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pourtant est vrai, c'est que Villiers, frère de Jumonville, envoyé pour punir les violateurs du droit des gens, reçut à capitulation le fort de la Nécessité, qu'il aurait pu prendre d'assaut, si sa grande âme avait été moins généreuse. Enfin, on le vit, à l'étonnement extrême des Sauvages, qui ne pouvaient comprendre sa modération, sacrifier son ressentiment particulier, au plaisir de rompre les liens des compagnons de son malheureux frère. La promesse lui fut donnée de les faire revenir de Boston, où ils avaient été conduits, et cette promesse, toute britannique, ne fut ja

mais entièrement exécutée.

L'échec éprouvé par Washington éveilla la sollicitude du cabinet de Londres, qui fit passer de nombreux renforts dans ses colonies, et qui, chose infâme! sans déclaration de guerre, se crut autorisé à concerter des plans d'invasion contre les établissemens français. L'expédition la plus considérable, menaçant le fort Duquêne, fut confiée au général Braddock, officier désigné par le duc de Cumberland lui-même, comme également recommandable, et sous le rapport du courage, et sous celui des connaissances militaires. Toutefois, cette tactique de manoeuvres et de déploiemens, dont Braddock pouvait être fier en Europe, était un talent inutile dans les forêts

épaisses et infréquentées de l'Amérique. Cependant il lui donna de la présomption, et elle s'accrut encore par la comparaison qu'il fit de la supériorité de ses troupes, montant à cinq ou six mille hommes, et du petit nombre de ses adversaires.

Sachant que les Français attendent un renfort, il part du fort de Cumberland, et se hâte de prévenir cette jonction. Plein de la pensée que l'ennemi doit trembler à son approche, et se cacher dans ses retranchemens, il ne s'occupe que de l'atteindre, et néglige d'explorer les voies qui conduisent à lui.

Il touchait presque à son but, et s'applaudissait, à la fois, de sa diligence et de sa manoeuvre, lorsque, au milieu d'une gorge étroite, et au plus épais d'un bois, jusqu'alors impraticable, une décharge inattendue, partant d'ennemis invisibles, jette une terreur panique dans sa troupe, qui se débande aussitôt. Vainement Braddock essaie de la rallier; l'officier seul entend sa voix; mais ce faible support ne peut rappeler la fortune du combat, et l'imprudent général, honteux de reculer, et s'obstinant à tenir ferme, ne fait qu'assurer sa ruine.

Cet heureux coup de main fut le fruit du courage de deux cent cinquante Français seulement,

et de cinq à six cents Indigènes, qui les secondaient, et qui, montés sur des arbres, ou tapis derrière des broussailles, portaient dans les rangs anglais, avec une merveilleuse adresse, des coups certains, qui s'adressèrent principalement aux officiers. Braddock fut du nombre de leurs victimes, et ce fut Washington qui fit la retraite.

On trouva sur le général anglais tout le plan de l'invasion du Canada, tracé, en pleine paix, par son gouvernement, qui, sans doute, s'était proposé de faire concorder les opérations maritimes avec celles qu'il projetait sur terre. Au moment, en effet, que Braddock se mettait en mouvement pour son expédition, l'escadre anglaise de l'amiral Boscawen, attaquait et enlevait, à la hauteur de Terre-Neuve, deux vaisseaux de guerre français, séparés d'une escadre qui avait porté des renforts au Canada; et, immédiatement après, trois cents bâtimens marchands, qui, sur la foi des traités, parcouraient les mers avec sécurité, furent enlevés, comme l'eussent été par des forbans des navires sans défense. Cette perte fut immense pour la France, qui, forcée à une guerre maritime, se vit ainsi privée de l'expérience irréparable de cinq à six mille matelots.

Le cabinet de Versailles ne pouvait plus se

méprendre sur l'impossibilité d'éviter la guerre; mais ses dispositions pour la soutenir n'étant pas encore faites, il continua à négocier, et demanda réparation des brigandages commis à l'égard de sa marine marchande. Un refus positif d'y satisfaire tant que subsisterait la chaîne de forts au-delà des Apalaches, signifié par Henri Fox, depuis lord Holland, alors ministre des affaires étrangères, amena enfin les déclarations de forme qu'on ne pouvait plus différer.

La France avait à cette époque soixante-trois vaisseaux de ligne, dont quarante-cinq seulement étaient en état de recevoir des voiles; mais Machault eut le talent de distribuer de telle sorte ce petit nombre de bâtimens, qu'il tint en échec la marine anglaise. Une démonstration de descente, préparée sur les côtes de Normandie; une flotte tout armée dans le port de Brest, disposée à la favoriser; une autre à Toulon, dont la destination était inconnue; quelques vaisseaux en divers parages de l'Amérique, et l'envoi de Montcalm en Canada, opérèrent cet effet.

On vit alors l'Angleterre, qui s'était flattée de tout envahir sans obstacle, réduite, dès les premiers jours de la guerre, à trembler pour ses propres foyers, et, tandis qu'elle appelait à son aide des troupes prises sur le continent, la

France, profitant de son erreur, débarquait à Minorque une armée de douze mille hommes, qui, sous le commandement de Richelieu, entreprit le siége du fort Saint-Philippe, la plus forte place de l'Europe, après Gibraltar.

Tracées sur les dessins de Vauban, et à l'épreuve de la bombe et du canon, ses fortifications étaient taillées dans un roc, qui, au dedans, recelait des casemates où le soldat trouvait un abri sûr, et, au dehors, offrait une croûte impénétrable, qui ne permettait pas d'ouvrir des tranchées. Enfin des mines nombreuses pouvaient engloutir, à chaque instant, les braves que leur courage, malgré tant d'obstacles, eût rendus maîtres de quelques points importans des défenses de la place.

Depuis deux mois on travaillait, avec assez peu de progrès, à établir des batteries d'attaque, lorsqu'on signala une escadre anglaise de quatorze vaisseaux de ligne, arrivant au secours des assiégés. Elle était commandée par l'amiral Byng, fils du vainqueur de Passaro. Quoique inférieure de trois vaisseaux, l'escadre française, aux ordres de Lagalissonnière, n'hésita pas à se porter en avant, pour faire échouer le projet des Anglais.

Des deux côtés on en vient aux mains, et il

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