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révolutionnaire parcourant les départemens; Nantes décimée par Carrier, Bordeaux par Lacombe, Arras par Lebon; Orange, Avignon, Ro

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Fument de nos vaisseaux les débris confondus
Des nuages brûlans, sur l'onde suspendus,
S'élèvent jusqu'au ciel, et, sous un voile immense,
Cachent aux malheureux leur dernière espérance.
Voyez-vous ces canots que le flot menaçant
Pousse, enlève, repousse, emporte en mugissant?
Là, quittant, pour jamais, une terre chérie,
Des pères, des époux, citoyens sans patrie,
Espèrent vainement un asile à leurs maux.
La mort est dans nos murs, la honte sur les flots;
Les flots sont asservis par l'Anglais inflexible,
Nos murs par des tyrans, et, dans ce jour terrible,
Nul ne peut, du destin désarmant la rigueur,
S'affranchir, à la fois, du crime et du malheur.

Un seul homme, un vieillard, que son mâle courage,
Ses souvenirs, sa gloire, attachaient au rivage,
Sur une ancre brisée appuyant sa douleur,
Contemplait, d'un oeil sec, ce spectacle d'horreur.
Aux portes de Toulon, dans ce combat rapide,
Comme un roseau frappé par la foudre homicide,
Son fils était tombé dans ses bras paternels.

Déchiré, mais fidèle à ses devoirs cruels,
Le vieillard étouffant un intérêt si tendre,

Ne pleura point son fils dans sa patrie en cendre ;
Il frémit, indigné de survivre à tous deux.
Bientôt, de son asile, à travers mille feux,
Entraîné vers le port, dans la foule éperdue,
Sur ce vaste incendié il arrête sa vue.

Il cherche ces vaisseaux, qu'il guidait autrefois,
Quand, de Suffren vainqueur accomplissant les lois,
Son courage, ennemi des rivaux de la France,

chefort présentant l'image hideuse de tous les forfaits; l'héroïsme et la vertu à côté du crime et de la lâcheté; mille combats plus glorieux les

Allait au Gange esclave annoncer la vengeance;

Ces vaisseaux ne sont plus : nos remparts ébranlés,
Dans la flamme et le sang nos chantiers écroulés,
Nos pavillons captifs traînés sur la Tamise,
Et, pour combler l'horreur de ces tristes succès,
Les Français expirans sous les coups des Français,
Tel est l'affreux tableau qui partout l'environne.
Du vieillard citoyen la force l'abandonne ;
L'avenir sur son âme a perdu son pouvoir.
Accablé du fardeau d'un âge sans espoir,

Il implorait, du moins, un trépas sans outrage;
D'avides étrangers délaissés sur la plage,
Insultant, dans la fuite au vou qu'il a formé,
Frappent d'un fer vaincu ce vieillard désarmé.
Il tombe, et tout-à-coup, à son heure dernière,
Un prodige éclatant vient frapper sa paupière.
Soit que le ciel voulût, touché de son destin,
Par un songe flatteur en adoucir la fin;

Soit qu'aux yeux des mourans, comme l'ont cru des sages,
S'offrent de l'avenir les terribles images,

L'airain tonnant encor sur la ville soumise,

De ses derniers regards, attachés dans les airs,

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perce le nuage étendu sur les mers ›

Et, de nos vieux marins, ses guides, ses modèles,

Il croit voir devant lui les ombres immortelles.

Il reconnaît ce Paul, si long-temps redouté;

Ce Forbin, dont Venise admira la fierté ;
Nesmond, Château-Renaud, Valbelle, d'Amfreville,
Et le sage d'Estrée, et le vaillant Tourville;

Duquêne, la terreur du rivage africain;

Cassart, que ses exploits recommandaient en vain,

uns que les autres; vingt succès pour un revers, et cent victoires pour un échec aussitôt reparé que reçu, telle était la situation de la France,

Quand sur lui d'un rival l'estime courageuse
Appela les regards d'une cour dédaigneuse;
Duguay-Trouin, ce rival si modeste et si grand,
Des trésors du Brésil généreux conquérant;
Et Bart, qui, tant de fois, alarma l'Angleterre :
Parmi tant de héros, Toulouse, solitaire
Apparaît au vieillard sous les voiles du deuil,
Près d'un lit renversé pleurant sur un cercueil.

Le mourant tressaillit à cet aspect funeste :
Soudain brille à ses yeux une flamme céleste;
Et les mânes guerriers, qui planent sur les eaux,
Lui découvrent au loin deux rapides vaisseaux,
Qui des rives du Nil, ont volé vers la France.
Assise sur nos bords, la timide Espérance
Attendait un héros promis à nos malheurs.
Il paraît, et déjà ses pavillons vainqueurs
Ont touché ces débris consacrés par la gloire,
Qui gardent de César le nom et la mémoire (*).
O prodige! un moment a vu changer l'état !
L'honneur rentre au conseil, la prudence au sénat;
Bonaparte a parlé : la victoire fidèle

Entend et reconnaît la voix qui la rappelle:

Soumise, elle s'élance, et fixe le destin:

La paix la suit de loin, des palmes à la main ;
Elle dicte des lois à l'Europe docile,

Et, seule, dans le fond de ce tableau mobile,
On voit, au sein des mers, la jalouse Albion,
Rallumer les flambeaux de son ambition,

(*) Fréjus. Déjà cité.

lorsqu'une insurrection grave éclata à bord de l'escadre de Brest, stationnée entre Grouaix et Belle-île-en-mer, dans le mauvais mouillage de Quiberon.

Le principal auteur de cette insurrection fut un canonnier de marine, né à Lille, département du Nord, et le prétexte des mouvemens qui eurent lieu, et des circulaires manuscrites adressées aux divers équipages, ne vint que de la crainte vague d'une trahison, bien impossible sans doute, puisque Morard de Galles et le vieux Linois commandaient la flotte; Morard de Galles, qui depuis avec Hoche fut chargé d'une expédition contre l'Irlande, où débarqua Humbert à la tête de sept à huit mille hommes seulement (*).

Craindre, pour sa grandeur, le repos de la terre,
Et confier encore au démon de la guerre
Son destin, qui dépend, dans ces funestes jeux,
D'une nuit sans étoile ou d'un jour orageux....

Alors tout disparaît un voile favorable
Couvre de l'avenir l'arrêt inexorable;

Le vieillard, qui l'entend, perd la voix et le jour;
Dans la nuit éternelle il tombe, sans retour.
Il expire; et ses yeux, fermés par l'Espérance,
Ont, du moins, entrevu le vengeur de la France.

ESMÉNARD.

(*) Une tempête dispersa l'escadre française, et la descente complète en Irlande manqua, parce qu'elle avait été tentée

Déclarons, avant tout, que, dans cette affaire, et dans toutes celles qui précédèrent et suivirent, soit à bord du Censeur ou du Ça-ira, soit à bord de la Montagne, soit à Aboukir, soit à Trafalgar, nul Français n'a à se reprocher un acte de félonie; déclarons encore que, sur aucun point, l'Anglais n'a jamais osé attaquer les émules des Duquesne, des d'Hector, des de Grasse, des la Motte-Piquet, etc., etc., sans une force d'un tiers en plus. Paris le sait; Londres, pleurant ses éternelles guinées, le sait mieux encore.

Cependant près de cette côte (1), où Hoche

dans une saison peu favorable. Hoche débarqua à La Rochelle, avec quelques troupes en habits rouges. Il revint à Brest par mer. Morard de Galles et sa suite se rendirent, par terre, à la même destination.

Citons ici une aventure qui n'est point indigne de l'histoire. Arrivé à Chantonay, Morard de Galles ne trouva point de lit, même au Mouton Blanc. Les bleus avaient tout brûlé dans le pays. L'hôtesse lui donna le sien, ou plutôt quelques misérables débris de matelas échappés aux flammes. Deux draps blancs reçurent l'amiral dans une salle semi-couverte, et au milieu de tout son monde, buvant, fumant et chantant. Ceux qui voulurent dormir allèrent se jeter sur du foin. Le lendemain, on se remit en route, et l'on arriva à Nantes. « Je n'ai jamais passé de meilleure nuit, » dit Morard de Galles. Nous l'avons entendu.

(1) Quiberon.

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