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à s'échapper, remorqué qu'il fut par l'Intrépide, qui était venu partager ses dangers.

Jusque-là Louis xv s'était montré d'une manière qui lui mérita quelque gloire militaire; mais, peu sensible à ces triomphes, on le vit souvent les abandonner brusquement, pour revenir se livrer, dans l'indolence de sa cour, aux désordres qui ont fait le déshonneur de sa vie. A la duchesse de Châteauroux avait succédé, dans l'intimité du roi, une femme des dernières classes du peuple, à qui sa beauté avait procuré l'alliance du sieur Lenormand d'Étioles, sous-fermier, et qui fut connue depuis sous le nom de la marquise de Pompadour.

Une mère dépravée avait bercé son enfance de la pensée coupable de captiver le cœur d'un monarque, et ses artifices y réussirent. Toutefois, politique dans son projet, la passion n'y entra pour rien. Aussi, n'eut-elle aucune des jalousies de l'amour; au contraire, au temps de sa plus grande faveur, et indubitablement par ses soins, puisque rien dans l'état n'était réglé que par elle, on vit le monarque français, le roi très-chrétien, au mépris des mœurs et des regards de l'Europe, se former, à l'exemple des potentats musulmans de l'Asie, un véritable sérail de beautés vulgaires, qui ne pouvaient

prétendre à la domination, et y prodiguer des sommes qui eussent suffi, pendant des années entières, à l'entretien de flottes nombreuses et d'armées considérables.

On estime que cent millions d'acquits au comptant, billets qui, sans spécification du service auquel ils étaient affectés, n'avaient besoin que de la signature du monarque pour être acquittés, défrayaient ces honteuses dépenses.

Il existe une multitude de mémoires sur cette partie de la vie privée de Louis xv, dont il vaut mieux ignorer les détails, que de les présenter, même sous le sceau du blâme; car, quoique l'on couvre le feu, pour l'empêcher de pétiller, ainsi que l'a dit un auteur moderne (1), il brûle toujours.

On remarque seulement cette différence entre Louis xv et Louis xiv, son bisaïeul, qu'il a malheureusement trop imité dans ses déréglemens, que ce dernier monarque, mettant de la dignité jusque dans ses vices, eut presque l'art de les ennoblir, par le voile brillant de galanterie dont il les couvrit, au lieu que le petit-fils s'est déshonoré par des amours vils, que ne peuvent excuser la surprise ou le délire de la passion, et par

(1) ANQUETIL.

des désordres abjects dont le bas peuple même fuit la honte.

Tandis que, avec une surabondance de zèle, des docteurs, quelque peu doctes, traitaient les affaires de l'Église, des commissaires français et anglais discutaient à Paris, avec une patience de négociateurs, les intérêts que les stipulations mal définies de la paix d'Aix-la-Chapelle avaient laissées à régler entre la France et l'Angleterre.

Ces intérêts étaient : 1o Les limites de l'Acadie ou Nouvelle-Écosse, que les Anglais étendaient jusqu'au fleuve Saint-Laurent, et que les Français, au moyen des forts de Beau-Séjour et de Gasparaux, qu'ils avaient bâtis dans l'isthme, vis-à-vis de ceux qu'y avaient les Anglais, resserraient dans la péninsule, entre Terre-Neuve et la Nouvelle - Angleterre ; 2o les îles Caraïbes, de Sainte-Lucie, la Dominique, Saint-Vincent et Tabago, dont les deux nations se disputaient la propriété.

Il n'est pas étonnant que, pour de pareils objets, qui demandaient des vérifications sur lieux, et par conséquent des voyages et des délais, qui en sont une suite nécessaire, les conférences se soient prolongées.

Pendant les controverses, qui durèrent cinq ans, tantôt animées, tantôt languissantes, les

de

deux peuples se tenaient comme dans un état guerre. Les Français bâtissaient des vaisseaux et renforçaient leur marine; les Anglais voyaient, dans ces précautions, non seulement l'intention de se défendre, mais même le dessein formé d'attaquer; et, croyant devoir trancher par l'épée le noeud des difficultés, dont ils craignaient peutêtre que la solution ne fût pas à leur avantage, ils prirent brusquement le parti de prévenir leurs adversaires, et portèrent les hostilités sur les confins des provinces, objets de la querelle.

Ils avaient franchi les montagnes des Apalaches, qui séparaient leurs colonies des colonies françaises du Canada et de la Louisiane, prétendant qu'un espace de mille ou douze cents lieues, interposé entre ces deux provinces, ne pouvait en faire partie, et qu'ils y avaient un droit égal aux Français. Ceux-ci, qui avaient le plus grand intérêt à ne pas laisser interrompre la communication de leurs établissemens, alléguaient la possession, et apportaient, en preuve, une chaîne de forts, qu'ils avaient construits dans ces déserts, tant sur les lacs d'où coule, au Nord, le fleuve de SaintLaurent, que sur l'Ohio, qui, prenant sa sourceprès des mêmes lacs, descend, au Sud, dans le Mississipi, et, par ce fleuve, dans le golfe du Mexique. Mais cette preuve était le grief même

dont se plaignait l'Angleterre, qui méditait la ruine de ces points d'appui, et qui, dans ce dessein, cherchait à s'en donner à elle-même de semblables dans ces contrées. De là la construction furtive de divers forts, et, entre autres, de celui de la Nécessité, dans le voisinage du fort Duquêne, que les Français avaient sur l'Ohio.

Instruit de cette entreprise, le commandant des établissemens français, dans cette partie de l'Amérique septentrionale, députe au fort de la Nécessité un officier nommé Jumonville, chargé d'une lettre, par laquelle les Anglais étaient invités à ne point troubler la paix par leurs sourdes usurpations. Mais, tandis que l'envoyé, croyant se rendre à une conférence pacifique, se détachait d'une escorte de cinquante hommes qui l'accompagnaient, il tombe, percé d'une balle, et sa troupe est arrêtée et déclarée prisonnière. Le chef qui commandait les Anglais, en cette circonstance, était le major Washington, qui depuis s'est rendu si célèbre par des exploits d'un autre genre, dont nous parlerons bientôt.

Cet assassinat, qui peint bien la lâcheté anglaise, une fois connue du commandant français dans ces parages, le pénètre d'une juste indignation, et lui inspire le désir d'une légitime vengeance; mais ce qu'on a peine à croire, et qui

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