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Depuis long-temps, jalouses l'une de l'autre,. Venise et Gênes se faisaient une guerre continuelle, et les succès, ordinairement variés, ne servaient qu'à ranimer la fureur des deux nations.

Les Vénitiens s'étaient ligués contre les Génois avec le roi d'Aragon et les Grecs. Leur armement n'était alors que de quarante galères; le roi d'Aragon leur en donna trente, sous la conduite de Ponce, et les Grecs quarante.

Aux approches de l'armée confédérée, celle des Génois, qui était de soixante-quatre navires, se retira du côté de Péra. S'y yoyant suivie de près par l'ennemi, et se trouvant dans la nécessité de combattre, elle se ménagea l'avantage du lieu, n'ayant pas celui du nombre. Elle s'écarta de la pleine mer, pour n'être point enveloppée, et se mit en bataille, non loin de la côte, dans un endroit où le défaut d'espace rendait inutile la multitude des vaisseaux. Devant elle étaient les Vénitiens et les Aragonais; les Grecs la prenaient en flanc. Toutes ses forces étant réunies et en état d'agir, elle se trouva alors avoir beaucoup d'avantages sur celles des ennemis, qui étaient partagées, et qui ne pouvaient attaquer ensemble.

' Ébranlés au premier choc, les Grecs prirent la fuite, et les Génois n'ayant plus à lutter que contre les Vénitiens et les Aragonais, l'engagement devint opiniâtre. On se battit pendant près de deux heures, sans que d'aucun côté on pût se flatter d'avoir l'avantage. Sur le soir, il s'éleva un vent sud, contraire aux Génois, et qui aurait dû les forcer à se retirer; mais leur courage bravant les obstacles, ils tinrent ferme contre l'ennemi et contre les vents. De part et d'autre, on fit des prodiges de valeur, et l'affaire continua, malgré l'obscurité qui la rendait effroyable.

Les plaintes des mourans, les gémissemens des blessés, les cris des soldats, le choc des galères, joint l'horreur des ténèbres, était quelque chose d'affreux. Pendant ce combat nocturne, toutes les galères mêlées s'entre-choquaient mutuellement. L'allié et l'ennemi était confondu. Lamort volait de toutes parts, et souvent on la recevait de son ami.

Comme on était en hiver, la nuit fut fort longue, et le carnage horrible. Le matin, le jour naissant éclaira le plus triste spectacle qu'on eût jamais vu. Le canal était couvert de dards et de flèches, de débris de vaisseaux, de corps flottans, de rames brisées, de galères errantes sans pilote et sans gouvernail, d'hommes, enfin, luttant contre les flots ensanglantés.

Le général aragonais ayant été tué, ses troupes se retirèrent. Affaiblis par la perte d'un grand nombre de leurs plus braves soldats, les Vénitiens imitèrent son exemple. Les Génois remportèrent, dans cette occasion, une victoire d'autant plus glorieuse, que, ayant à se défendre contre trois nations confédérées, ils avaient encore eu contre eux le vent et les flots.

Les Vénitiens perdirent dans cette affaire quatorze galères, les Aragonais dix, et il y eut, des deux peuples, deux mille morts, et dix-huit cents prisonniers. Il en coûta aux Génois treize galères, beaucoup de monde et sept cents gentilshommes.

Les Vénitiens avaient trop de fierté pour ne pas venger l'affront qu'ils avaient reçu. Ils firent partir une flotte, aux ordres de Nicolas Pizani, qui fit voile du côté de Péra, où il s'empara de quelques vaisseaux génois richement chargés; mais cet avantage était trop peu de chose pour un général qui croyait ne pouvoir effacer le souvenir d'une bataille perdue que par le gain d'une autre. Pizani, avec vingt galères bien armées, alla se joindre à l'armée aragonaise, qui en avait quarante. Celle des Génois, commandée par Antoine Grimaldi, était de quarante-trois galères. Les deux flottes se rencontrèrent à la hauteur de

l'île de Sardaigne, et se disposèrent à en vernir aux mains.

L'ordre de bataille fut singulier de la part des Vénitiens. Pour se mettre dans la nécessité de vaincre ou de périr, ils lièrent leurs galères ensemble, afin qu'aucune ne pût fuir, et qu'on eût la faculté de manoeuvrer aussi solidement que sur terre. Toutefois ils en réservèrent dix, pour voltiger au besoin, selon la chance du combat.

Le moment de la bataille arrivé, les Génois, qui croyaient n'avoir affaire qu'aux Aragonais, furent fort étonnés de voir les pavillons des Vénitiens, dont ils ignoraient la jonction; mais il n'y avait plus à reculer, et il fallut absolument combattre. Les Génois furent complétement défaits; ils perdirent trente-deux navires, et eurent toutes les peines du monde à tirer leur général de la mêlée.

Grimaldi retourna à Gênes avec les tristes débris de sa flotte, tandis que les vainqueurs couronnèrent leur triomphe par la prise de deux villes de l'île de Sardaigne.

Humiliés de cette défaite, les Génois, ne se trouvant pas en état de se relever par eux-mêmes d'une disgrâce si accablante, offrirent à Jean Visconti, seigneur de Milan, de se mettre sous sa puissance, pourvu qu'il les aidât à se venger des

Vénitiens. Visconti les écouta favorablement, et leur donna des secours pour armer de nouveau. Les Vénitiens firent aussi des alliances, pour s'opposer à la ligue des Génois, et mirent en mer une puissante flotte, sous la conduite du général Pizani.

Commandant en chef des forces navales de Gênes, Pagan Doria évitait les Vénitiens, qui le cherchaient, et pendant que Pizani errait d'un côté, Doria faisait voile de l'autre, semait partout l'épouvante dans le golfe Adriatique, ravageait l'Istrie, et portait l'alarme jusqu'aux portes de Venise.

Mais il est temps d'arriver au siége de Rhodes. C'est en vain que Soliman a écrit au grand-maître, Villiers de l'Ile-Adam : « Les brigandages que vous exercez continuellement contre nos fidèles sujets, et l'injure que vous faites à notre impériale majesté, nous engagent à vous commander que vous ayez à nous soumettre incessamment l'île et la forteresse de Rhodes. Si vous le faites de bon gré, nous jurons par le Dieu qui a fait le ciel et la terre, par les vingt-six mille Prophètes, et les quatre Musaphi, qui sont tombés du ciel, et par notre grand Prophète Mahomet, que vous pourrez sortir de l'île, et les habitans y demeurer, sans qu'il vous soit fait le moindre tort; mais si

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