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grand conseil tenu au Plessis-les-Tours. Graville, amiral de France, remontra avec force les difficultés de l'entreprise. «La commencera-t-on par mer? dit-il, nous n'avons point de vaisseaux. Par terre? il faudra traverser les états de douze ou quinze principautés ou républiques, et les soumettre ou les gagner, avec le risque de les trouver

qu'un royaume à trois cents lieues de chez soi. Enivré de sa chimère, et perdant de vue ses vrais intérêts, Charles descend en Italie. Il entre dans Rome en vainqueur, à la lueur des flambeaux, et fait des actes de souverain, dans cette métropole du monde chrétien. Réfugié dans le château SaintAnge, Alexandre vi capitule avec lui, l'investit du royaume de Naples, et le couronne empereur de Constantinople.

La terreur du nom français ouvre à Charles viii les portes de Capoue et de Naples. Il y entre revêtu des ornemens impériaux. Étonnés d'une conquête si rapide, le pape, les Vénitiens, Sforce, duc de Milan, Ferdinand d'Aragon, Isabelle de Castille, travaillent à la lui faire perdre.

Il fallut qu'il repartît pour la France, six mois après l'avoir quittée. Il n'y rentra qu'avec beaucoup de peine et par une victoire on fut obligé de livrer bataille à Fornoue, village près de Plaisance. L'armée des confédérés était forte d'environ quarante mille hommes; celle de Charles n'était que de huit mille combattans. Les Français, dans cette journée, furent vainqueurs; mais ils perdirent Naples en aussi peu de temps qu'il avait été conquis, et Charles, de retour dans ses états, ne pensa plus à reprendre un royaume qui lui avait tant coûté.

Dict. Hist.

ensuite traîtres ou inconstantes. Tout le monde parle d'aller, et personne ne parle du retour. On n'est point effrayé de l'idée d'enfermer un roi de France à trois cents lieues de son royaume, entre tant de princes et de villes si opposés, d'intérêt et de politique. C'est cette opposition même, dit-on, qui fera notre sûreté; mais est-il sans exemple que, après de grandes tempêtes, dans ce pays, le calme s'y soit tout-à-coup rétabli? et si ces Italiens, nation ombrageuse et versatile, viennent à s'accommoder, resserrés alors au milieu d'eux, et à leur merci, que deviendrons-nous? »

Graville fit encore d'autres objections trèssensées, tirées de la jalousie des Anglais, de la haine de Maximilien, devenu empereur, et de la politique du roi d'Espagne.

Charles VIII avait pris son parti, et il s'y trouva confirmé par l'empressement de tous les princes d'Italie à rechercher son alliance. L'un offrait des vivres, l'autre des troupes, quelques-uns seulement le passage. Les Vénitiens, les plus dangereux de ceux qu'il ne fallait pas avoir contre soi, promettaient la neutralité, mais de mauvaise grâce, comme gens qui se défiaient, et dont, par conséquent, il fallait se défier. Le pape seul se déclarait assez ouvertement contre l'expédition, qu'il avait désirée, lorsque le roi Ferdinand

refusait de lui faire hommage du royaume de Naples.

Le pontife exigeait cette soumission, fondée sur l'usage. Tant que l'Aragonais persista dans son refus, le pape ne fut pas fâché que les armes de la France menaçassent son hommagé, afin de le contraindre à faire acte de vassal; mais si tôt que Ferdinand eut promis de se soumettre, Alexandre envoya à Charles un légat, pour essayer de le détourner de son entreprise, et, n'ayant pu l'en dissuader, il se déclara ouvertement pour Ferdinand. Le roi, pour modérer son zèle, lui donna l'inquiétude d'un concile général.

Quoi qu'il en soit, Charles VIII commence son expédition, comme fera tout monarque français qui voudra réussir, en excitant l'enthousiasme de la nation. Il indique un grand tournoi à Lyon; la noblesse y accourt de toutes les provinces; et c'est au milieu des plaisirs de cette fête militaire que le jeune monarque annonce la campagne d'Italie, et déclare qu'il la commandera

en personne.

Non-seulement toute cette brillante jeunesse, mais les guerriers même blanchis sous le harnois, voulurent y prendre part. Il ne resta de seigneurs, que quelques-uns des plus âgés, que le roi chargea du gouvernement avec la princesse

Anne de Beaujeu, sa sœur. Parti dans le mois d'août, il fut attaqué de la petite-vérole à Ast, point indiqué pour le rendez-vous général de l'armée.

Pendant sa convalescence, le duc d'Orléans, qu'il avait mis à la tête des opérations les plus importantes de l'expédition, vint lui annoncer des succès qui ouvraient aux Français le chemin de Naples. Le nouveau roi, Alphonse, dans le double dessein de retarder la marche des troupes de Charles, et de tirer son gendre Galéas, sa fille, et leur fils âgé de quatre ans, des mains du farouche Ludovic-le-Maure, leva une armée, dont le but était de s'emparer du Milanais, et l'embarqua sur des vaisseaux que lui fournit le roi d'Aragon.

Commandée par le prince Frédéric, cette flotte était destinée à porter des troupes sur les côtes de la Toscane, d'où elles auraient pénétré dans le duché de Milan, qu'elles devaient occuper; mais le duc d'Orléans, quoique à la tête de forces maritimes bien inférieures à celles de l'ennemi, manœuvra si habilement que, sans grands combats, il força le frère du roi de Naples à abandonner la mer, et à renoncer à ses desseins.

Ces premiers succès furent suivis de la prise de Rappallo, que les Français assiégèrent par terre. Voulant, à tout prix, se rendre maître de

cette place, le duc d'Orléans fit approcher ses galères le plus près qu'il put de la côte, dans l'intention de prendre les Napolitains en flanc, et lui-même les incommoda beaucoup avec l'artillerie de son vaisseau, qui portait des canons (*) d'un calibre très-fort pour ce temps-là.

En succédant à Charles VIII, Louis XII ne pouvait perdre de vue les états d'Italie sur lesquels il avait des prétentions, et comme roi de France, et comme duc d'Orléans; aussi, en montant sur le trône, ajouta-t-il à son titre héréditaire ceux de roi des Deux-Siciles et de duc de Milan.

La Marine, sous ce prince, offre peu d'événemens remarquables; toutefois nous nous garderons bien de passer sous silence Ravestein, Préjean et Primaudet.

Louis XII, pour faciliter le succès de ses entreprises, avait toujours sur la Méditerranée des vaisseaux prêts à mettre à la voile. Il fit sortir des ports de Provence une flotte de seize

(*) L'usage du canon était nouveau et peu connu dans la Méditerranée; cette machine meurtrière, inventée en Allemagne, avait été d'abord employée en Italie par les Vénitiens; mais les Français en rendirent l'effet plus terrible, qu'il n'avait encore paru, en employant des boulets de fer, qui l'emportaient en solidité sur ceux de pierre, dont on se servait auparavant.

GUICCIARDIN.

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