour Saint-Nicolas au premier assaut; mais il fut bien étonné de voir paraître derrière les ruines un rempart terrassé, avec son parapet, et bordé d'artillerie qui en défendait les approches. Il fallut se résoudre à renouveler les attaques contre cette seconde muraille.

Averti de cet incident, Soliman envoie reconnaître les lieux, et apprend que cette tour est l'endroit de la place le plus fort, non-seulement par sa situation sur un rocher à l'abri de la sape et de la mine, mais encore par tous les ouvrages qu'on y a ajoutés depuis le dernier siége, et que, sous l'empire de Mahomet л, son aïeul, le bacha Paléologue avait été obligé d'abandonner cette attaque.

Battue en brèche, jour et nuit, pendant un mois entier, et quoique ses batteries répondissent au feu de l'ennemi, Rhodes entr'ouverte va céder aux efforts des Turcs. Un assaut général est indiqué, et Soliman, pour inspirer une nouvelle ardeur à ses troupes, promet le pillage de la place, si on peut l'emporter l'épée à la main.

Cependant le grand-maître, qui n'était pas sans inquiétude sur l'issue du siége, visitait tous les quartiers de la ville, pour reconnaître la disposition de ses troupes, et les exhorter à une généreuse défense. Puis, s'adressant aux chevaliers qu'il trouvait dans leurs postes : « J'offenserais votre courage, leur disait-il, si, par de simples paroles, j'entreprenais de le fortifier, et je vous dirais inutilement ce que votre valeur vous a tant de fois inspiré en pareilles occasions. Considérez seulement, mes chers frères, que nous allons combattre pour la religion et pour la défense des

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