docile aux instructions de Hoche, feint l'hésitation, et se replie vers le camp avec une précipitation étudiée. Trompés par ce mouvement, qu'ils prennent pour de la crainte, les émigrés s'avancent avec fierté, l'arme au bras, dans le plus bel ordre, et se disposent à forcer les retranchemens. Un feu terrible accueille les deux régimens qui ont commencé l'attaque; la mitraille les foudroie, et quelques minutes suffisent pour cribler tous leurs rangs. Le petit nombre de ceux qui échappent à ces décharges meurtrières, se jette entre la colonne de gauche et la mer, et répand la confusion parmi les troupes qui n'ont point encore combattu. D'Hervilly renouvelle l'attaque des retranchemens, mais on le repousse avec tant de vivacité que, bientôt, étourdi par le désordre qui règne autour de lui, il perd la tête, et donne à sa droite l'ordre de la retraite, tandis qu'à la gauche il commande de battre la charge. Un troisième effort allait être tenté par les émigrés quand, atteint d'un biscayen, leur général tombe mortellement blessé. Cet événement décide du sort de la bataille; les soldats de Hoche se précipitent hors des redoutes, et fondent sur les royalistes en poussant des cris de victoire. La déroute est épouvantable, le carnage affreux ; la mort frappe impitoyablement et celui qui essaie de rallier quelques braves, et celui qui cherche son salut dans la fuite. La mort de d'Hervilly avait répandu la consternation et le découragement parmi les émigrés, qui restaient sans chef. Vauban refuse le commandement qu'accepte Puysaie. Manquant de résolution et des talens qui auraient pu donner aux affaires une tournure moins déplorable, plus propre à l'intrigue qu'aux combats, plus courtisan que guerrier, Puysaie fait débarquer la division Sombreuil, qui prend poste à Saint-Julien, amas de cabanes au milieu de la presqu'île. Vainement il avait espéré que ce renfort ramènerait la confiance, et que la présence du jeune héros dissiperait l'inquiétude dont les esprits étaient agités. Il était arrêté dans les décrets éternels que les émigrés périraient, et périraient victimes de la félonie et de la trahison !..... Les prisonniers que l'Angleterre avait armés s'empressent de se joindre aux soldats de Hoche; la désertion devient fréquente, le mot d'ordre est livré, et Mesnage, à la tête de trois cents grenadiers, soutenu par Valletaux, pénètre dans le fort Penthièvre, qui ne ferme pas tellement l'isthme, qu'on ne puissse le tourner à marée basse. L'alarme se répand, les canonniers et les officiers émigrés accourent à leur poste; mais assaillis par des hommes qui portent le même uniforme qu'eux, ils sont égorgés sur leurs pièces. En vain, ils crient à la trahison; la trahison devient presque générale. La première compagnie des grenadiers de d'Hervilly est détruite; la seconde passe à l'ennemi, malgré les efforts que font pour s'y opposer son capitaine et son lieutenant, Grammont et Saint-Didier: deux autres compagnies imitent cet exemple, et oubliant l'origine commune, elles tournent leurs armes contre des Français, et ne rougissent pas de se faire un mérite de leur cruauté envers leurs propres camarades. Le plus épouvantable désordre règne dans le fort. Mesnage, le sabre à la main, abat tout ce qui résiste, s'empare de l'artillerie, la tourne contre les Anglais, et riposte avec avantage au feu que ces derniers dirigent sur les colonnes que Hoche conduit du côté de la mer, pour attaquer de front les royalistes, dont les régimens se rassemblent à la hâte. Béon et Damas se mettent en bataille derrière Saint-Julien; la légion de Rohan arrive au pas de charge; et tous, officiers et sol dats, résolus de vendre chèrement leur vie, s'animant les uns les autres, ne veulent qu'une seule chose, la victoire ou la mort, quand Puysaie seul, le pusillanime Puysaie, resté chef de l'expédition, au lieu de partager l'ardeur et le dévoûment des braves qu'il a l'honneur de commander, au lieu de s'occuper du salut de l'armée, oublie qu'il succède à d'Hervilly, ne songe qu'à sauver sa correspondance avec Pitt et le comte. d'Artois, et, trop lâche pour affronter le danger, ou trop inepte pour chercher à l'éloigner, court à bord de Warren, se cache ignominieusement au milieu de la flotte anglaise, et déserte, de la manière la plus indigne et la plus déloyale, des troupes dont il semblait n'avoir pris le commandement que pour les sacrifier. Privés de canons, manquant même de cartouches, les émigrés, sous la conduite de Contades, se replient sur le camp, et répandent le désordre parmi ceux qui venaient trop tard pour les secourir, en leur faisant partager la terreur dont ils sont saisis. Sombreuil toutefois parvient à les rallier. « Ce n'est pas, s'écrie-t-il, à des braves tels que vous, qu'il faut dissimuler la vérité. Le fort Penthièvre est pris : il faut le reprendre ou tomber sous ses murs. » Marchons! fut le seul mot qui se fit en tendre; et la colonne se dirigea vers le Mât-dePavillon. Mais l'aspect du danger a bientôt ralenti ce premier élan d'une valeur désormais impuissante. Un boulet tue sous lui le cheval de Sombreuil, qui s'était porté seul à l'endroit du plus grand danger. Ce fut alors surtout qu'on put se convaincre combien était funeste et machiavélique la mesure prise par l'Angleterre de faire marcher, sous les bannières de la royauté, des soldats qui avaient combattu sous les drapeaux de la république. Ces prisonniers, en effet, souriant au parti qu'ils voyaient le plus fort, libres désormais de toute entrave, ne se croyant plus obligés à tenir des promesses que la nécessité avait arrachées, renversaient la crosse de leurs fusils, désertaient en masse en s'écriant: « Nous aussi nous sommes patriotes! » poignardaient leurs officiers, et, détestable effet des guerres civiles! déchargeaient leurs armes sur ceux qu'ils abandonnaient. Malheureux! arrêtez, votre conduite flétrit le premier nom de l'Europe! Français, combattez et n'assassinez pas! Quoi! vous avez habité l'Angleterre, et vous ne voyez pas, aux coups que vous portez, tressaillir d'allégresse les enfans d'Albion! Quoi! dans votre aveuglement, vous ne |