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La Sardaigne, inutile à l'empereur, lui resta pour un temps. Il fut, quelques années, maître de Naples, ce grand fief de Rome, qu'on s'est si souvent et si facilement arraché.

Le duc de Savoie posséda la Sicile pendant quatre ans, et ne la garda que pour soutenir contre le pape, le droit singulier, mais ancien, d'être pape lui-même dans cette île, c'est-à-dire, au dogme près, d'y décider souverainement en matière de religion (*).

Quoique la paix extérieure eût comblé les vœux de Louis XIV, ce prince n'en était pas moins en proie, chez lui, aux plus grandes inquiétudes. Pour comble de malheur, leur source était sa

(*) La vanité de la politique parut plus fortement encore après les conférences d'Utrecht, que pendant la guerre. Il est hors de doute que le nouveau ministère de la reine Anne voulait préparer, en secret, le rétablissement du fils de Jacques 11 sur le trône. Cette princesse commençait à écouter la voix de la nature, et songeait sérieusement à laisser sa succession à ce frère que protégeait Louis XIV, et qu'elle avait proscrit malgré elle: sa mort arrêta ses bonnes intentions. La maison de Hanovre, qu'elle regardait comme étrangère, et qu'elle n'aimait pas, lui succéda; ses ministres furent persécutés; le parti du prétendant fut défait, et la rebellion qui, si Anne eût vécu plus long-temps, aurait été une révolution légitime, vit les échafauds se teindre du sang de ses partisans.

VOLTAIRE.

des hommes

crée, et c'était au nom du ciel que
factieux, hypocrites, cruels, intolérans, allaient
troubler l'état. Les querelles du jansénisme, que
l'on croyait assoupies, se rallumèrent, à cette
époque, avec un nouveau scandale et une fureur
jusque là sans exemple (*).

Pendant que
la France voyait avec le plus vif
chagrin s'élever dans son sein des disputes au

(*) Attentif au bonheur de la nation, et persuadé que des contestations, en fait de religion, ont toujours de mauvaises suites, le roi demanda au pape une constitution. Cent et une propositions de Quesnel furent condamnées, et une bulle expresse défendit à tous les fidèles de garder et de lire son ouvrage. Hélas! ce n'était qu'une bulle, et une bulle dictée par la mauvaise foi ultramontaine. Elle fut enregistrée au parlement, le 14 février 1714, et soutenue de lettres-patentes données à son sujet.

De quarante-neuf prélats convoqués, quarante avaient accepté l'acte de Clément x1, avec des modifications.

Quelque sages qu'eussent été les précautions prises par Louis XIV pour rendre la tranquillité au royaume, ses lettres patentes, l'arrêt du parlement et l'acceptation des quarante évêques, furent frappés de nullité dans l'opinion publique. On vit tout-à-coup paraître une foule d'écrits anonymes, pour ou contre Rome, et cette multiplicité de pamphlets, loin de ramener le calme, ne servit au contraire qu'à alimenter la fureur des partis.

Envoyée en Sorbonne avec une lettre de cachet, la bulle fut reçue à la pluralité des suffrages, et enregistrée, mais

sujet des réflexions morales du P. Quesnel, prêtre de l'Oratoire, sur le Nouveau-Testament, Philippe v n'était guère plus tranquille sur le trône d'Espagne. Barcelone, Majorque et Iviça avaient refusé de reconnaître son autorité. Opiniâtres dans leur révolte, les Catalans avaient porté le délire jusqu'à déclarer la guerre à la France et à l'Espagne. Leur obstination était principalement fomentée par le clergé et par les moines, dont plusieurs, voyant approcher le terme d'une liberté qu'ils avaient usurpée, et qui différait peu de l'apostasie, faisaient les plus grands efforts pour la conserver, en abusant de l'ignorante crédulité du peuple.

On avait conseillé à Philippe de raser Barcelone, et d'élever à sa place une pyramide qui attestât à la postérité la révolte et la punition de cette ville. C'est ainsi que de nos jours nous avons vu un vil histrion, pour venger son amour - propre blessé, proposer sérieusement aux députés de la France, l'entière destruction de la seconde ville de l'antique Gaule, dont il avait juridique

seulement pour obéir aux ordres précis du roi, qui n'eut pas même la satisfaction de voir, avant sa mort, la fin de cette espèce de schisme que Clément xi, instrument volontaire du P. Le Tellier, avait causé dans l'état.

SAINT PHILIPPE, Hist. d'Espagne:

ment assassiné la population; c'est encore ainsi que des hommes, qui prouveraient difficilement qu'ils ont le cœur français, méconnaissant ces paroles auguste de leur Roi: Union et Oubli, osent, sous l'empire de la Charte, solennellement jurée par le chef de l'état et par ses héritiers présomptifs, rêver des monumens qui perpétuent le souvenir des discordes civiles.

Content d'avoir humilié Barcelone, Philippe voulut la conserver. Sa clémence fut entière et devait l'être; le sang de Henri IV, qui sut vaincre et pardonner, coulait dans ses veines.

Pendant que, de toute l'Europe, Majorque seule conservait son état de guerre, et restait armée contre son souverain, Louis xiv en proie à des chagrins domestiques (*), et d'ailleurs

(*) Louis xiv vit, en moins d'un an, s'éteindre trois générations. Le dauphin, son fils unique, meurt le 14 avril 1711; le duc de Bourgogne, devenu dauphin, meurt l'année suivante, le 18 février, n'ayant survécu que six jours à sa femme, morte le 12. Trois semaines après, le 8 mars, le duc de Bretagne, l'aîné de leurs fils, les suivit au tombeau. Paris vit le même char funèbre renfermer le père, la mère et l'enfant.

Le duc d'Anjou, depuis Louis xv, fut à deux doigts de la mort. La duchesse de Ventadour, sa gouvernante, par amour d'autant plus courageux qu'elle osait se charger de l'événement, éloigna les médecins, et, pleine des idées funestes qui

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averti par l'âge et les infirmités, de sa fin pro chaine, étendait ses vues politiques jusque dans l'avenir, et voulait encore conserver, même au

naissaient de tant de morts précipitées, lui donna du contrepoison*. Que ce remède ait été nécessaire ou non, on eut le bonheur de conserver un enfant si précieux à l'état.

Le public ne trouva rien que de naturel dans la mort du dauphin, attaqué de la petite vérole; mais il n'en fut point ainsi de la mort du duc, de la duchesse de Bourgogne et du duc de Bretagne. Enlevés tous trois presque au même instant, on ne doutait point que ce ne fût l'effet du poison. Fagon, premier médecin du roi, et Boudin, médecin des enfans de France, le disaient sourdement avec une timidité apparente, qui n'en était que plus persuasive.

Maréchal, premier chirurgien, soutenait le contraire, et citait plusieurs exemples récens de pareilles maladies; mais il paraissait moins persuadé lui-même, que chercher à consoler le roi, en écartant des images noires. Le jeune duc d'Anjou, faible et languissant, qu'on disait arraché à la mort par un antidote, semblait prouver que le père et la mère avaient péri par le poison.

On ajoutait que le premier accès de la maladie de la duchesse de Bourgogne avait été une douleur vive à la tempe, suivie de fièvre, après une prise de tabac d'Espagne, et que, sur cette déclaration, on avait inutilement cherché la tabatière qui ne s'était plus trouvée.

Ces soupçons, répandus dans tout le royaume, tombaient

* Cet antidote fut donné par la comtesse de Vérue, qui l'avait apporté de Turin, où elle avait été empoisonnée, étant maîtresse du duc de Savoie, Victor.

DUCLOS.

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