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des discours peu mesurés, mais que le sentiment de l'honneur et du devoir arrachait à un homme vif et emporté, qui ne voyait autour de lui qu'indifférence, lâcheté ou trahison; des rigueurs enfin, mais employées contre des révoltés, attestaient plus les torts de son caractère que de sa conduite; mais, présentés jusqu'à satiété aux yeux du public, ces mêmes torts avaient offusqué son jugement, détourné l'attention de son véritable objet, et formé contre l'accusé un préjugé confus, dont les magistrats ne surent peut-être pas assez se défendre.

Pour lui, il était loin de se croire coupable; aussi, au prononcé du jugement, tout son être se révolta-t-il contre l'injustice, et il ne put se retenir de la reprocher à ses juges avec toute la véhémence de son caractère.

Ce fut le prétexte d'une nouvelle barbarie : le magistrat chargé de l'exécution d'une sentence déjà trop rigoureuse, ne rougit pas de flétrir d'un bâillon infâme et de traîner au supplice, dans un humiliant tombereau, un militaire chargé d'honorables cicatrices, qu'il pouvait être dans l'intention du faible monarque de laisser conduire à la mort, mais du moins sans ignominie (*).

*) Prévenu d'avance du sort de Lally, Louis xv avait fait

Voltaire osa, le premier, appeler de cette sentence au tribunal de l'opinion publique, en observant du comte de Lally, « que c'était un homme sur lequel tout le monde avait droit de mettre la

dire au premier président que le parlement pouvait aller son train; qu'il n'était disposé à aucune grâce, et que, afin de se garantir de toute sollicitation, il allait se renfermer à Choisy, dont l'accès serait défendu à tout le monde. Il avait recommandé pourtant que, en satisfaisant à la justice, on eût pour le coupable tous les égards que pourrait comporter son supplice. En conséquence, il avait été convenu que Lally, demeuré sous la garde du concierge, monterait à la nuit dans son carrosse, avec le confesseur, un exempt en habit bourgeois, et son valet-de-chambre, et que l'exécuteur se trouverait seulement à l'échafaud pour y remplir son ministère.

Pasquier s'était opposé de toutes ses forces à cet adoucissement; il avait objecté que, dans pareil cas, la mort n'est rien; que c'est l'appareil infâme qui l'accompagne qui doit en faire toute l'horreur : les fers, le tombereau, le bourreau. Il renouvela son avis, à l'occasion du dessein de Lally de se soustraire à l'exécution de l'arrêt. On dépêcha un courrier à Choisy, et la réponse fut que les juges feraient ce qu'ils voudraient. Le bourreau prit donc possession de sa proie, lui garrotta les mains, et, sous prétexte que les Nègres avaient l'adresse de s'étrangler avec leur propre langue, et que Lally, dans ses voyages, aur ait pu apprendre ce secret il proposa de lui mettre un bâillon, idée que Pasquier adopta avidement, et avec une sorte de reconnaissance.

Vie privée de Louis XV,

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HISTOIRE DE LA MARINE.

main, excepté le bourreau.» La faveur qu'il avait commencé à donner à cette cause eut des suites heureuses, et, cinq jours avant sa mort, peut être put-il éprouver quelque satisfaction de savoir l'arrêt du parlement juridiquement infirmé par le conseil, qui réhabilita la mémoire de l'infortuné général, et accorda ce triomphe aux efforts réunis de l'éloquence et de la piété filiale.

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UN carrosse de chasse avait transporté, sans pompe (*), à Saint-Denis, les restes de Louis xv, sous prétexte de l'odeur fétide qu'exhalait son cadavre, et le peuple, parsemé sur la route, ne montra point les regrets que semblait promettre à la mémoire du défunt le surnom de Bien-Aimé,

(*) Aussitôt que Louis xv eut rendu l'âme, toute la cour partit de Versailles et se rendit à Choisy. Il ne resta auprès du corps que les gens nécessaires au service. On ne remplit aucune des formalités d'usage. Au bout de deux jours, on

qui lui avait été donné franchement par la nation à l'époque de la maladie de Metz.

Héritier légitime du trône des Bourbons, Louis XVI, à son avénement, fut salué du titre

transporta à Saint-Denis, avec une suite très-mesquine, le royal cadavre dans un carrosse de chasse. Les méchans dirent alors « que les hommes de l'escorte avaient fait courir le mort du même train qu'il les avait menés si souvent durant sa vie.

On raconte, à ce sujet, deux bons mots, l'un d'un ivrogne, l'autre de l'abbé de Sainte-Geneviève.

L'ivrogne était dans un cabaret, et l'on voulait le faire. sortir. Pour s'en débarrasser, on lui dit que le convoi de Louis xv allait passer, et qu'on ne lui donnerait plus à boire. << Comment! s'écria-t-il, ce b.....-là nous a fait mourir de faim pendant sa vie, et il nous ferait encore mourir de soif à sa mort!»>

L'abbé de Sainte-Geneviève se trouvant plaisanté sur le peu de vertu de la sainte, dont on avait découvert la châsse, répondit : « Eh! de quoi vous plaignez-vous, messieurs, estce qu'il n'est pas mort? »

Terminons cette note par l'anecdote suivante. Le prince de Conti étant à l'église, où il n'allait pas souvent, assistait, comme les autres, aux prières de quarante heures, à la paroisse du Temple, lorsqu'on vint lui annoncer la mort de Louis xv. Oubliant à l'instant le lieu où il se trouvait, et la décence qu'il exigeait, il donna l'ordre de renfermer le SaintSacrement dans le tabernacle, comme pour reprocher à Dieu l'inutilité des prières qu'on lui adressait, au grand scandale du peuple, qui se retira sans bénédiction.

Fastes de Louis xr.

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