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Lagrange, le juge le plus compétent en pareille matière ; elles resteront placées parmi les conceptions analytiques qui donnent, qui assurent l'immortalité.

Monge a eu le bonheur bien rare de découvrir une des propriétés primordiales des espaces géométriques, des espaces limités par des surfaces susceptibles d'être définies rigoureusement. Archimède désira qu'en mémoire de celui de ses travaux qu'il prisait le plus on gravât sur sa tombe la sphère inscrite au cylindre. Monge aurait pu, avec non moins de raison, demander qu'une figure tracée sur sa pierre tumulaire signalât les propriétés des lignes de courbure, ces propriétés si belles, si générales dont les mathématiques lui sont redevables.

Monge a été le créateur de la première école du monde ; d'une école très justement appelée un principe, et que les pays étrangers nous envient; d'une école qui a rendu d'immenses services tant aux sciences pures qu'aux sciences appliquées, et devant laquelle, quand on l'a crue menacée, l'opinion publique s'est toujours placée comme un bouclier.

On a vu des professeurs imposer à de nombreux auditoires par la régularité et la noblesse de leurs traits et l'élégance de leurs manières. Monge ne possédait aucun de ces avantages. Sa figure était d'une largeur exceptionnelle; ses yeux très enfoncés, disparaissaient presque sous d'épais sourcils; un nez épaté, de grosses lèvres, formaient un ensemble peu attrayant au premier abord; mais qui ne le sait ? dans les tableaux de certains peintres fameux, les incorrections du dessin disparaissent sous la magie du coloris. Les qualités d'âme jouissent d'un privilège analogue; elles répan

dent sur les traits du visage des nuances harmonieuses qui en masquent tous les défauts. Tel est surtout, à mon avis, le sens qu'on doit attacher à cet adage de Chesterfield: « La laideur et la beauté sont des questions de trois semaines au plus. » Il n'était nullement question de semaines pour s'accoutumer à la figure sévère de l'illustre professeur. Dès les premières paroles de chacune de ses leçons, on la voyait soudainement s'illuminer d'une bienveillance infinie, qui commandait le respect et la reconnaissance.

Monge enseignait ordinairement ce qu'il avait luimême découvert. C'était pour un professeur, vis-à-vis de ses élèves, la position la plus avantageuse qu'on pût imaginer surtout lorsqu'une modestie franche et naïve y ajoutait un nouveau charme. Monge ne suivait pas strictement, devant ses auditeurs, la marche qu'il s'était tracée dans le silence du cabinet; il s'abandonnait souvent à des inspirations subites; on apprenait alors de lui comment les esprits créateurs font avancer les sciences, comment les idées naissent, percent l'obscurité qui d'abord les entoure, et se développent. Dans les occasions dont je parle, mon expression ne sera que juste: Monge pensait tout haut.

ARAGO.

La géométrie descriptive considérée dans sa plus stricte acception, n'est qu'un art et qu'un ensemble de méthodes pour représenter suivant certaines conventions tout ce qui caractérise la figure des corps et les relations de leurs formes. La géométrie descriptive est une langue imitative, qui a le double avantage de peindre et de parler aux yeux.

Mais il est une géométrie générale et purement rationnelle dont la géométrie descriptive n'est que la traduction graphique. C'est cette géométrie générale à laquelle il faut surtout former son esprit pour en bien appliquer les considérations et les préceptes. Il faut pouvoir se représenter dans l'espace les formes des corps, et combiner idéalement ces formes par la seule puissance de l'imagination. L'esprit apprend à voir intérieurement et avec une parfaite netteté, des lignes et des surfaces individuelles, des familles de lignes et de surfaces; il acquiert le sentiment du caractère de ces familles et de ces individus ; il n'apprend pas seulement à les voir isolément ou par groupes analogues; il les rapproche, les combine, et prévoit les résultats de leurs intersections, de leurs contacts plus ou moins intimes, etc.

Comment représenter un point, une ligne, une surface? Telle est la première question que Monge se pose. Il la résout sans paraître savoir d'avance où il veut arriver, et en se laissant guider par l'analogie naturelle qui nous fait rapporter nos mesures aux bases les plus simples en elles-mêmes, dans l'espoir d'opérer ces mesures par des voies qui soient aussi les plus simples possibles...

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On doit citer comme un modèle, pour la gradation des idées et leur développement lumineux, les pages où Monge expose ces tentatives de la science pour arriver à la connaissance du système de projection le plus parfait.

C. DUPIN. (Essai historique sur les services et

les travaux scientifiques de Gaspard Monge.)

LAPLACE (SIMON)

Beaumont-en-Auge (Calvados), 1749; Paris, 1827. - Géomètre et astronome; fils de paysans; professeur à l'École normale de l'an III, ministre sous l'Empire, pair et marquis sous la Restauration, membre de l'Académie française.

On lui doit l'étude du système du monde, en tenant compte des attractions secondaires dites perturbatrices; une hypothèse sur la formation des mondes.

Traité de mécanique céleste. Exposition du système du monde. Théorie analytique des probabilités. Théorie du mouvement et de la figure des planètes. OEuvres complètes, sous les auspices de l'Académie des sciences; 1878-94; 13 vol. in-4o, chez Gauthier-Villars.

Dans l'ensemble des recherches de Laplace, on doit remarquer surtout celles qui se rapportent à la stabilité des grands phénomènes : aucun objet n'est plus digne de la méditation des philosophes... En général, la nature tient en réserve des forces conservatrices et toujours présentes, qui agissent aussitôt que le trouble commence, et d'autant plus que l'aberration est plus grande. Elles ne tardent point à rétablir l'ordre accoutumé. On trouve dans toutes les parties de l'univers cette puissance préservatrice. La forme des grandes orbites planétaires, leurs inclinaisons varient et s'altèrent dans le cours des siècles; mais ces changements sont limités. Les dimensions principales subsistent, et cet immense assemblage des corps célestes oscille autour d'un état moyen vers lequel il est toujours ramené. Tout est disposé pour l'ordre, la perpétuité et l'harmonie.

On ne peut pas affirmer qu'il lui eût été donné de créer une science entièrement nouvelle, comme l'ont

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