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Protestans, et avec eux d'immenses capitaux, fruits de leur industrie; le mépris le plus franc pour les maximes ultramontaines, la bulle réduite à sa juste valeur, le silence imposé aux querelles de religion, les disputes de la Sorbonne vouées au ridicule, quelques coups de cloche dans les compagnes, et, en moins d'une semaine, l'armée se grossissait d'un million de combattans. Cette recette est sûre du Rhin au Pas-de-Calais, des frontières de la Hollande aux rives de l'Adour.

Cependant Dieu protége la France, l'étoile d'Eugène pâlit, et les bords de l'Escaut vont être témoins du salut de la patrie.

Quoique inférieur en forces aux alliés, Villars n'en forma pas moins le dessein de secourir Landrecies. Il fit marcher son armée par colonnes, et alla la mettre en bataille en face de l'ennemi qui crut qu'une action générale, pour le lendemain, était inévitable.

Quelque habile que fût Eugène, Villars le trompa, et lui donna le change sur ses projets ultérieurs. Pensant avec raison que son armée recélait des espions, il avait affecté de dire qu'on défilerait par la droite. Eugène ne tarda pas en être informé, et régla ses opérations d'après cette connaissance des mouvemens présumés de

à

Villars, qui, faisant prendre à ses troupes une route opposée, se dirigea sur les lignes étendues depuis l'Escaut jusqu'à la Scarpe, au-dessous de Denain et de Marchiennes.

Ces lignes, que les Impériaux appelaient insolemment le chemin de Paris, se composaient d'un double retranchement, de deux lieues de longueur, qui aboutissait au camp de Denain, et au milieu duquel passaient les convois qui venaient de Marchiennes, sans courir le risque d'être pris. Elles furent attaquées brusquement, et forcées.

Le camp d'Albemarle ne peut tenir contre l'impétuosité française. L'armée du roi se précipite et tombe avec fureur sur les troupes du général hollandais qui se laisse enlever sous les pieds même du cheval de Villars. Le carnage est affreux; l'horreur, l'épouvante et la mort sont dans tous les rangs. Les vaincus et les vainqueurs se mêlent et se confondent. Tout est pris, tué, culbuté ou noyé dans l'Escaut. Les provisions de guerre et de bouche, avec les équipages, deviennent la proie du soldat.

Louis XIV apprit à Fontainebleau cette éclatante victoire qui sauvait la France, rétablissait ses affaires et préparait la paix. La nouvelle lui en fut apportée du champ de bataille par le marquis de Nangis.

Ce n'était encore là cependant que le prélude des nombreux revers qu'allaient essuyer les alliés. Saint-Amand se rendit à discrétion. On y trouva beaucoup de blé et des munitions de toute espèce destinées au siége de Landrecies.

Situé dans des marais impraticables, le poste de Marchiennes était le plus important et le plus difficile à prendre. C'était le dépôt, disons mieux, le magasin général des alliés, et pour leur armée, et pour les besoins des villes nouvellement conquises. Villars fit tout préparer pour s'en emparer de vive force. Le commandant ne voulut pas attendre qu'on donnât l'assaut; il ouvrit les portes de la forteresse, et demeura prisonnier de guerre avec la garnison qui fut conduite à Valenciennes.

On trouva dans la place une énorme quantité d'artillerie de tout calibre, des chevaux, des marchandises, un butin immense, quinze cents matelots, enfin tout le matériel et la réserve de l'armée ennemie.

Cette reddition porta un coup mortel à la grande ligue. Les pertes des alliés furent bientôt plus rapides que leurs progrès ne l'avaient été, et la France forçant la victoire à rentrer sous ses drapeaux, signalait l'étendue de ses ressources et de sa puissance, puisque seule contre tant

de princes acharnés à sa ruine, après tant d'armées défaites, tant de places occupées, elle était à la veille de voir se terminer par des triomphes, une guerre de dix ans, opiniâtre, cruelle et malheureuse.

Ces divers événemens, qui couvraient de gloire Villars et Montesquiou, étaient pour les alliés des pertes irréparables qui humiliaient leur orgueil, blessaient leur jactance, diminuaient leurs forces, et, les rendant plus souples et plus dociles, les disposaient à la paix.

Eugène avait levé le siége de Landrecies, et des troupes s'acheminaient tristement vers Tournay, pour y chercher des vivres, car un convoi de cinq cents chariots chargés de pain, et leur escorte étaient tombés au pouvoir des Français.

Montesquiou assiége Douai; Villars commande l'armée d'observation; Eugène tente plusieurs fois, mais toujours inutilement, de secourir la place, et de venger l'affront qu'il a reçu devant Landrecies: Douai ouvre ses portes après vingtquatre jours de tranchée. Le Quesnoi, Bouchain imitent cet exemple.

Ces disgrâces, arrivées coup sur coup par la faute d'Eugène, le firent hautement accuser dans sa propre armée, d'imprévoyance et de présomption. On alla même jusqu'à lui repro

cher d'avoir considéré la France comme une nation à demi écrasée et réduite à recevoir ses lois, quelque dures qu'elles fussent. Le triomphe de Villars au contraire était complet, puisque le succès avait rendu nulle la jalousie de ses officiers supérieurs, tous anciens compagnons de ses travaux, mais qui, cette année, semblaient, par un dénigrement perpétuel de ses plans, taxés par eux d'inexécutables, avoir pris à tâche de faire échouer ses opérations.

Il ne fallut pas moins que le caractère tranchant et décidé du général en chef, pour se raidir contre l'opposition, et ne pas céder à des considérations d'égards qui eussent été funestes aux intérêts de la patrie.

Chaque avantage remporté par Villars hâtait la paix d'Utrecht. On espérait y parvenir depuis que la négociation était entamée avec la reine Anne, dont les ministres ne négligeaient ni les intérêts de la Grande-Bretagne, ni la sûreté publique. Cependant il se trouvait encore bien des obstacles de la part des alliés. La victoire de Denain les rendit plus traitables, et leur fit regretter de n'avoir pas accepté les conditions of fertes à Gertruidemberg. Les articles de la paix furent bientôt arrêtés. Celui qui demanda le plus de discussion regardait les renonciations.

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