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C'est en vain qu'il emploie et prière et promesse :
Si tu ne sors d'ici, dit-elle avec rudesse,

Je ne sortirai point du seuil où tu me vois.

Tu dis, reprend le dieu, plus vrai que tu ne crois :
La porte que soudain frappe son caducée,
S'ouvre devant ses pas: Aglaure courroucée,
Tente, pour se lever, d'inutiles efforts,

Et sent de ses genoux se roidir les ressorts,
D'un froid morne et pesant ses membres s'engourdissent.
Son sang glacé tarit; ses veines se durcissent.
Tel qu'un mal incurable en ses progrès soudains,
Des membres viciés s'étend aux membres sains:
Ainsi ce froid mortel qui monte et se propage,
A l'air qu'elle respire a fermé le passage.
Aglaure avait parlé pour la dernière fois;
Et pour se plaindre encore, elle n'a plus de voix.
Elle est une statue, une image sans vie;
Mais son visage encore est livide d'envie.

XXVI. Enlèvement d'Europe.

FIER de s'être vengé, le petit-fils d'Atlas
Abandonne les murs que protège Pallas;
Et s'élevant dans l'air qui frémit sous ses ailes,
Prend l'essor, et remonte aux voûtes éternelles.
Jupiter en secret l'appelle à son retour;

Et sans faire l'aveu de son nouvel amour,

Fide minister, ait, jussorum, nate, meorum,
Pelle moram, solitoque celer delabere cursu ;
Quæque tuam matrem tellus a parte' sinistrâ
Suspicit, indigenæ Sidonida nomine dicunt,
Hanc pete: quodque procul montano gramine pasci
Armentum regale vides, ad litora verte.

Dixit: et expulsi jam dudum monte juvenci
Litora jussa petunt, ubi magni filia regis
Ludere, virginibus Tyriis comitata, solebat.
Non bene conveniunt, nec in unâ sede morantur,
Majestas et amor. Sceptri gravitate relictâ,
Ille pater rectorque Deûm, cui dextra trisulcis
Ignibus armata est, qui nutu concutit orbem,
Induitur faciem tauri: mixtusque juvencis
Mugit, et in teneris formosus obambulat herbis,
Quippe color nivis est, quam nec vestigia duri
Calcavêre pedis, nec solvit aquaticus Auster *.
Colla toris exstant: armis palearia pendent;
Cornua parva quidem; sed quæ contendere possis
Facta manu, purâque magis perlucida gemmâ.

'Maïa, mère de Mercure, était une des Pléïades qui brillent au front du Taureau dans la zône torride. Elle se voyait donc à gauche du pays de Sidon.

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Fidèle messager des décrets de ton père,
Pars, mon fils, lui dit-il, et d'une aile légère
Vole vers ce pays que de loin nous voyons

De l'astre de Maïa regarder les rayons,

Et

que ses habitans ont nommé Sidonie.

Là, tu vois les taureaux du roi de Phénicie

Errer parmi ces monts de verdure couverts:
Hâte-toi, conduis-les au rivage des mers.

Il parle, et les taureaux descendus des montagnes Sont chassés vers la rive, où, parmi ses compagnes, La fille d'Agénor, au matin de ses ans,

Occupait ses loisirs à des jeux innocens.
Amour et majesté vont rarement ensemble,

Ce dieu, père des dieux, devant qui le ciel tremble,
Dont la main flamboyante étincelle d'éclairs,
Oubliant ce haut rang de roi de l'univers,
D'un taureau qui mugit emprunte la figure..
Parmi ceux d'Agénor, il foule la verdure,
Et dans les prés fleuris il semble avec fierté
Promener aux regards l'orgueil de sa beauté.
Son poil passe en blancheur la neige la plus pure,
Qui du pié des passans
n'a pas
senti l'injure.
Son fanon à longs plis flotte sur ses genoux;
Le plus beau des taureaux, il en est le plus doux :
Ses cornes sur son front se courbent avec grace;
Son regard est paisible et n'a rien qui menace.

Nullæ in fronte minæ, nec formidabile lumen;
Pacem vultus habet. Miratur Agenore nata,
Quod tam formosus, quod proelia nulla minetur.
Sed, quamvis mitem, metuit contingere primò ';
Mox adit, et flores ad candida porrigit ora.
Gaudet amans: et, dum veniat sperata voluptas,
Oscula dat manibus: vix ah! vix cætera differt.
Et nunc alludit, viridique exsultat in herbâ;
Nunc latus in fulvis niveum deponit arenis.
Paulatimque metu demto, modò pectora præbet
Virgineâ plaudenda manu; modò cornua sertis
Impedienda novis. Ausa est quoque regia virgo,
Nescia quem premeret, tergo considere tauri.
Cùm Deus a terrâ, siccoque a litore, sensim

3

Falsa pedum primis vestigia ponit in undis.
Inde abit ulterius, mediique per æquora ponti
Fert prædam. Pavet hæc, litusque ablata relictum
Respicit : et dextrâ cornu tenet; altera dorso
Imposita est: tremulæ sinuantur flamine vestes.

'Quel charme de style dans cette peinture naïve de la simplicité du jeune âge et de la timidité naturelle au sexe!

* Retranchez cette réflexion, et sa perte vous fera mieux sentir tout son prix.

3 Falsa, c'est-à-dire, trompeurs; et non les pas d'un faux taureau, selon l'explication fautive des Scholiastes.

Europe avance, hésite, approche de plus près :
Elle admire son front où respire la paix,
Et de son poil si doux la neige éblouissante.
Elle cueille des fleurs que sa main lui présente.
De ces soins en secret le dieu s'enorgueillit;
Il baise avec les fleurs la main qui les cueillit;
Il triomphe, il jouit du bonheur qu'il espère,
Et que si près d'Europe avec peine il diffère.
Tantôt sur l'herbe tendre il bondit mollement :
Sur l'arêne tantôt couché nonchalamment,
Il présente son dos à la main délicate,
Qui moins timide alors le caresse et le flatte.
Il se laisse enchaîner de guirlandes de fleurs.
La fille d'Agénor a perdu ses frayeurs ;

Elle ose,

elle ose enfin, dans son erreur extrême, Au dos du ravisseur se livrer elle-même. Orgueilleux de sa charge, il se lève, et d'abord A pas lents et trompeurs il s'approche du bord : Tout-à-coup à la nage il fend la mer profonde. La fille d'Agénor tremble, et du sein de l'onde Regarde le rivage, et le regarde en vain. Assise sur le dos de ce taureau divin, Elle attache une main à sa corne puissante; L'autre dispute aux vents sa robe voltigeante.

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