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persister dans son entreprise, mais encore d'adresse et de fermeté, tantôt pour dissiper les terreurs de ses compagnons abattus, et tantôt pour résister aux vœux, aux prières et aux menaces de ces mêmes hommes mutinés, qui voulaient le forcer à revenir sur ses pas.

Au moment où il allait se voir contraint de leur céder, et le soixante-dixième jour depuis son départ, sa longue persévérance fut enfin couronnée par la vue de l'île de Guanahani, l'une des Lucaies, et la première des découvertes américaines; car, ce ne furent point les Indes qu'il rencontra, mais un nouvel hémisphère interposé entre elles et l'Europe.

Un étonnement, mêlé d'admiration, fut le sentiment général que produisit ce succès inespéré; le Portugal y joignit celui d'une généreuse émulation. Il équipa des vaisseaux destinés à obtenir, par une autre route, de semblables résultats. Vasco de Gama doubla, le premier, le cap redouté des Tempêtes, qui, dès lors, d'un meilleur augure, prit le nom de cap de Bonne-Espérance, et, après une navigation de six mille lieues, il aborda réellement aux Indes.

Là des établissemens, devenus bientôt formidables aux premiers potentats de l'Asie, changèrent et altérèrent tous les rapports politiques

et commerciaux reconnus jusqu'alors, et, donnant aux Portugais une prépondérance sur le commerce, que l'exiguité de leur territoire semblait leur refuser, leur assignèrent aussi une place nouvelle entre les puissances de l'Europe. Mais revenons à Charles VIII, dont l'expédition imprudente, au-delà des Monts, date justement de l'époque de la découverte de l'Amérique.

On peut se représenter le roi de France, sortant du château d'Amboise, après la mort de Louis xi, comme un jeune homme échappant aux liens d'une discipline sévère, qu'il rompt pour la première fois. Dans sa position, chacun forme des projets selon son état. Charles était roi: il rêva guerres, combats, conquêtes, et prétendit bien ne pas se contenir dans le cercle étroit où son père avait vécu. Alexandre, Charlemagne, héros dont il se faisait raconter les exploits, étaient les modèles qu'il se proposait d'imiter; mais, par où commencer? quel peuple assujettira-t-il ? l'Italie, de tout temps, si fertile en événemens célèbres, fut la contrée qui lui offrit une arène où il crut pouvoir déployer son courage, et placer ses trophées à côté de ceux des Césars.

Deux maisons d'Anjou issues de celle de France, avaient, depuis deux siècles, occupé le trône de Naples, échu à la première par conquête, et à

la seconde par adoption. Alphonse v, roi d'Aragon, par une suite de victoires mêlées d'intrigues, en avoit renversé le roi René, héritier de la seconde maison d'Anjou, et oncle de Louis x1, et

y

avait placé Ferdinand, son fils naturel. Fidèle à sa politique de ne pas rendre ses parens trop puissans, Louis ne secourut pas René, et ce prince, orné des vertus douces qui l'ont fait surnommer le Bon, préféra à un royaume sans cesse agité, une vie tranquille dans la société des savans, et l'exercice des arts agréables qu'il cultivait avec succès. Il partageait ses loisirs entre la Provence et l'Anjou, qu'il rendit heureux. En mourant, il laissa le royaume de Naples, dont il n'était plus que titulaire, au comte du Maine, son neveu. Celui-ci mourut sans enfans, et fit aussi un testament par lequel il adoptait pour ses héritiers Louis x1, le Dauphin, et leurs successeurs au trône de France.

Cet héritage, qui ne pouvait s'obtenir sans guerre, ouvrit à l'imagination de Charles VIII un vaste champ d'espérances, dont il croyait le succès infaillible. L'Italie était partagée en principautés et en républiques jalouses, et perpétuellement armées les unes contre les autres. Le jeune monarque ne doutait pas que, se présentant à la tête d'une nombreuse armée, au milieu de ces

rivaux, tous n'accourussent à lui pour obtenir sa médiation ou ses secours; qu'il ne fût leur arbitre ou leur vainqueur; et que plusieurs même des chefs mercenaires qui servaient alternativement les petites puissances qui les soudoyaient, ne vinssent grossir ses bataillons, pour avoir part à ses conquêtes. Aucune ville alors, aucune citadelle ne pourrait retarder sa marche triomphante; Rome même serait forcée de lui ouvrir ses portes. Arrivé sur les frontières de Naples, quels princes aurait-il à y combattre? Le vieux Ferdinand, le plus vicieux et le plus méprisé de tous les hommes; Alphonse, son fils, détesté par sa cruauté; et enfin un jeune Ferdinand, fils d'Alphonse, à peine sorti de l'adolescence.

Charles VIII avait l'intime conviction que, à son approche, les seigneurs et les peuples se déclareraient pour lui, préférant l'honneur de vivre sous le sceptre d'un prince français, héritier des princes angevins, leurs souverains légitimes, à la honte de courber la tête sous le joug d'une race bâtarde.

Ce n'est pas outrer les intentions du jeune monarque, que de dire qu'à son projet sur Naples, il ajoutait celui de s'emparer de Constantinople, et de chasser les Turcs de l'Europe. Le trône Ottoman était occupé par Bajazet II; il lui avait été

disputé par Zizim, son frère : celui-ci, vaincu dans une bataille, s'était réfugié chez les chevaliers de Rhodes, d'où il était passé en France. Innocent VIII, fondant sur le prince turc le succès d'une croisade, le demanda à Charles VIII, qui l'accorda, sous la condition expresse, que le prince musulman lui serait rendu quand il le redemanderoit.

Cette clause seule suffirait pour manifester l'intention du jeune monarque, mais on sait, de plus, qu'il attira à sa cour André Paléologue, neveu et héritier du dernier empereur de Constantinople; qu'il eut avec lui de fréquentes conférences; qu'il lui accorda des gratifications considérables, et on a la probabilité qu'il signa avec le prince grec un traité, par lequel ce dernier lui transportait tous ses droits sur l'empire du Croissant. Cette conquête était donc la chimère de Charles; mais il ne devait y songer qu'après qu'il aurait atteint son but principal, la couronne de Naples.

Le projet sur Naples (*) fut discuté dans un

(*) La conquête du royaume de Naples tentait l'ambition de Charles VIII. Il fait la paix avec le roi d'Aragon, lui rend la Cerdagne et le Roussillon, et lui fait une remise de trois cent mille écus qu'il devait, sans faire attention que douze villages qui joignent un état, valent mieux, dit un historien,

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