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Je ne passerai pas sous silence une anecdote connue qui prouve qu'avant cette époque une faction avait ourdi des trames contre cette princesse. Lors de la procession des Etats-généraux, des femmes du peuple, en voyant passer la reine, crièrent

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vive le duc d'Orléans! avec des accens si factieux qu'elle pensa s'évanouir. On la soutint, et ceux qui l'environnaient craignirent un moment qu'on ne fût obligé d'arrêter la marche de la procession. La reine se remit; et eut un vif regret de n'avoir pu éviter les effets de ce saisissement.

La première séance des États cut lieu le lendemain. Le roi prononça son discours avec assurance et noblesse; la reine m'avait dit qu'il s'en occupait beaucoup, et le répétait souvent pour être maître des intonations de sa voix.

Sa Majesté donna des marques publiques d'attachement et de déférence pour la reine, qui fut applaudie; mais il fut aisé de remarquer que ces applaudissemens étaient un hommage rendu seulement au roi.

Dès les premières séances, on put s'apercevoir combien Mirabeau serait redoutable à l'autorité. On assure qu'il fit connaître, en ce temps, au roi, et plus particulièrement à la reine, une partie de ses projets, et ses propositions pour y renoncer. Il avait fait briller les armes que lui donnaient son éloquence et son audace, pour traiter avec le parti qu'il voulait attaquer. Cet homme jouait à la révolution pour gagner une grande fortune. La reine

me dit à cette époque qu'il demandait une ambassade, et c'était, si ma mémoire ne me trompe pas, celle de Constantinople. Il fut refusé avec le juste mépris qu'inspire le vice, et que la politique eût sans doute su déguiser, si elle eût pu prévoir l'avenir.

L'enthousiasme général pendant les commencemens de cette assemblée, les débats entre le tiersétat, la noblesse et même le clergé, alarmaient chaque jour davantage Leurs Majestés et les gens attachés à la cause de la monarchie; mais cette époque de notre histoire est trop connue, et a déjà été écrite par des gens trop habiles, pour que je sorte des détails auxquels je dois me borner

La reine se couchait très-tard, ou plutôt cette infortunée princesse commençait à ne plus goûter de repos. Vers la fin de mai, un soir qu'elle était assise au milieu de la chambre, elle racontait plusieurs choses remarquables qui avaient eu lieu pendant le cours de la journée; quatre bougies étaient placées sur sa toilette; la première s'éteignit d'ellemême, je la rallumai: bientôt la seconde, puis la troisième, s'éteignirent aussi; alors la reine, me serrant la main avec un mouvement d'effroi, me dit : «Le malheur peut rendre superstitieuse; si cette >> quatrième bougie s'éteint comme les autres, rien ne pourra m'empêcher de regarder cela comme >> un sinistre présage..... » La quatrième bougie s'éteignit.

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On fit observer à la reine que les quatre bougies

avaient probablement été coulées dans le même moule, et qu'un défaut à la mèche s'était naturellement trouvé au même endroit, puisque les bougies s'étaient éteintes dans l'ordre où on les avait allumées 1.

Les députés du tiers arrivaient à Versailles avec les plus fortes préventions contre la cour. Les méchans propos de Paris ne manquant jamais de se répandre dans les provinces, ils croyaient que le roi se permettait les plaisirs de la table jusqu'à des excès honteux; ils étaient persuadés que la reine épuisait les trésors de l'État, pour satisfaire au luxe le plus déraisonnable : presque tous voulurent visiter le petit Trianon. L'extrême simplicité de cette maison de plaisance ne répondant pas à leurs idées, quelques-uns insistèrent pour qu'on leur fît voir jus

I "

On aura une idée, dit Montjoie, de la vie que la reine menait depuis l'ouverture des États-généraux, par ce qu'elle en marquait à la duchesse de Polignac. Dans une première lettre elle lui écrivait :

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«Ma santé se soutient encore; mais mon âme est accablée » de peines, de chagrins et d'inquiétudes : tous les jours j'apprends de nouveaux malheurs; un des plus grands pour moi » est d'être séparée de tous mes amis. Je ne rencontre plus de >> cœurs qui m'entendent. »

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Dans une autre lettre elle écrivait : « Toutes vos lettres à

***

» M. de me font grand plaisir, je vois au moins de votre

» écriture; je lis que vous m'aimez, et cela me fait du bien.

Soyez tranquille, l'adversité n'a pas diminué ma force et

>> mon courage, et m'a donné plus de prudence.

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(Note de l'édit.)

qu'aux moindres cabinets, disant qu'on leur cachait les pièces richement meublées. Enfin, ils en indiquèrent une qui, selon eux, devait être partout ornée de diamans, avec des colonnes torses, mélangées de saphirs et de rubis. La reine ne pouvait revenir de ces folles idées, et en entretint le roi, qui, à la description que ces députés avaient faite de cette chambre aux gardiens de Trianon, jugea qu'ils cherchaient la décoration de diamans de composition qui avait été faite sous le règne de Louis XV, pour le théâtre de Fontainebleau.

Le roi pensait que ses gardes-du-corps, retournant dans leurs provinces, après avoir fait leur quartier de service à la cour, racontaient ce qu'ils y avaient vu, et que ces récits exagérés devaient souvent finir par y être dénaturés. Cette première idée du roi, sur la recherche de la chambre de diamans, fit penser à la reine que l'opinion sur le prétendu goût du roi pour la boisson devait aussi venir des gardes qui accompagnaient sa voiture, lorsqu'il chassait à Rambouillet. Le roi, n'aimant pas à découcher, partait de ce rendez-vous de chasse après son souper; il s'endormait profondément dans sa voiture, et n'était réveillé qu'au moment de son arrivée dans la cour royale; il descendait de voiture au milieu des gardes-du-corps, en chancelant comme un homme à moitié éveillé, ce qui avait été pris pour un état d'ivresse '.

Il est curieux de rapprocher l'anecdote qu'on va lire du rc

La plupart des députés arrivés avec des préventions dues à l'erreur, ou semées par la malveillance, se logèrent chez les plus petits particuliers de Versailles, dont les propos inconsidérés ne contribuèrent pas peu à entretenir ces préventions. Tout enfin disposait l'esprit des députés à servir les projets des chefs de la rébellion.

raux,

Peu de temps après l'ouverture des États-généle premier dauphin mourut. Ce jeune prince était tombé, en quelques mois, d'une santé florissante dans un rachitisme qui lui avait courbé l'épine du dos, allongé les traits du visage, et rendu les jambes si faibles, qu'on le soutenait comme un vieillard caduc pour le faire marcher 1. Que de

proche injuste fait à Louis XVI, et dont madame Campanexplique si naturellement les causes.

« La comédie d'Ésope à la cour, de Boursault, renferme une scène dans laquelle le prince permet aux courtisans de lui dire ses défauts. Ils s'accordent tous à le louer outre mesure; un seul ose lui reprocher d'aimer le vin et de s'enivrer, vice dangereux chez tous les hommes, et plus encore dans un rci. Louis XV, pour qui ce goût honteux était déjà presque une habitude dès l'année 1739, trouva la pièce de Boursault mauvaise, et en défendit la représentation à la cour. Après la mort de ce prince, le temps du deuil expiré, Louis XVI demanda une représentation d'Esope à la Cour, trouva cette pièce pleine de sens, faite pour instruire les rois, et ordonna qu'on la lui remît souvent sous les yeux. »

(Note de l'édit.)

Louis, dauphin de France, qui mourut à Versailles le

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