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curer qu'à un prix exorbitant, selon notre manière de supputer.

L'argent manque bientôt aux académiciens, et, malgré leurs lettres de crédit et leurs recommandations, ils ne peuvent en trouver. Ils sont même obligés de vendre leurs bagues, leurs habits, leurs chemises, garnies de dentelles, et, avec ce produit, Lacondamine court, par terre, à Lima, à une distance de quatre cents lieues, emprunter l'or dont ils ne peuvent se passer, et se hâte de revenir par mer.

Sur ces entrefaites, on intentait, à Quito, un procès aux voyageurs, sous le prétexte, aussi frivole que ridicule, que la vente de leurs effets était un acte de contrebande. Lacondamine sort victorieux, non sans peine, de cette lutte avec de misérables douaniers.

Tout en plaidant, les académiciens travaillaient à la mesure des degrés du méridien. Il fallait placer des signaux sur les pointes des rochers qui bordaient ce beau vallon; et cette entreprise était plus difficile qu'on ne l'imaginait.

Ce pays est peut-être le terrain le plus élevé du globe. La ville de Quito, le fond du vallon où elle est située, est de quinze cents toises au-dessus du niveau de la mer. Les sommets du Canigou et du Pic du Midi, dans les Pyrénées, ont moins de

hauteur que le fond de ce vallon, et les montagnes qui le bordent s'élèvent infiniment plus audessus de lui, que la cime des Alpes ne s'élève au-dessus des plaines qui sont à leurs pieds.

Cette chaîne des Cordillières n'est qu'un amas de volcans dont la plupart sont éteints. Le Sangaï, le Coto-Paxi, et le Pitchincha, au pied duquel est Quito, brûlent encore. Tout le vallon, qui peut avoir sept à huit lieues de large, est rempli de matières vomies par les volcans il est luimême fort inégal. Les voitures ne pourraient y rouler; on ne s'y sert que de mulets.

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Les académiciens étaient sans cesse obligés de descendre dans de profondes ravines, de traverser à gué des torrens quelquefois très-rapides, de gravir de rochers en rochers, jusque sur les pointes les plus saillantes et les plus convenables pour y placer des signaux, et pour y dresser leurs

instrumens.

Comme ces montagnes sont très-élevées, jusqu'à une certaine hauteur, ils trouvaient des bois très-épais; au-dessus de ces bois un tapis de neige et de glace couvrait le rocher et la mousse qui seule y pouvait croître. De la pluie, de la neige ou des brouillards en formaient l'atmosphère. Plus haut on ne rencontrait que le roc nu, et l'on voyait des nuages rouler sous ses pieds.

Les Péruviens ou les Métis, que les académiciens prenaient pour les guider, ou pour porter leurs instrumens et leurs provisions, les abandonnaient fréquemment dans ces déserts inconnus; quelquefois même ils les volaient. Lacondamine fut laissé seul sur un rocher, au sommet du Coto-Paxi, volcan alors éteint et couvert de glace, mais qui s'embrasa bientôt après d'une manière terrible : il y passa deux jours et deux nuits mourant de froid et de soif. Enfin il s'avisa de prendre un des verres de sa lunette, et de fondre, en y rassemblant des rayons du soleil, un peu de neige glacée, dont il étancha la soif qui le dévorait. Il s'en servit ensuite pour embraser quelques matières combustibles.

Les misérables pâtres, qui errent sur ces montagnes, volaient souvent les signaux, quoiqu'ils ne fussent que de bois ou de toile. Quelquefois un ouragan ou la chute d'un torrent inattendu, ou celle de quelque rocher, ou d'un amas de neige, les renversait. On fut obligé de rétablir jusqu'à sept fois celui qui avait été dressé sur la cime du Pamba-Marca.

Quand les signaux étaient placés, et que les académiciens, sur un rocher, exposés à toutes les intempéries de l'air, s'apprêtaient à prendre les angles qu'ils formaient, on voyait souvent un

nuage s'élever, rouler autour de la montagne, se déployer, s'étendre, envelopper les signaux et les dérober à la vue des observateurs. Il fallait attendre quelquefois pendant huit ou dix jours que ce nuage fût dissipé, et on n'osait descendre de la montagne, de peur de manquer le moment de l'observation. Pour comble de maux les académiciens étaient presque toujours séparés; la nécessité d'observer en divers lieux à la fois, isolait chacun d'eux.

Ce fut au travers de toutes ces difficultés, et avec des fatigues que rien ne pouvait égaler, si ce n'est leur patience, que ces académiciens parvinrent à dresser leurs signaux sur la cime ou sur le penchant de trente-neuf montagnes, dans une étendue de quatre-vingts lieues, ayant commencé un peu en deçà de l'Équateur, et ayant fini à trois degrés au-delà.

La suite de leurs triangles s'étendait depuis Carabourou, au nord de Quito, jusqu'à Chinan, au sud de Cuença.

Leurs travaux n'étaient point encore terminés, lorsque, assistant, dans cette dernière ville, à une course de taureaux, la populace soulevée se jeta sur eux en les menaçant de la mort. Connaissant, mieux que personne, la cause de ce tumulte, Seniergues se met en défense, impose,

il

un moment, aux furieux, les repousse d'abord, et leur résiste avec intrépidité. Percé de coups, tombe aux pieds des Européens, qui l'emportent tout sanglant, en se défendant eux-mêmes contre ces hostilités imprévues.

L'Amour avait occasioné cet attentat. Un Péruvien, jaloux de Seniergues, avait résolu de le faire assassiner. L'infortuné Français mourut dans les bras de Lacondamine, en le chargeant du soin de sa vengeance. Ce fut un nouveau procès que ce dernier eut à soutenir, et qu'il gagna, mais avec plus de peine que celui relatif à la contrebande. La justice fut muette pendant trois ans; enfin, l'auteur du meurtre fut condamné au banissement : toutefois, il ne quitta point le pays; il se fit prêtre.

Les travaux étaient presque achevés, lorsque un troisième procès vint encore mettre à l'épreuve la patience des savans. Il fut intenté au sujet de deux pyramides que les académiciens voulaient poser aux deux bouts de la base mesurée, à la toise, sur le terrain même, pour servir de fondement à tous leurs caculs. Ces deux pyramides devaient fournir, dans tous les siècles, un moyen facile et sûr de vérifier leurs observations. Des officiers espagnols s'alarmèrent de l'inscription. où il était parlé du roi de France; il fallut plai

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