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qu'il avait, conjointement avec ses officiers, au nombre desquels était pour lors Choiseul, traité avec les plus grands égards.

Touché de voir le Français dans cet état, l'Algérien fit tout ce qui dépendait de lui pour que sa grâce fût accordée. Il sollicita, il pressa avec instance, mais, n'ayant pu rien obtenir, comme il vit qu'après l'avoir attaché on allait mettre le feu au canon, il se jeta sur lui à corps perdu, l'embrassa étroitement, et, s'adressant à l'artilleur: «< Tire, lui dit-il; puisque je ne puis sauver mon bienfaiteur, j'aurai du moins la consolation de mourir avec lui. » Témoin de ce spectacle, le roi d'Alger en fut attendri; la générosité de l'officier excita la sienne, et Choiseul fut sauvé. Grand et noble exemple de reconnaissance qui prouve que chez les âmes bien nées la mémoire du cœur n'est jamais perdue (*)!

Gênes ne tarda pas à éprouver un désastre semblable à celui d'Alger. Pendant la dernière guerre la république avait fourni secrètement des secours aux Espagnols, et c'était dans ses arsenaux que les pirates, quoique leurs ennemis, trouvaient, par l'avidité des commerçans, les munitions dont ils avaient besoin. Tout récemment,

MASSIEU, Sourd-muet, élève de Sicard.

à la demande de Louis XIV, qui désirait avoir un magasin de sel à Savonne, pour l'approvisionnement de Casal, qu'il venait d'acheter du duc de Mantoue, elle avait répondu, par un refus formel, dans l'appréhension que le monarque, qui semblait s'arroger alors tout ce qui était à sa bienséance, n'en prît peut-être occasion de s'assurer de la ville elle-même.

Dans cet état mutuel de défiance, un armement de quatre galères, que la république prétendit n'avoir fait que pour la sûreté de ses rivières, et que Louis soupçonnait être un secours préparé au roi d'Espagne, qui avait avec lui quelques difficultés, et qui avait déjà envoyé une garnison dans la ville, fut le signal de la vengeance.

Seignelai, fils de Colbert, et ministre de la marine, se présenta devant Gênes, à la tête d'une escadre formidable, que commandait sous lui Duquesne, et, mal satisfait des réponses évasives des magistrats, aux demandes faites au nom du roi, il ordonna un bombardement qui dura dix jours, et qui détruisit une partie des édifices fameux qui avaient mérité à la ville le nom de Gênes la Superbe.

La fierté naturelle aux républicains, et l'appui des Espagnols firent supporter aux habitans cette attaque avec courage; mais la menace d'une se

conde entreprise vit mollir leur résolution, et les porta à rechercher la médiation du pape. Le crédit du souvrain pontife semblait devoir être bien faible à la cour de France. Toutefois, le roi, qui fut bien aise de faire quelque chose d'agréable pour Innocent xi, dans l'espoir de l'amener luimême, par ces égards, à des sentimens de modération, accueillit ses propositions, et rendit ses bonnes grâces à la république, moyennant qu'elle désarmerait ses galères, que la garnison espagnole évacuerait Gênes, et que le doge, nonobstant la loi fondamentale de l'état, qui lui interdisait de sortir du territoire de la ville, serait envoyé, accompagné de quatre sénateurs, porter à Versailles l'assurance de sa soumission. Ils furent reçus avec une majesté tenant de la hauteur, mais aussi avec toute sorte de politesse et de bienveillance marquée.

Comme on les promenait dans les jardins et les appartemens, dont on leur faisait remarquer la magnificence, Seignelai ayant demandé au doge ce qu'il trouvait de plus extraordinaire à Versailles : « C'est de in'y voir, répondit-il. »

Ce serait commettre une injustice majeure, de ne point citer, au moins sommairement, quelques braves qui, pour n'avoir pas été chargés de commandemens supérieurs, ont cependant

immortalisé leur nom par des actions d'éclat, et rendu à la patrie les plus éminens services: nous, appelons donc l'attention du lecteur sur Cogolin, également cher à Thétis et aux Muses, et sur Coetlogon, qui paya de sa personne dans onze batailles navales, et dont la vieillesse, quelques jours avant sa mort, fut honorée du bâton de maréchal de France. Tels sont encore, dignes de l'admiration de la postérité, les Crainville, les Villaut, les Navailles, les Lamellinière, les Preuilly, les Gabaret, les Montortier, les Blenac, les Lezine, les Raimondi, les Amfreville, les Relingue, les La Bresche, les Duvivier, les Lalande, les Nesmond, les Pannetier, les Villette, les Bagneux, les Larrey, les Bernard, les Courserac, les Tourouvre, les Roquefeuille, etc., et ce Croisie, de Bayonne, qui, revenant de course avec l'Embuscade, en fut séparé par une tempête.

Manquant d'eau et de vivres, Croisie, décidé à s'en procurer, de gré ou de force, au premier endroit, aborde à Barios, bourg de Galice, et éloigné de trois lieues du cap Ortiguero. Le lendemain, il envoie demander aux alcades la permission de faire de l'eau, promettant de se retirer ensuite, sans causer aucun dommage.

Sa demande est accordée. Croisie détache sa

chaloupe avec vingt-cinq hommes, que les Espagnols accueillent, au moment où ils mettent pied à terre, par une grêle de balles, qui tuent deux Basques et en blessent quelques autres.

Résolu de tirer vengeance de cette perfidie, Croisie débarque avec quatre-vingts hommes, va droit à un retranchement qu'il aperçoit sur la côte, et ordonne de ne faire feu qu'à bout portant.

Trois cents Espagnols étaient derrière ce même retranchement, et ils avaient, pour les soutenir, trente cavaliers, et les milices, que le tocsin avait rassemblées.

Après avoir essuyé le premier feu de l'ennemi, les Basques attaquèrent le retranchement, l'emportèrent, tuèrent vingt-quatre Espagnols, en blessèrent cinquante, firent quarante prisonniers, et poursuivirent le reste avec tant d'ardeur, que les cavaliers, sautant à nu sur leurs chevaux, abandonnèrent leurs selles, leurs mousquetons et leurs rondaches.

Arrivés au village, les vainqueurs en enlevèrent le bétail et les vivres qui s'y trouvaient. Croisie voulait le brûler, mais, cédant aux prières du curé, et touché des larmes des femmes et des enfans, il pardonna, à condition que les habitans s'engageraient, comme ils le firent par un traité,

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