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indépendant, rappelle parmi nous, à la honte de misérables intrigans qu'il a le courage de braver.

L'ordre d'arriver, donné par Villaret-Joyeuse, mit fin à cette inutile parade, et le second acte de la tragédie commença.

L'armée anglaise montra beaucoup d'hésitation; cependant forcée à combattre, elle le fit partiellement et en tâtonnant. De notre côté le Vengeur ne garda pas son rang. Le porte-voix lui transmit le mécontentement du général, mécontentement dont il sut honorablement s'absoudre trois jours après, mais non de la manière que l'a proclamée à la tribune de la Convention l'éhonté Barrère de Vieuzac.

L'obscurité mit fin à cette action qui aurait pu être décisive et ne le fut pas. Des fanaux furent de nouveau hissés à chaque bord; tout le monde était de quart: les hamacs et les cadres dormaient, ou dans les soutes, ou dans les bastingages.

Serait-il permis de rapporter un fait arrivé ce jour-là sur la Montagne ? Le premier boulet qu'elle reçut brisa une poulie dont deux éclats atteignirent au même instant, et à la joue et au talon, un matelot-canonnier de service sur le pont. Le malheureux resta debout, et parut in

décis sur l'endroit offensé où d'abord il porterait la main. Partisans du libre arbitre, prononcez, on vous abandonne cette observation.

Un autre événement moins grave se passa dans la cabane du major-général, où se trouvait alors le frère de Chardon, de Lorient, dont il sera incessamment parlé.

Agé de douze à treize ans, ce jeune volontaire, embarqué malgré les observations de sa famille, fut blessé par une éclisse de sapin, et criait à tue-tête, en invoquant sa mère. Un peu de charpie, une bande légère, et par dessus tout le rire inextinguible de ses camarades, calmèrent sa douleur et guérirent son égratignure. Charis, le bon Charis lui-même, aujourd'hui père de famille, et négociant à Hennebon, ne put résister à l'exemple, et obéit à un premier mouvement qui, certes, n'était point dans son cœur.

Le Français rit de tout et partout. Enfant héros, mais enfant supérieur à ce que Sparte, Athènes, Carthage et Rome ont produit de plus étonnant, l'Europe entière lui a servi de hochet.

Arrive enfin le 13 prairial, époque également fatale aux marine française et anglaise. La mer est houleuse et moutonne. Quelques rayons rares d'un soleil pâle montrent que l'Anglais, dont les forces en nombre sont évidemment augmentées,

a profité pour gagner le vent des brumes épaisses qui couvrirent l'Océan le 11 et le 12.

Ces deux jours, en effet, dans l'impossibilité de s'entrevoir, la flotte française avait manoeuvré à la voile, et les eaux ne furent conservées qu'au moyen de coups de pistolets tirés de temps en

temps.

L'Anglais attaque à sept heures du matin ; l'action tarde peu à devenir générale. On se bat avec acharnement; on s'aborde, on se mêle : nul ordre n'est gardé. Le Français fait feu sur le Français, l'Anglais sur l'Anglais. La confusion est telle, dans ce vaste champ de carnage, que les signaux ne peuvent plus être aperçus ni compris.

Les drisses ont disparu; les pavillons tombent et sont à l'instant cloutés; les voiles vent-dessusvent-dedans (en panne) n'offrent plus que d'inutiles lambeaux ; les mâts, restés debout, s'emplissent de boulets. L'Anglais vise à démâter (*), le Français à couler bas. L'un spécule, l'autre dissipe. Là le commerce, ici l'honneur et l'héroïsme.

(*) A l'instant les frégates la Seine, du Hâvre-Marat (Hâvre de Grâce), la Tamise, prise anglaise, et le Brutus, vaisseau rasé, reçoivent l'ordre de parcourir le front de l'armée, et de recommander à tous les capitaines de faire pointer, moitié à démâter, moitié à couler bas. L'ordre est

Disons-le à la honte de l'espèce humaine, le 13 prairial, la foudre elle-même eût vainement cherché à se faire entendre au milieu de plus de quatre mille bouches à feu vomissant ensemble et la désolation et la mort.

Barbares, arrêtez! un seul coup de canon peut yous mettre au fond de la mer et causer la perte de douze cents hommes! Un vaisseau de force inférieure sera déshonoré, s'il amène son pavillon, parce qu'une loi aussi atroce qu'impolitique défend de faire de prisonniers!....

Vous qui l'avez fait rendre cette même loi, avez-vous bien calculé les suites funestes qui pouvaient en résulter? non, vous avez voulu une guerre de brigands et d'assassins; vous avez voulu que l'honneur, ce sentiment sublime, fût entièrement méconnu. Loi atroce et sanguinaire!

exécuté. L'Anglais porte la peine de l'exemple qu'il a luimême donné, et sa douteuse tactique échoue devant la franchise de la nôtre.

A propos de franchise, nous ne pouvons résister à l'envie de citer un mot qui peint bien les Français. Jean-Bon-SaintAndré demanda à un capitaine de frégate, à la voile, une bonne longue-vue. « Représentant, nous n'en avons qu'une de la République, qui ne vaut pas grand chose,» répondit le capitaine. Et tous de rire aux éclats, à bord de la Montagne. Cette réponse ne parut épigrammatique à personne, pas même à Jean-Bon-Saint-André.

je serai forcé à donner la mort à mon ennemi vaincu et sans défense! L'Anglais, pris sans armes sur un bâtiment marchand, sera fusillé parce qu'il est Anglais, et le héros dont la patrie s'honore remplira l'office des bourreaux! ....

Réflexions, voeux inutiles! la rage est à son comble! Exceptons toutefois de cette rage la presque totalité des bords qui avaient reçu des

noms nouveaux.

Où êtes-vous, marins en bonnets rouges? le jour de gloire est arrivé. Réalisez ces chants que les échos de la rade de Brest ont répétés si souvent. Vous n'êtes plus devant les forts; vous n'êtes plus sous leurs batteries fixes, sûres, immobiles et protectrices; vous avez passé la Roche-Mingan (*); vous avez doublé Berthaume, et le phare Saint-Mathieu est loin derrière vous; vous êtes en présence de l'Anglais, de cetAnglais que vous avez si souvent vaincu du haut de vos tribunes!

Mais quoi! vous reculez devant les vils esclaves des rois; votre vaillance vous abandonne; vous laissez couper la ligne! Ah! quittez vos grands mots; songez à vous battre; vous avez

(*) Écueil dangereux pour les vaisseaux, où l'on a eu la précaution de fixer une haute barre de fer.

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