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résigna avec d'autant moins de difficulté, que, dans le retranchement des dépenses qu'il aurait fallu faire pour cet objet, il trouvait à contenter son goût naturel pour l'économie, et qu'il comptait, d'ailleurs, sur le caractère, également pacifique, de Robert Walpole, qui dirigeait alors le cabinet britannique. Il arriva de là que, quand une opposition fougueuse eut précipité ce dernier du trône ministériel, précisément un an avant la mort de Fleury, et que les circonstances ramenèrent la guerre, la marine décrépite qui restait, et l'adolescente, qu'on y joignit, ne purent résister à celle des Anglais, dont les forces, chaque jour, semblaient augmenter dans une proportion effrayante.

Quoi qu'il en soit, la France déclare la guerre à la Grande-Bretagne et à l'Autriche, et l'Angleterre, humiliée de ce que Mathews, malgré les preuves multipliées de bravoure qu'il a données dans l'action, n'est pas sorti victorieux du combat livré devant Toulon, traduit cet amiral à un conseil de guerre, qui le juge incapable de tout service militaire, tandis que, en France, le vieux de Court (*), qui a sauvé d'une ruine certaine le commandant en chef de la flotte espagnole,

(*) Ce brave avait alors quatre-vingts ans.

accusé par lui de l'avoir secouru trop tard, est relégué dans ses terres.

D'inutiles tentatives sont faites pour porter en Angleterre le second prétendant; un ouragan violent rejette sur la côte de France Roquefeuille, ses vingt-six vaisseaux, et les vingt-quatre mille hommes aux ordres du comte de Saxe. Ce ne sera qu'après le triomphe de Fontenoy, et la conquête de la Flandre (*), que CharlesÉdouard débarquera en Écosse, et sera proclamé à Édimbourg.

Les Anglais s'étaient emparés de Louisbourg et de toute l'île Royale, voisine de l'Acadie, conquête importante, qui les rendait à peu près maîtres exclusifs des pêcheries de Terre-Neuve,

(*) Le jour même de la bataille de Fontenoy, Louis xv envoya un aide-major de l'armée porter à Frédéric 11 la nouvelle de sa victoire. L'officier rencontra le monarque prussien, au fond de la Basse-Silésie, dans une gorge de montagnes, près d'un village nommé Friedberg. « Vous voulez donc voir, dit le roi à l'aide-major, à qui la Silésie restera? >> « Non, sire, répondit l'officier, je veux être témoin de ce que votre majesté va faire pour châtier ses ennemis, et défendre en même temps ses sujets. » Frédéric remporta une victoire signalée contre les Autrichiens. Il manda à son allié, le roi de France: « J'ai acquitté à Friedberg la lettre de change que vous avez tirée sur moi à Fontenoy. »

Fastes de Louis XV.

et qui interrompait, en partie, les communications de la France avec le Canada; mais, presque en même temps, la Grande-Bretagne eut à trembler pour ses propres foyers.

Le prince Édouard (*), que n'avait pu rendre,

er

‚(*) Le prince Charles - Édouard, connu sous le nom de prétendant, était fils de Jacques III, petit-fils de Jacques 11, roi d'Angleterre, détrôné par son gendre, Guillaume, prince d'Orange, Stathouder de Hollande. Charles 1, son bisaïeul, fut condamné, par ses propres sujets, à mourir sur un échafaud, et sa quadrisaïeule, livrée au même supplice par le parlement de la Grande-Bretagne. Cet illustre rejeton de l'illustre et infortunée race des Stuarts consumait sa jeunesse auprès de son père, et il avait marqué, plus d'une fois, le désir d'exposer sa vie pour remonter sur le trône de ses

ancêtres.

« Que ne tentez-vous, lui dit un jour le cardinal de Tencin*, qui avait obtenu la pourpre sur la nomination du roi Jacques, de passer sur un vaisseau vers le nord de l'Écosse?

* Ce Tencin était un homme de beaucoup d'esprit, très-attaché au Molinisme et aux Jésuites. Ses liaisons avec le fameux Law, dont il reçut l'abjuration, furent aussi utiles à sa fortune, que nuisibles à sa réputation. Lors de la conversion du nouvel empirique, un plaisant lui adressa l'épigramme suivante :

Foin de ton zèle séraphique,
Malheureux abbé de Tencin;
Depuis que Law est catholique,

Tout le royaume est capucin!

Qui croire sur le compte de ce zélé défenseur de la Bulle? les uns en font un génie, un homme d'état, un politique consommé;

l'année précédente, en Angleterre, une flotte nombreuse, osa confier sa fortune à une frégate de dix-huit canons, frétée, par un négociant de

Votre seule présence pourra vous former un parti et une armée; alors, il faudra bien que la France vous donne des

secours. >>

Enhardi par ce conseil, Charles-Édouard s'embarque sur une frégate avec sept officiers, les uns Irlandais, les autres Écossais, qui voulurent courir sa fortune. Cette frégate était escortée par un vaisseau du roi, de soixante canons. Il n'avait avec lui, pour une expédition dans laquelle il s'agissait de la couronne de la Grande - Bretagne, que sept officiers, environ dix-huit cents sabres, douze cents fusils, et quarante-huit mille francs. Voltaire assure que le ministère de France et le roi lui-même ignoraient l'entreprise.

Le prince aborde d'abord dans une petite île, presque dé

d'autres lui disputent ses talens, et attribuent son élévation, moins à son mérite, qu'à celui d'une sœur ambitieuse et bel-esprit.

Cette sœur était Claudine-Alexandrine de Guérin de Tencin. Jeune, elle prit l'habit religieux dans le monastère de Montfleury, prés de Grenoble. Dégoûtée du cloître, elle rentra dans le monde et vint à Paris. Les grâces de son esprit lui firent des amis illustres; elle partagea la folie épidémique du système, et cette folie fut avantageuse à sa fortune, ainsi qu'à celle de son frère. Elle songea, des lors, à demander à la cour de Rome un bref qui la rendit au monde, qu'elle avait quitté, et elle l'obtint par le crédit de Fontenelle; mais comme ce bref avait été rendu sous un faux exposé, il ne fut point fulminé.

Madame de Tencin n'en resta pas moins dans la capitale, où sa maison devint le rendez-vous des gens les plus aimables de Paris, ou du moins les plus ingénieux. Aujourd'hui nous dirions les plus

Nantes, et qui portait sept officiers, quelques fusils et peu d'argent. C'est avec ce faible appareil, que, descendant sur l'une des îles occiden

serte, au-delà de l'Irlande, vers le cinquante - huitième degré, et, cinglant au continent de l'Écosse, il débarque dans un petit canton. Quelques habitans, auxquels il se déclare, embrassent ses genoux, et lui disent : « Que pouvons-nous faire? nous n'avons point d'armes; nous sommes pauvres; nous ne vivons que de pain d'avoine, et nous cultivons une terre ingrate. »« Je cultiverai cette terre avec vous, ré

intrigans. On la voyait au milieu d'un cercle de beaux esprits et de gens du monde, qui composaient sa cour, donner le ton et se faire écouter avec attention. Sa petite société, cependant, fut troublée, de temps en temps, par quelques aventures assez tristes. La Fresnaye, conseiller au grand conseil, fut tué dans son appartement, et elle fut poursuivie comme ayant trempé dans ce meurtre. On la transféra d'abord au Châtelet, et ensuite à la Bastille; enfin elle . eut le bonheur d'être déchargée de l'accusation intentée contre elle. Madame de Tencin mourut à Paris en 1749, vivement regrettée de plusieurs gens de lettres, qu'elle appelait ses bétes, et à qui elle donnait à dîner le mardi et le dimanche, et, chaque année, deux aunes de velours pour leurs étrennes.

On cultivait alors les belles-lettres en conscience; on avait de l'honneur, de la vertu sans faste, de la probité sans ostentation; on eût ri de l'être ridicule qui aurait osé proposer l'établissement d'une société académique des bonnes-lettres, même sous la protection du prince; le respect pour le public enfin était tel que, personne, à cette époque, ne songea ni à dénoncer quelqu'un pour avoir sa place, ni à accepter de ces sinécures ou de ces emplois multipliés, qu'on est souvent incapable de remplir, et dont les revenus suthraient seuls à la subsistance de vingt familles.

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