suites de leur situation, lorsque, enfin, parut à l'embouchure de la Vistule, le faible renfort de quinze cents Français, que le cardinal de Fleury faisait passer au roi de Pologne. C'était tout ce que l'éloignement des lieux et la jalousie de l'Angleterre avaient pu permettre de transporter sur des vaisseaux.

Mesurant, d'un coup d'oeil, ses forces et celles de l'ennemi, leur chef, le brigadier de Lamothe, rebrousse chemin, sans balancer; mais, arrivé à Copenhague, le jeune comte de Bréhant de Plélo, arrivé de France en Danemarck, s'indigne d'une résolution qu'il croit flétrir l'honneur du pavillon français, et, se mettant lui-même à la tête de l'expédition, quoique certain de n'en pas revenir, il ramène, au bout de quinze jours, sa petite troupe en vue de la ville assiégée. Attaquant aussitôt une première ligne russe, qui s'opposait à son introduction dans Dantzick, Bréhant la force, et tombe, mortellement blessé, au milieu de son triomphe.

C'était tout ce qu'on pouvait attendre d'une poignée de braves opposés à une armée; ils ne purent franchir la seconde ligne, et, réduits à se cantonner dans un poste avantageux, ils s'y soutinrent pendant un mois, et firent une capitulation honorable. Ils devaient être envoyés en

France; mais, sur l'avis qu'un vaisseau français venait de capturer un vaisseau russe, on les conduisit à Pétersbourg, où ils furent traités avec une urbanité qui les surprit, et qu'ils s'attendaient peu à rencontrer dans un pays qu'ils supposaient encore barbare.

Les forces, toujours croissantes, des Saxons et de leurs alliés, les progrès inévitables du siége, la trahison ou la lâcheté qui livra le fort de Wechselmunde; la flotte russe bloquant l'entrée du port ; enfin le bombardement de la place, la réduisirent, après quatre mois d'investissement, à l'impossibilité de tenir davantage; et la circonstance la plus affligeante, c'est que la tête du roi était mise à prix, et qu'on n'apercevait aucun moyen de le soustraire à la rigueur de son sort, dès que la ville se serait rendue.

Stanislas, dans cette situation critique, concerte avec l'ambassadeur de France, Monti, le, projet d'une évasion qui lui permettrait de rendre faciles aux fidèles Dantzickois, qui se sacrifiaient pour lui, les moyens de traiter, au moins, de leur propre salut.

Déguisé en paysan, et accompagné de trois guides grossiers, sur la fidélité même desquels on n'avait pas eu le temps de prendre des renseignemens bien certains, le monarque s'éloigne,

à la nuit close, des remparts de la ville, et, l'aide d'une nacelle, il s'efforce de gagner la Vistule, à travers une inondation qui, de ce côté, avait empêché les approches de l'ennemi. Son espoir était que, avant la prompte renaissance du jour et la reddition de la place, il serait assez heureux pour mettre le fleuve entre les Russes et lui; mais l'incertitude de sa course, au milieu des ténèbres, ne lui avait permis, lorsque le jour commença à paraître, de ne s'être éloigné encore que d'un quart de lieue.

Réfugié dans une cabane abandonnée, Stanislas y attendait avec impatience le retour de la nuit, également tardive et courte en cette contrée, pendant l'été, lorsqu'une décharge générale, partie de l'armée de terre et de la flotte, lui annonça que Dantzick avait capitulé, et que désormais la sollicitude des alliés se bornerait à la poursuite d'un seul individu.

La nuit arriva sans que les ennemis eussent soupçonné que l'objet de leurs avides recherches était presque sous leurs mains, et Stanislas, après deux heures d'une navigation pénible, au travers des roseaux qui résistaient à la nacelle, gagna enfin la chaussée d'une rivière, qui n'était point la Vistule.

Le roi de Pologne fut contraint de s'arrêter,

pendant le jour, dans une chaumière habitée, où les Moscovites venaient souvent se rafraîchir, et où se présentèrent, en effet, quelques cosaques, qui mangèrent avec ses compagnons de route, pendant que lui-même, séquestré dans un grenier, et couché sur de la paille, feignait un sommeil qui était loin de ses yeux. Ce ne fut qu'à la troisième nuit qu'il gagna la Vistule, où, pour comble de malheur, il ne trouva point de bateau. Il fallut s'éloigner du fleuve, et chercher un nouvel asile. Il y est reconnu; mais le confiant aveu du prince, payé de retour par un zèle aussi vif qu'intelligent, prépare les voies au passage, et, la nuit arrivée, le roi, à la clarté des feux de divers partis russes, qui battent la campagne, se remet en marche, guidé par son hôte. Enfin, après une lieue de chemin, qui ne se fait pas sans l'appréhension de plus d'une funeste rencontre, il arrive, pour la seconde fois, sur le bord de la Vistule, qu'il traverse dans une barque, due aux soins de l'honnête paysan qui l'a reçu chez lui.

Les plus pressans périls étaient dès lors passés; mais Stanislas était toujours en pays ennemi, et, pour gagner le territoire neutre du roi de Prusse, il restait à franchir le Nogat, branche orientale de la Vistule, qui se décharge dans le

Frisch-Haff. Ce fut l'ouvrage de deux jours, qui eurent encore leurs alarmes. L'indiscrétion des guides, qui se crurent trop tôt hors de danger, l'occupation de plusieurs villages, sur la route, par les Saxons et les Moscovites, et l'enlèvement de tous les bateaux sur le Nogat, faillirent renouveler les premières anxiétés du monarque, qui, triomphant enfin des dernières difficultés, gagna Marienwerder, première ville frontière de la Prusse ducale, où il cessa d'avoir à redouter les poursuites de l'ennemi.

LA FRANCE DÉCLARE LA GUerre a l'angLETERRE. HOSTILITÉS SUR MER.

La tombe venait de recevoir la dépouille mortelle de Fleury, et, comme il n'est rien qui, sous quelque rapport, ne prête à la critique, on l'accusa d'avoir tout sacrifié ou à l'amour ou au besoin de la paix.

Stupidement persuadé que les Anglais seuls pouvaient troubler la tranquillité extérieure, le cardinal laissa trop paraître la crainte de les mécontenter. Cette conduite pusillanime les rendit exigeans, et Fleury porta la condescendance jusqu'à mesurer, sur leurs désirs, quelquefois impérieux, les forces de la marine française. Il s'y