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rablement accueillies, et la nouvelle république reçoit avec joie et reconnaissance le gouverneur que lui envoie la reine d'Angleterre. Piqué d'une alliance qui laisse, pour toujours, impunie la révolte de ceux qu'il appelle ses sujets, Philippe II confisque les vaisseaux anglais qui sont dans ses ports. Les Anglais, de leur côté, usant de représailles, s'emparent des bâtimens espagnols que le hasard leur fait rencontrer, et François Drack, un des plus grands hommes de mer de son temps, cinglant vers Saint-Domingue, y débarque, pille le fastueux palais du gouverneur (*), et charge sur son escadre l'artillerie et les plus riches effets qui se trouvent dans la place. Vainement Philippe, instruit de ce succès, envoie contre lui une flotte de plus de soixante-dix navires, aux ordres de Sainte-Croix; ce dernier arrive trop tard: Drack a levé l'ancre, et est arrivé heureusement en Angleterre.

(*) Ce palais était la résidence ordinaire des gouverneurs de l'île. Au dessus de la principale entrée se trouvaient deux chevaux en bas-relief, dressés sur les jambes de derrière, et appuyant celles de devant sur un globe, comme s'ils avaient voulu sauter par-dessus; de leur bouche sortait cette inscription: «Non sufficit orbis. » On voyait auprès les armes d'Espagne, avec cette devise: « Nec spe, nec metu.»

Hist. gén. de la Marine,

Outré de dépit, le fils de Charles-Quint jura de se venger, et arrêta dès lors la conquête de la Grande-Bretagne. Trois ans suffirent à peine aux préparatifs de l'armement le plus formidable qui ait jamais paru sur l'Océan, et qu'on surnomma l'INVINCIBLE. Il se composait de cent trente-deux bâtimens, du port de cent cinquante-neuf mille cent vingt tonneaux, sans compter celui de trois pinasses, de quatre galères, de quatre galéasses et des caravelles, armés de trois mille cent soixante-cinq pièces de canon, et ayant à bord huit mille sept cent soixante-six matelots, deux mille quatre-vingt-huit forçats, et vingt-deux mille sept cent neuf hommes de garnison.

Outre l'artillerie de chaque vaisseau, les Espagnols avaient encore embarqué un grand nombre de bouches à feu, des coulevrines et des pièces de campagne propres au service de terre, avec cent vingt mille boulets, cinquante-six mille quintaux de poudre, douze mille quintaux de mèches, sept mille mousquets et carabines, et dix mille hallebardes et pertuisanes. Ils étaient d'ailleurs si persuadés de pouvoir opérer une descente en Angleterre, que leur flotte était pourvue de planches, de chariots, de roues d'affûts, de chevaux, de mulets, de piques, de pieux, de bêches, de pa

niers, et généralement de tout ce qui est nécessaire pour manœuvrer sur terre. Les provisions de bouche étaient également abondantes. On dit même que la profusion fut telle, que les transports étaient chargés d'une quantité de vin capable de suffire pendant une année entière à la consommation d'une armée de quatre cent mille combattans. Instruite par ses espions des desseins de Philippe, Élisabeth (*) avait ordonné à Drack de se

Voici de quelle manière on sut que ces préparatifs étaient destinés contre l'Angleterre :

« Walsingham apprit, de Madrid, que Philippe avait déclaré dans son conseil, qu'il avait envoyé un exprès à Rome, avec une lettre écrite de sa main, pour informer le pape du véritable dessein de ses préparatifs, et pour lui demander sa bénédiction, et ce, pour des raisons qu'il ne voulait pas déclarer avant l'arrivée du courrier. Sur cet avis, Walsingham, à l'aide d'un prêtre vénitien, qu'il entretenait à Rome comme son espion, se procura une copie de la lettre originale, qui fut tirée du cabinet du pape par un gentilhomme de la chambre, qui prit les clefs dans la poche du pape, tandis qu'il dormait. »

FRANÇOIS DRACK.

Élisabeth, d'après cette lettre du roi d'Espagne, n'ignorait pas tous les motifs de l'armement qu'il préparait pour la détrôner: aussi prenait-elle, de son côté, toutes les précautions possibles pour se mettre en état de défense; et chacun d'eux couvrait ses préparatifs de divers prétextes. Outre les prétentions sur lesquelles Philippe se fondait, étant le plus

mettre en mer, avec une escadre de quarante galères, pour interrompre ces préparatifs, détruire les vaisseaux ennemis, leurs munitions et leurs provisions dans leurs propres ports, ou partout où il les rencontrerait, avant qu'ils fussent arrivés à Lisbonne, rendez-vous de l'armée. Le général anglais s'était dirigé vers la baie de Cadix, et y avait pris, brûlé ou coulé à fond une centaine de bâtimens, dont un galion, de douze cents tonneaux; passant ensuite au cap Saint-Vincent, il s'y était emparé du château, avait détruit, par le

prochain prince catholique, descendu de la maison de Lancastre, troisième fils d'Édouard 111, il faisait encore valoir un autre motif propre à faire illusion au public; c'était son grand zèle pour le rétablissement de la religion catholique dans les trois royaumes de la Grande-Bretagne par là, il avait engagé le pape Sixte-Quint dans ce projet, dont l'exécution devait être autant glorieuse qu'avantageuse à l'un et à l'autre, et dont néanmoins Philippe devait faire toute la dépense. Quant à Sixte, il n'avait à y contribuer, de son côté, que ce que les papes ont accoutumé de fournir en semblables occasions, savoir, des vœux, des prières et des excommunications. Ce fut donc pour favoriser l'entreprise du roi d'Espagne, que ce pontife fulmina contre Élisabeth une bulle par laquelle il déliait ses sujets du serment de fidélité, et donnait ses royaumes au premier occupant. Ce premier occupant, c'était Philippe 11, qui était déjà prêt à profiter de la faveur du saint Siége. Quels compères!

PONCET DE LA GRAVE.

feu, les barques des pêcheurs, et tellement dévasté le pays, que Philippe avait été obligé de retarder d'un an l'expédition projetée.

bien rece

Tout était prêt en Angleterre pour voir l'ennemi. Deux forts avaient été bâtis sur les deux rives et à l'embouchure de la Tamise, pour en défendre l'entrée; une flotte considérable, qui pourtant était bien loin d'approcher de celle d'Espagne, pour le nombre et la grandeur des vaisseaux, pouvait, à volonté, lever l'ancre et combattre; Howard la commandait en chef, et avait sous lui Drack, Hawkins et Sorbisher, excellens officiers, d'une valeur et d'une habileté reconnues; Seymour croisait sur les côtes de Flandre, avec quarante vaisseaux anglais et hollandais, pour empêcher la jonction du prince de Parme avec les Espagnols; une armée de quarante mille hommes, dont trois mille aux ordres de Leycester, était prête à marcher au premier signal; et, outre ces troupes, on avait organisé dans chaque province un corps de milice bien armé, pour se porter partout où le besoin le demanderait; les ports étaient fortifiés, et des signaux, établis dans toutes les directions, devaient, à l'instant, faire connaître les points menacés; enfin, il avait été résolu que si les Espagnols parvenaient à descendre sur le terri- ·

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