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Deux prêtres parses, Darab et Kaous, l'aident à traduire du Zend ou du Pelhvi en persan moderne, le manuscrit d'un livre de Zoroastre. Ce manuscrit étant défectueux, il en emprunte un autre, et le confronte avec le sien. Il refuse ensuite de le rendre avant de l'avoir copié en entier. On le menace; il craint qu'on ne le lui enlève de force, et il travaille, ses pistolets sur sa table.

Tout était alors en combustion dans Surate : les Anglais assiégeaient la citadelle de cette ville, et ils l'enlevaient aux Indiens. Tous les comptoirs des Européens étaient dans des alarmes continuelles; celui des Français éprouvait les plus vives inquiétudes. Chacun cherchait à mettre ses effets en sûreté. Les prêtres parses n'osaient se montrer. Les Anglais, vainqueurs, obtinrent enfin que la cour de Delhi leur cédât le gouvernement de la citadelle. Ils devinrent ensuite la puissance prépondérante à Surate, et le calme y

revint.

Pendant ces combustions politiques, Anquetil s'occupait en paix de ses travaux littéraires. Vivant seul, enfermé, ne sortant presque jamais, il goûtait une joie pure, en mettant la dernière main à un ouvrage qu'aucun homme jusqu'alors n'avait fait, ni pu faire.

Dès qu'il eut achevé sa traduction, il voulut connaître les antiquités, qui rendront toujours ce pays le plus curieux de la terre..

En vain cette presqu'île de l'Inde fut envahie et pillée, tour à tour, par les Persans, par les Grecs, par les Tartares, par les Arabes, et par tous les peuples de l'Europe; lois, mœurs, religion, institutions, monumens, tout y respire encore la plus haute antiquité. A côté des vices, des débauches, des intrigues et des complots que tant d'invasions, et que le mélange de tant de nations, de cultes, d'usages différens, font naître de toutes parts, on retrouve la simplicité, les vertus et les superstitions des premiers âges.

Anquetil visita d'abord un temple des Parses, et y vit le feu sacré. La présence d'un étranger dans le lieu saint était une profanation qui pouvait avoir pour lui des suites funestes, puisque les lois du pays la punissent de mort. Il s'était habillé en Parse, et le prêtre Darab l'avait introduit. Le fils de Darab officia ce jour-là, car ces prétres se marient, et en cela font bien, puisqu'ils obéissent au vœu de la nature. Anquetil s'introduisit ensuite dans leur cimetière, où il fut reconnu. On en murmura beaucoup; toutefois, il ne fut insulté par personne.

Anquetil, dans ses vastes projets, s'était pro

posé non-seulement de rapporter en Europe les livres de Zoroastre, mais encore tous ceux qui contiennent les lois sacrées des différens peuples de l'Asie. Il fit chercher les quatre Vèdes, que les Brames prétendent avoir été composés par Khreschnou, il y a quatre mille ans; ce qui ne paraît pas d'une antiquité bien reculée pour

l'Inde. Les livres de Zoroastre sont moins anciens encore; ils ne remontent guère qu'à cinq cents ans avant l'ère chrétienne. Ces Vèdes sont écrits en Samskretan; les livres parses en Zend et en Pelhvi.

Anquetil avait l'intention de se rendre à Bénarès, et d'y apprendre le Samskretan. Il comptait de là passer en Chine; mais sa santé, et surtout les malheurs de la France, ne le permirent pas. Pondichéry ayant été pris, il ne fallut plus songer qu'à revenir.

Anquetil partit de Surate sur un vaisseau anglais. Il était encore dans les mers de l'Inde, lors du passage de Vénus sur le disque du soleil. Il l'observa de son bord, comme il put, couché sur le dos.

Enfin, après huit mois d'une navigation périlleuse, il aborda en Angleterre et descendit à Porstmouth. Le vaisseau qui l'avait amené portait des prisonniers de guerre, et, quoique An

quetil ne le fût point, on le traita comme tel, malgré ses protestations. Il obtint cependant la permission d'aller visiter l'université d'Oxford, et il trouva que le plus beau de ses manuscrits, comme il l'appelle lui-même, le Vendidad-Sadé, était dans la bibliothèque bodlienne. Personne alors ne l'entendait; lui seul, en Europe, pouvait le lire.

Anquetil passa quelques jours à Londres, s'embarqua pour Ostende, et revint à Paris le 14 mars 1762, après sept ans et un mois d'absence.

Le lendemain, il déposa à la bibliothèque du roi, deux exemplaires des livres de Zoroastre, sept dictionnaires Persan moderne, trois dictionnaires Samskretan, et cent quatre-vingts manuscrits dans diverses langues de l'Inde.

Le comte de Caylus, l'abbé Barthélemy, et M. de Malesherbes' le reçurent avec les transports qu'inspire le succès d'une grande entreprise. Les portes de l'académie des belles-lettres lui furent ouvertes, et partout, dans Paris, on le rechercha avec le plus vif empressement.

STANISLAS.

LES RUSSES A DANTZICK.

Depuis quelques années, à l'aide de négociations entamées, suspendues et reprises dans

toutes les cours, l'Europe était en paix, lorsque cette heureuse quiétude fut interrompue par la mort d'Auguste 1er, électeur de Saxe et roi de Pologne. Stanislas Leczinski avait été élevé sur ce trône, par la protection de Charles XII, et fut forcé d'en descendre lorsque le roi de Suède cessa de pouvoir le soutenir. Il était naturel que Louis xv souhaitât d'y voir remonter son beaupère; mais ce prince, désabusé, depuis longtemps, des illusions de la grandeur, eût abandonné volontiers des prétentions dont il connaissait tout le vide; et il est à croire que la crainte seule de faire soupçonner que son courage pût être au-dessous de sa fortune, le rengagea dans la carrière de l'ambition. La plus grande partie de la Pologne penchait pour lui; il se rendit à ses voeux, et, parvenu, déguisé, à Varsovie, il y fut proclamé roi.

Cependant une armée russe, aux ordres du comte de Munich, était entrée en Pologne, pour soutenir le fils d'Auguste; et Stanislas, réfugié à Dantzick, y attendait les secours que lui avait promis la France, lorsque la place se trouva tout-à-coup investie par l'ennemi. Le courage des habitans, exalté par l'amour qu'ils portaient à leur prince, leur faisait supporter, depuis trois mois, les privations et les travaux de tout genre,

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