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deux officiers espagnols, chargés de faire la même opération que lui.

Après soixante-dix-sept jours de traversée, Chappe et ses compagnons abordent à la VeraCrux; mais le pavillon qui flotte à l'artimon de leur navire, donnant de l'inquiétude au commandant de la place, un coup de canon, tiré du fort, les oblige à jeter l'ancre au milieu des rochers qui ferment le port, et à y demeurer, au hasard de périr à chaque instant.

Cet état de malaise et d'anxiété cesse enfin; Chappe débarque, et, conformément aux ordres du roi d'Espagne, il reçoit tous les secours que le pays peut fournir. Le vice-roi du Mexique l'accueille avec les égards dus à son courage et à sa persévérance; une forte escorte assure ses jours contre les attaques de Sauvages indomptés; et, arrivé près de Molino, il est témoin d'un phénomène qui lui confirme ce que plusieurs savans soupçonnaient depuis quelque temps. Il voit clairement la vapeur de la foudre s'élever de la terre, et éclater vers la partie la plus élevée des nuages. Tout son monde, son interprète, ses soldats le remarquent, et en sont effrayés, comme d'un prodige extraordinaire. Ainsi nos sens nous trompent; nous voyons tourner le soleil et tomber la foudre; c'est précisément le contraire:

le soleil est fixe, la foudre monte, ou plutôt ce fluide agit dans tous les sens.

Une maladie contagieuse dévastait alors cette contrée, et déjà même elle avait emporté un tiers des habitans. Les officiers espagnols proposèrent d'aller s'établir plus près du cap Saint-Lucar. « Le temps presse trop, répondit Chappe; il ne s'agit pas de vivre, mais d'observer avantageusement.»> Personne n'osa l'abandonner, et il fut récompensé de son courage par la sérénité du ciel, qui lui permit de faire, le 3 juin, l'observation la plus complète.

VOYAGE AUX INDES ORIENTALES, POUR CHERCHER LES LIVRES DE ZOROASTRE.

Tandis que les savans français parcouraient le globe, pour perfectionner l'astronomie et la géographie, un homme plus extraordinaire peut-être, et qui n'était encore d'aucune académie, allait ramasser au fond des Indes les débris de l'antiquité la plus reculée.

Cet homme était Anquetil-Duperron. A l'âge de vingt ans, il avait une érudition profonde, et il savait toutes les langues orientales que l'on connaît en Europe.

Enthousiaste de Zoroastre, et, sachant que les Parses se vantent de posséder les ouvrages de cet

ancien législateur, écrits dans la langue originale, qu'on parlait alors, il résolut de les aller chercher, d'étudier cette langue et de traduire ces livres. Sans fortune, sans protecteurs, son érudition lui avait pourtant procuré la connaissance de plusieurs savans illustres.

Il parla de son dessein au comté de Caylus, à l'abbé Barthélemy, à l'abbé Sallier, à Falconnet, à Bougainville et à Deguignes. On vanta son projet, on l'admira, on lui fit des promesses, et on ne se hâta pas de les réaliser. C'est encore la même chose aujourd'hui.

Impatient, le jeune homme prend son parti, et sans solliciter de tardifs secours, il court chez l'officier chargé par la compagnie des Indes de lever des soldats pour la servir, et lui déclare qu'il veut s'engager pour aller à Pondichéry. Surpris, l'officier le refuse par humanité; mais, ne pouvant résister à la vivacité de ses instances, il diffère de quelques jours la ratification de l'engagement fatal, et finit par se rendre.

Anquetil part de Paris, à pied, emportant sur son dos, dans un sac, pour tout bagage, deux chemises, deux mouchoirs, une paire de bas, un étui de mathématiques, la Sagesse de Charron, et les Essais de Montaigne. Ces deux livres, bien entendus, valent seuls un trésor.

Les compagnons d'Anquetil et les autres soldats du détachement, étaient de vils brigands, tirés des cachots, pour aller expier leurs forfaits, en servant, au fond de l'Inde, dans une espèce d'esclavage.

Arrivé à Lorient, où il doit s'embarquer inconnu et simple soldat, Anquetil y trouva son congé, que la compagnie lui avait envoyé, et un ordre aux capitaines de ses vaisseaux de le passer gratis. A ce congé encore étaient joints le brevet d'une pension de cinq cents livres que le roi lui accordait, ainsi que des lettres de recommandation pour les principaux officiers de Pondichéry.

Au bruit de son départ, tous les cœurs s'étaient émus, et on s'était hâté de lui envoyer des secours qu'on négligeait de lui donner lorsqu'il était à Paris, et qu'on doutait s'il était mu par une résolution inébranlable, ou par une effervescence passagère, trop commune aux jeunes gens. Il s'embarqua enfin, et, après six mois de traversée, il arriva à Pondichéry, dans ces contrées qu'il avait tant désiré de voir.

N'étant ni militaire, ni employé de la compagnie, Anquetil fut reçu assez froidement dans cette ville. Son dessein parut beau, mais impeu portant, on s'en méfia comme d'une entreprise hasardée pour tenter fortune; on alla même jus

qu'à citer un Français qui, peu d'années auparavant, avait escroqué beaucoup d'argent à la compagnie, sous prétexte de recherches semblables.

Les premières études d'Anquetil furent la langue du Malabar, et surtout celle du persan moderne, qu'on parle dans l'Inde plus communément que toute autre. Les plaisirs, les maladies et la guerre apportèrent des obstacles sans nombre à ses travaux.

De Pondichery il passe au fond du Bengale. Il voulait se rendre à Bénarès, cette antique école des Brames. Une maladie oblige de le descendre à l'embouchure du Gange, dans un lieu appellé Bernagor. On le porte mourant chez des courtisannes, dans une maison de prostitution publique; il y est soigné par ces femmes, avec la plus touchante humanité. Quelque peu rétabli, il se rend à Chandernagor, et parvient, à force de prendre du café, à chasser la fièvre qui le mine.

Une dyssenterie cruelle le conduit aux portes du tombeau. A Bernagor on l'avait déposé dans une maison de débauche; à Chandernagor on le mit à l'hôpital.

Arrivé à Surate, Anquetil commence enfin, après trois années de courses, de fatigues et de dangers de toute espèce, les travaux littéraires qui seuls l'ont attiré dans l'Inde.

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