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long-temps. Outre les émigrés sur lesquels il pouvait compter, Pitt avait employé tous les genres de séduction, pour engager à servir la cause royale, les Français que le sort des armes exposait à périr de faim et de misère sur ces mêmes pontons où depuis ont expiré tant d'individus, victimes de la froide barbarie d'un peuple qui ose se vanter d'être humain.

Placés entre une mort presque certaine, et des chances moins terribles et moins instantes, les prisonniers de guerre saisissent ce moyen de retourner dans une patrie qu'ils croyaient à jamais fermée pour eux, et, réunis, ils forment un corps de dix mille hommes.

Leurs chefs sont d'Hervilly, Puysaie, Conflans, Botherel, Levis, Contades, Broglie, Vauban, Dubois - Berthelot, Tinteniac et l'immortel Sombreuil, tous commissionnés par le comte d'Artois, que des affaires d'un intérêt sans doute très-grave retenaient en Angleterre, ainsi que les dix mille hommes de troupes, qui, d'après les promesses du cabinet de Saint-James, devaient, sous les ordres de Moira, chercher à surprendre Saint-Malo.

D'abondantes munitions, des armes pour quatre-vingt mille hommes, des habits pour soixante mille, des pièces d'artillerie de tout ca

libre, d'immenses provisions de bouche, deux millions en or, plusieurs milliards de faux assignats, fabriqués à Londres, surtout de QUATRE CENTS livres, enfermés dans des barriques, chargent plus de cent batimens de transport.

Warren escorte ce convoi avec deux vaisseaux de soixante-quatorze, quatre frégates, deux corvettes, deux cutters et quatre chaloupes canonnières : quinze vaisseaux de ligne, dont trois du plus haut bord, croisent sur les côtes pour protéger le débarquement.

Maître de la mer et des côtes du Morbihan, Warren somme Belle-Ile de se rendre. Boncret, commandant de la citadelle, répond qu'il s'ensevelira sous les ruines de la place plutôt que de la remettre à des Anglais, et Warren, instruit qu'on ne peut prendre la forteresse que par terre, et qu'avant tout il faut s'être emparé de l'intérieur de l'île, de Bangor, de Sauson, et de Loc-Maria, juge plus qu'inutile de canonner des rochers à pic, et se retire sur la côte du Morbihan, qu'il sait être dégarnie de troupes.

Déjà d'Hervilly, à la tête de quinze cents hommes, a sauté dans les chaloupes, et, sans avoir trouvé d'obstacle, il s'est avancé en bon ordre sur la place de Carnac, entre Quiberon et le golfe du Morbihan. Cadoudal et Lemercier ac

courent à la tête des chouans pour recevoir les émigrés. D'Hervilly se joint à eux, et marche de suite sur Carnac, dont il massacre la garnison, trop faible pour résister. Les batteries sont enlevées, le drapeau blanc flotte dans la presqu'ile, Auray est pris, et la possession de cette ville ouvre tout le pays aux royalistes.

Cependant la position des émigrés allait devenir de jour en jour plus embarrassante. Hoche, qui les tenait comme bloqués, faisait des progrès bien propres à leur causer de vives inquiétudes. Il venait d'établir un camp retranché à une lieue et demie du fort Penthièvre, en avant de SainteBarbe, et en vue des Anglais, bravement immobiles sur leurs vaisseaux, des chaloupes canonnières et des bâtimens de transport.

Des fourneaux sont construits pour tirer à boulets rouges sur l'escadre anglaise et la forcer à s'éloigner de la côte. Meunier, vers Ploërmel, couvre les derrières de l'armée de Hoche, dont la gauche est gardée par Laviolais, maître du château de Kercado, de Saint-Clément et de Carnac, repris depuis peu sur les émigrés. Chérin et Canclaux envoient incessamment des troupes au quartier-général, et Hoche, sans qu'on ait droit de l'accuser de présomption, peut écrire : « Je réponds des émigrés et des chouans amon

celés à Quiberon, j'en rendrai bon compte. »> Cette confiance du général en chef passe dans l'âme des soldats. Un seul murmure se fait entendre dans l'armée, murmure flatteur, indice d'un succès assuré, c'est que, au gré de leur impatience, on ne donne pas assez tôt le signal du combat.

Contraste frappant! tout, au contraire, chez les émigrés, annonce l'inquiétude et la crainte, et les travaux auxquels ils se livrent, les retranchemens qu'ils multiplient, et en avant du fort Penthièvre, et au camp de Kerostin, loin d'augmenter l'espérance qu'on avait conçue de l'invasion, ne décèlent que trop l'anxiété, la faiblesse et l'irrésolution. Ajoutéz à cela que la mésintelligence s'était introduite parmi les officiers supérieurs, et qu'on allait même jusqu'à accuser hautement d'Hervilly de s'être arrêté à Quiberon, dans le dessein de conserver le commandement en chef, qu'il craignait, dit-on, de perdre en rejoignant Charette et Stofflet, divisés eux-mêmes, parce que le premier était noble, et que le second avait été garde-chasse. Ce bruit injurieux pour un brave, arrache d'Hervilly à son inaction: il ordonne des reconnaissances qui, n'étant point appuyées, restent sans effet.

Des échanges de boulets ont lieu; quelques

bataillons se mettent en mouvement dans les deux armées, mais les émigrés sont repoussés sur tous les points; leur position devient d'autant plus cruelle, qu'ils sont trahis par ceux-là mêmes qui les avaient suivis uniquement pour se soustraire aux homicides pontons de l'Angleterre, qui désertent en foule, et cherchent l'abondance dans le camp de Hoche, tandis que celui des émigrés, encombré de paysans, commençait à éprouver les horreurs de la disette.

Il fallait donc ou se rembarquer, ou combattre; mais se rembarquer c'était se couvrir de honte, combattre, sans attendre la division Sombreuil, c'était prétendre à plus de gloire, mais aussi s'exposer à être vaincu.

Contre l'avis de Puysaie, de Vauban et de plusieurs autres officiers généraux, d'Hervilly veut seul obtenir l'honneur de la journée qu'il prépare, commande une attaque générale et ne tarde pas à recevoir le prix de son orgueilleuse opiniâtreté. Au milieu de la nuit sa division tout entière s'ébranle et marche en colonnes serrées. Le

silence règne dans tous les rangs, que précèdent huit pièces de canon et deux compagnies d'éclaireurs. Quinze cents chouans, que conduit Vauban, sont arrêtés par Lemoine, dont le feu nourri et bien dirigé les force à la retraite. Humbert,

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